ma vie en rouge

« Vous devez me trouvez bien démodée… »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1922.

Né en 1989, Red était déjà démodé à sa sortie. Un an plus tôt, New West (Aramis) avait débarqué dans les parfumeries imposant la calone et les notes marines qui allaient devenir le standard des années ’90. La création nouvelle de Giorgio était déjà handicapée par le succès du premier parfum de la marque, sa façon de reprendre les codes des années ’80 le condamnait. Certes, il allait être un temps incontournable en Amérique, mais le reste du monde allait soigneusement l’ignorer.

Red reprend les codes glamour de la parfumerie ancienne en la projetant dans son époque. Pour évoquer le couleur rouge, il unit les fleurs (blanches) et les fruits un peu à la façon de Poison. Quelques aldéhydes sont présents au départ parce que, quand même, c’est toujours chic et donne de l’éclat à un accord jacinthe-bergamote-cassis qui donne du relief au cœur très gardénia, pêche et abricot qui évoque de loin les chypres fruités à l’ancienne, sur un fond qui tend plus vers les douceurs de l’ambre vanillé que vers la mousse de chêne. Le glamour du parfum est un peu burlesque, joyeusement factice. On est loin de l’aura des anciens chypres fruités. Red est à femme ce que Jessica Rabbit est à Rita Hayworth jouant Gilda.

Dit comme ça, ce parfum ne fait pas nécessairement envie. D’autant plus qu’il a été retravaillé et est aujourd’hui plus mince et manque un peu de fond. Pourtant, trouvable facilement et pour pas cher, c’est un parfum joyeux qu’on prend plaisir à porter. Il n’évoque pas le sac de bonbon ou la Lolita mais possède une sensualité joyeuse, joueuse, un côté sexy qui ne se prend pas au sérieux et qui est loin d’être déplaisant. Démodé en 1989, il a aussi de l’avance sur le début du XXIème siècle qui aime les fruits jusqu’à l’écœurement. Mais justement, Red n’est pas écœurant, au contraire, son interprétation est peut-être un peu cheap actuellement, mais à moins de 30 euros, pouvons-nous vraiment exiger de lui de nous faire le numéro des matières précieuses, pourtant, elle ne manque pas d’un certain chic, le genre de chic qu’on peut avoir en s’habillant chez H&M avec du goût et qu’on n’aura jamais en total look Chanel quand on n’a pas de goût. 

A redécouvrir. 

Red, Bob Aliano pour Giorgio Bevelly Hills, 1989.

Commentaires

  1. Encore une chose à découvrir. Jamais entendu parler de ce Red avant de lire ton article. Pas cher et bien ficelé... voilà deux arguments qui savent me convaincre d'avance.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Mais oui, c'est un parfum qui a beaucoup pour lui... Il a un côté un peu dame, mais c'est facile à casser et à porter, ce n'est pas non plus un de ces grands parfums classiques bourgeois qui écrasent un peu tout sous leur conservatisme à la façon d'une Bernadette Chirac accrochée à son sac à main...

      Supprimer

Enregistrer un commentaire