le blogueur du dimanche est un trafiquant


Chacun ses obsessions, ses envies et ses signes. L’automne commence pour moi au moment où je commence à être obsédé par Opium d’Yves Saint Laurent. Je snife les flacons que j’ai, je traque les versions anciennes que je peux me procurer. J’adore ce parfum que je ne porte jamais. C’est probablement l’oriental que je préfère. Je m’en excuse auprès de tous les autres. Peut-être parce qu’il n’est pas vraiment oriental, si le fond est bien là, point trop baumé, point trop vanillé, on sent surtout les fleurs et les épices ainsi que quelques notes fruitées presqu’imperceptibles.

J’adore le mélange de tout ! L’imagerie chinoise, le flacon japonisant pour un parfum qui ne ferait recette dans aucun de ses pays, la provocation du nom qui décrit bien son côté addictif. Mais pourquoi nous a-t-on privé de notre drogue ? Oui, je sais les allergènes, tout ça, mais peut-être que sur prescription ? Alors en attendant la légalisation, vive le trafic ! Achetons de l’Opium d’occasion sous le manteau, faisons-le transiter par la poste sous emballage discret et, en secret, portons la substance interdite par les empêcheurs de jouir. (aka IFRA)

Opium, c’est en plus le génie du marketing à son apogée. Il avait été décidé au moment du rachat de lancer un oriental capable de concurrencer Shalimar et monsieur Saint Laurent s’est entiché de l’idée, s’est investi dans la création. Choisissant le nom qui fera scandale, la fragrance de Jean-Louis Sieuzac inspirée de Youth Dew qui n’était pas la préférée lors des tests, faisant coïncider le lancement du parfum avec la superbe collection chinoise. Les clichés publicitaires ont été réalisés dans son appartement.

J’aime un peu moins ce vieux truc de se dire « vendons plus cher » délibérément pour faire luxe. Mais enfin, c’est vrai qu’il était l’objet de tous les désirs cet Opium et que sans lui ils auraient été nombreux à ne pas voir le jour. Sans Opium, pas de Magie Noire, de Cinnabar, de Coco, de poison ou de Samsara…

Quel dommage que la version actuelle, dans son flacon qui n’est pas si mal, ne soit qu’un fantôme lointain, un parfum qui est encore joli, mais qui est un parfum de petite bourgeoise provinciale planplan, et non plus le parfum rêvé d’une impératrice de Chine qui s’adonne à Yves Saint Laurent. Et par respect pour nos nerfs, ne mentionnons pas les déclinaisons black, s’il vous plaît !


En photo, flacon d’extrait début année ’90.Livre: l'Asie rêvée d'Yves Saint Laurent catalogue de l'exposition, musée Yves Daint Laurent, Paris, du 2 octobre 2018 au 27 janvier 2019.



Commentaires

  1. Bonsoir Dau,

    Cet extrait d'Opium me fait bien envie! Opium a été pendant longtemps mon parfum chéri, sur ma peau il n'était pas aussi oriental que prévu, c'étaient surtout les notes vertes qui ressortaient, une sorte d'aura environnante qui m'envahissait toute la journée ou toute la nuit.
    Puis, un jour, c'est vers la verdure que je me suis penchée et j'ai commencé à le délaisser, ce qui est bien dommage car, pendant cette période, quelqu'un a décidé de le mettre en miettes de façon à n’en laisser que les os ce qui fait que cette magie enveloppante n'existe plus.
    A l'époque, je ne m'intéressais guère au parfum, au moins pas comme aujourd'hui, je n'ai donc pas songé à faire des réserves. Il est de plus en plus difficile de trouver un Opium vintage et j'en pleure.
    D’autre part, je suis bien d’accord : Il est vrai qu'il ne ressemble pas tout à fait aux autres orientaux, c'était peut-être cela qui me semblait si attirant.
    A très bientôt!
    Sara

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    1. Bonjour Sara,

      Comme je comprends les envies de retrouver Opium. Je suis quasi hystérique et ruiné mais je fais du stock. Oui, ce n'est pas vraiment un oriental, c'est ça qui fait (faisait) son charme et son succès. Je n'aurais pas dit vert, pas sur moi, mais plutôt agrumes. Avec les épices, j'ai parfois l'inmpression d'être à Noël quand tout est parfumé canelle orage Mais une version chic de Noël: Noël aux balles russes avec décors de BAkst!Mais il sent un peu la mandarine (plus que l'orange) assez vive sur moi, presqu'écorce amère

      à bientôt

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  2. (JulienFromDijon)
    Tout pareil.

    J'aime le côté "entrée plat et dessert" de Opium. Et j'aime ne pas pouvoir distinguer les ingrédients naturels de la synthèse, tellement ça fait vrai.
    J'aime l'ouverture sur une note laurier, puis fleur d'oranger. L'effet rose, l'eugénol, l'encens blanc, le coeur ambre inhabituel. L'ambre est un peu spécial, Lucas Turin dit "un peu comme si on avait découvert un castor au pelage naturellement vert malachite".

    Par contre, je ne classerai pas Samsara dans la même vague. Samsara reflète plutôt l'époque où le santal de mysore était pas cher. Certes il y avait déjà du polysantol (côté poterie cassé), mais le mysore faisait quand même genre 18% de la formule.

    De toute façon, je me plaît à dire "la classification est un con." Chaque ingrédient de la parfumerie a tendance à empiéter sur 3 familles en même temps.

    En botanique, on présente souvent les naturaliste du XIXème comme des obsédés de la classification, alors qu'elle n'a pas de sens. Elle ne sert alors qu'à retrouver tel objet/espèce dans le "bon" tiroir où on la mise.
    A un moment, je me suis demandé si tous les orientaux n'avait pas en commun plutôt l'ylang-ylang, (sans savoir que je parlai avec Stéphanie Bakouche dans la boutique de l'artisan parfumeur.) Elle, dans mon souvenir, se disait que c'était peut-être plutôt au niveau des épices qu'il fallait cherché. Mais lesquels?
    Enfin bref, ici on n'a peut-être pas l'accord banal "labdanum + vanille de synthèse", mais de la ciste (même plante, différente extraction).

    Oui, si on pouvait avoir opium vintage comme on achète du baume chinois, je trouverai ça cool. Turin se demandait à un moment si la solution n'était pas de vendre les parfums avec une étiquette de tête de mort, sans indiquer leur usage cosmétique. Mais en l'occurrence ici c'est bien la surdose d'eugénol qui participait au bien-être procuré par Opium.

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