« Et puis, il y a des femmes qu’à chaque décade on retrouve en une nouvelle incarnation, ayant de nouvelles amours, parfois alors qu’on les croyait mortes, faisant le désespoir d’une jeune femme que pour elle abandonne son mari. »
Marcel Proust, à
la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.
Ce n’est pas un secret
: j’aime le parfum vintage. Le mot est un peu confus, je précise donc pour
certain, un parfum vintage, ce n’est pas un parfum créé il y a longtemps qu’on
irait acheter dans sa version actuelle, mais un parfum dans une production
ancienne. Certain diront qu’il est plus authentique, mais je ne serai pas aussi
catégorique, les 20 ou 30 années passée à vieillir au fond d’une cave altère
plus ou moins la forme et peuvent éloigner le jus de l’idée que celui qui l’a
composé en avait, alors qu’en dépit des restrictions, économie et modification,
une version actuelle bien faite peut très joliment rendre l’esprit alors que la
formule a beaucoup changé. J’aime aussi beaucoup certains parfums à « effet
vintage » qui semblent avoir été composé en 1925 et traîné depuis dans le
grenier de ma grand-mère alors qu’ils sont des perdreaux de l’année. Je ne suis
pas sectaire, j’aime que ce soit beau avant tout, mais les variations d’un
quart de ton peuvent me passionner, me désespérer aussi. Simplement, quand je dis vintage, c’est très
précis.
En mettant la
main sur Amour Amour de Jean Patou, j’ai été comblé. La version est ancienne,
elle précède le travail de Kerléo dans les années ’80 et il me semble qu’elle
avait déjà au moment de sa sortie un esprit un peu vintage… On oublie lorsqu’on
évoque la mode des années ’20 le travail de Jean Patou pour mettre en avant le
triomphe des femmes couturières, leur règne sur la mode et l’émancipation.
Pourtant, le travail de Patou est important, de part son succès, surtout auprès
de la clientèle américaine, et parce qu’il est un précurseur. Certes, il y eu à
cette époque la robe simple et noire de Gabrielle Chanel devenue un classique, mais il y
eu aussi les tenues sport de Patou. Ses tenues parfaites pour le golf ou le
tennis (il n’a pas habillé Suzanne Lenglen pour rien), ses tenues qui
permettent de bouger, ses tenues simples et fluide, parfois ornées de son logo.
Il y avait chez Patou du luxe, de l'élégance, mais aussi de la jeunesse et de la modernité ;
ce qu’on laisse facilement de côté en ne retenant que Joy, le parfum le plus
cher du monde.
D’Amour Amour, je
parlerai surtout du cœur et de fond, la version que je possède est abimée en
tête. D’Amour amour, certains disent qu’il est un peu en-deçà de la collection
Patou, je le comprends parfaitement, mais cela n’ôte rien à ses charmes. Le
parfum est un bouquet rosé, réchauffé d’un peu de jasmin, qui tourne un peu au lilas
poudré d’héliotrope et se réchauffe de santal, de musc, prend des rondeurs
balsamiques. C’était au moment de la sortie pensé comme un parfum de blonde. Il
devait déjà être à l’époque un peu passéiste, sentimental. On sent plus la bourgeoise qui bovaryse que
la sportive, l’élégante 1920 qui trouve que c’était quand même mieux avant la
guerre.
C’est une ambiance
que la midinette sentimentale en moi adore. Je suis toujours ravi quand je
retrouve ce personnage sentimental et nostalgique de femme amoureuse de l’amour
qui semble penser aux souvenirs de sa jeunesse. Il traverse le temps, trouve sa
place à toutes les époques. Plus près de nous, c’est le Paris de Saint Laurent
qui a joué ce rôle : un parfum un peu cucul dans ses tendresses
romantiques, qui détonne au milieu des smoking et des tailleurs pantalons du
couturier, qui surprend après le choc Opium et l’élégance hautaine de Y.
Que voulez-vous,
je suis ainsi et n’y puis rien changer, j’aime l’amour et j’aime Amour Amour
qui me fait spontanément songer à la dame en rose devinée encore à travers Madame
de Forcheville.
Amour Amour, Henri
Alméras pour Jean Patou, 1925.
Bonsoir Dau,
RépondreSupprimerJe crois comprendre, cette allusion à Madame de Forcheville, qui de ses milles et une façons de se produire rappelle ces parfums vintage, cette ampleur, ces mille et une nuances qui se répètent,qui s'entrecroisent, qui se superposent. On a l'impression d'une senteur et tout d'un coup c'est une odeur différente qui se révèle à nous.
Les parfums plus modernes, même ceux qui sont bien construits me donnent toujours une impression plus monolithique. Ils sont bien présents, mais ne me surprennent guère. Je les aime sans plus.
A bientôt!
Sara
Bonjour Sara,
SupprimerOui, le monolithisme est effectivement lassant, mais ça correspond à la façon d'acheter des clients: choisir en 5 minutes... C'est un peu sans surprise. Peut-être que ça rassure? En tous cas, très vite, on ne se dit plus "que c'est beau!" parce qu'on en a fait le tour...
à bientôt
Dau