une nouvelle incarnation

“Et puis il y a des femmes qu’à chaque décade on retrouve en une nouvelle incarnation…”

Marcel Proust à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.

Dans ma tête, la mode des flankers tue les parfums.  Impossible pour les variations d’atteindre le succès à de rares exceptions qui poignardent l’original dans le dos. Dans le cas de Shalimar, l’ancêtre dévore ses enfants à l’instant même de la naissance. Quant au flanker du flanker, est-ce seulement la peine d’en parler ?

Pourtant, avec sa bergamote pétillante et son joli jasmin sur fond de vanille mérite d’avoir sa chance.  Rien d’animal, rien d’oriental. Le départ est joyeux, juteux, le jasmin s’’encanaille avec l’ylang et ça lui réussit. Moins classique, moins sombre, couché sur son lit de vanille, il donne l’impression d’être en vacances. Exactement comme le faisait la fleur d’oranger du souffle de parfum, mais l’astuce jasmin est plus intéressante, moins déjà vue. Ces dernières années, nous avons été saturés de fleurs d’oranger, il est temps de passer à la suite. La suite qui est probablement l’Ylang. (Oui, possible que nous en ayons déjà marre.)

Cet aspect mis à part, le parfum est joli, agréable, facile à porter. À la hauteur de l’ancêtre ? Certainement pas. Et ça le condamne directement. Pourtant, il aurait pu trouver son public. Peut-être pourrait-on envisager d’arrêter le massacre avant qu'il ne soit trop tard? Avant qu'on n'en arrive à ne plus avoir envie de l'original non plus?

À quel point le créateur a-t-il été frustré en sachant que son travail serait condamné par le marketing? Le genre de réponse qu’on ne risque pas d’avoir dans les dossiers de presse. Pourtant, ça nous intéresse...



Shalimar souffle de lumière, Thierry Wasser pour Guerlain, 2018.

Commentaires

  1. Bonsoir,
    Je n'ai pas réussi à tomber sous son charme. Pourtant, la proposition sur le papier me plaisait bien avec le jasmin , mais sur ma peau, ce sont les muscs qui prennent le dessus et phagocytent tout. J'ai l'impression de ne plus sentir rien d'autre. C'est vraiment dommage car j'étais sans à priori et j'avais bien aimé les souffles précédents. Cette impression d'embruns n'était pas désagréable en soi. Je dois même vous avouer que Shalimar fait sans doute partie des rares parfums dont je ne boude pas encore les flankers à l’avance ... Mais cela viendra peut être avec cette mode
    d'une nouvelle sortie tous les ans ! Enfin, c'est peut être moi, peut être que je suis trop sensible à certains muscs.
    Mon préféré jusqu’à présent,en dehors de Shalimar lui même, c'est le Parfum Initial que j'ai beaucoup aimé porté à sa sortie. J'en ai encore un petit flacon que je préserve au mieux mais qui descend inéluctablement... C'est un peu le problème de ces déclinaisons, il ne faut pas trop les aimer car ils sont nécessairement voués à disparaître. En espérant que Shalimar soit préservé le plus longtemps possible de ce type d'aléa. Et si ces flankers lui permettent de rester dans l'inconscient des gens... et bien je crois que j'arriverai à m'en contenter !
    Je fais le grand écart, mais tenais à vous dire que vos escapades autour des thés m'ont donné l'envie d'y revenir, alors merci ! (comme quoi on n'a pas besoin d'être subventionné pour avoir de l'influence ( oui je vous flatte un peu Là ^^ !). Bonne soirée.
    Laurence

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Laurence,

      J'avais moi aussi beaucoup aimé ce Parfum Initial qui n'a pas duré alors qu'il était bien joli. La disparition n'est pas programmée, elle dépend du succès rencontré et les amoureux de Shalimar n'ont pas aimé qu'il ne sente pas Shalimar, quant à ceux qui n'aimaient pas Shalimar, il ne sont pas allé le sentir... Pas de chance pour lui!

