duchesses, rose et passementeries

« Mais vous savez, je ne joue que des choses qui n’intéresse plus votre génération. J’ai été élevée dans le culte de Chopin. » 

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922.
Parmi les perfumistas, il y a les amateurs de nouveauté, de rareté, de concept, bref les snobs et on les méprise. Et puis il y a ceux qui, comme vous (?) et moi qui espèrent susciter au beau milieu de la foule un « ça sent la vieille » qui leur semble un compliment ultime. Bref, les pas modernes, les pas fashion, les vieux cons. Ceux-là aiment bien la maison Oriza L. Legrand, ses éditions et rééditions dans un esprit vintage très séduisant et bien fait. 

Avec Jardins d’Armide, le « ça sent la vieille » risque bien d’être acquis tant le parfum évoque une (belle) époque révolue, quelque chose de pas moderne mais fascinant et beau, paré des charmes de l’étrangeté que le temps a créée entre lui et nous. Le parfum est bien sûr un bouquet dominé par une rose à l’ancienne, légèrement acide, une odeur de pot-pourri qui parfume une alcôve.
On sent aussi des traces de peau poudrée (iris-héliotrope) et de muscs. L’atmosphère est un peu poussiéreuse, le décor très orné de meubles démodés, du Napoléon III à fanfreluches, à passemanterie, de l’Art Nouveau qui convulse et se tord pour rendre hommage à une féminité sublimée qui quelquefois s’abandonne.


L’ambiance est proche de celle de l’Heure Bleue en termes de chronologie, mais au lieu d’être chez Madame Swann l’ancienne cocotte embourgeoisée, on est du côté des duchesses qui ont château de famille et roseraie en province, ne suivent pas les modes mais possède un charme propre, celui de transporter dans leur sillage tout un monde, rare et précieux, hérité, qu’elles transmettront à la prochaine incarnation du titre qui est actuellement le leur. 

La rose d’Armide est désuète, c’est à double tranchant, certains la repousseront, horrifiés, mais, pour ma part, j’aime beaucoup sa désuétude dans laquelle je me drape comme on lit un recueil de contes et légendes, ou un traité d’héraldique, pour oublier le monde qui m’entoure l’espace d’un instant. Ailleurs, c’est aussi ici mais autrefois. (Quand c’était mieux.) Typique et typé, il faut l’oser.

Les jardins d’Armide, Hugo Lambert pour Oriza L. Legrand, édition 2013 d’un parfum de 1909.

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