      Bravo pour lethé et merci!
      Attention à la flatterie, avec moi, elle mène très loin ;-)

      à bientôt

      Dau

      Supprimer
  2. Bonjour Dau
    Je suis sur le point d'abandonner Guerlain, après avoir abandonné Annick Goutal. Allant bientôt connaître une pénurie de Mitsouko, j'ai commandé à l'aveugle un nouveau flacon d'EP (en banlieue parisienne, c'est quasiment impossible de trouver Mitsouko, même dans les villes hyper huppées genre Vincennes). Et là, catastrophe !!! J'en ai pleuré ! Mitsouko ne sent absolument plus rien, une eau de cologne avec de très, très lointains et très, très vagues relents de Mitsouko. C'était le parfum de mon arrière grand-mère, nous sommes 4 générations de femmes dans la famille à avoir porté Guerlain. Au lieu de pondre le nième flanker de La Petite robe noire ou de Shalimar, qui va disparaître au bout d'un an et qui n'apporte rien à l'original, Guerlain ferait mieux de préserver son patrimoine. Je ne comprends pas pourquoi les grandes maisons s'ingénient à ignorer, voir à mépriser le noyau de clients fidèles depuis plusieurs générations à leurs parfums emblématiques. Malheureusement, le débat n'est pas nouveau, et se répète. Mais franchement, je n'aurais jamais pensé connaître la fin de Mitsouko et abandonner Guerlain... Et je ne sais pas quel parfum pourrait le remplacer, pour moi, il est irremplaçable !
    Amitiés
    Cécile

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Cécile,

      Je n'ai pas d'avis concernant Mitsouko, n'ayant pas senti les dernières moutures. Et je dois bien admettre l'admirer sans vraiment le porter, donc ne pas en être un bien grand connaisseur.

      Pour le remplacer, une seule option, renoncer et passer à quelque chose de radicalement différent. Un parfum qui ressemble ou qui... ça ne fonctionne pas, ça déçoit toujours!

      à bientôt avec de meilleures nouvelles, j'espère

      Dau

      Supprimer
  3. Bon après-midi Cécile, Laurence et Dau,
    le problème des flankers de Shalimar se fonde surtout sur le fait que Shalimar n'est pas un parfum "agréable et facile à porter" (je reprends vos paroles), déjà en 2008 Denyse Beaulieu (grain de musc) parlait de Mitsouko et de Shalimar dans un billet intitulé "Qu'est-ce qui pue?" dont je vous laisse le lien:
    https://graindemusc.blogspot.com/2008/08/quest-ce-qui-pue.html
    Ces jus, comme le Nº5 à l'origine ne sont pas simples à porter ni sympathiques ni facile, ils exigent une certaine maturité. Le problème c'est que la maturité semble commencer à faire défaut ces temps-ci.
    Je suppose que des jus comme La Petite Robe Noire donnent à ceux qui les portent l'idée de quelque chose de sûr, de bien connu, alors que Mitsouko ou Shalimar ont mille couches, facettes, se déploient en cours de journée, trop compliqués pour le public actuel?
    Porter un parfum ne tient plus du luxe, c'est on ne sait plus quoi.
    Restent les amants du parfum, fagocités malheureusement par les dieux du marketing ce qui est bien dommage.
    A très bientôt!
    Sara

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Bonjour Sara,

      Alors, moi, je trouve Shalimar assez facilement accessible par rapport à Mitsouko ou même à l'heure bleue, il a quelque chose de plus immédiat qui se livre assez facilement car il a le bon goût de cacher sa complexité sous une apparente facilité un peu gâteau à la vanille. Bien sûr, à côté de la loque noire, ...

      On en revient à un point crucial: on ne donne plus le temps au parfum, comme pour tout le reste, on veut quelque chose d'immédiat. C'est dommage cet amour de la facilité à tout pris, ce refus de prendre un peu le temps. Mais au moins, il se vend toujours bien et n'est pas menacé de disparition. Ouf!

      à bientôt

      Dau

      Supprimer

Enregistrer un commentaire