Simone de Beauvoir, la force de l'âge, édition pléiade. |
Il y a bien longtemps, j’avais lu les mémoires d’une jeune fille rangée que je n’avais guère apprécié. Simone de Beauvoir s’y révélait une gamine sèche et suffisante, fort peu attachante ou sympathique. J’ai quand même voulu poursuivre l’aventure et continuer la lecture des mémoires de Simone de Beauvoir parce qu’elle est un témoin et une actrice importante de l’histoire du XXème siècle, qu’il est encore utile d lire aujourd’hui. Hélas. Le féminisme était pour ma génération une évidence, quelque chose d’acquis, de normal. Certes, l’égalité hommes-femmes, ce n’étais pas encore ça, mais c’était le but à atteindre. Certes, il restait quelques vieux, de moins en moins, à vaincre, mais je ne peux m’empêcher de bondir quand je vois qu’aujourd’hui, des gens jeunes remettent en cause des acquis comme le droit à l’avortement ou veulent renvoyer les femmes au foyer, les éloigner un peu plus du travail pour faire de la place aux hommes, par le biais de ‘allocations de foyer, maternelle ou autre, nous ramenant au bon vieux temps du « Kinder, Küche, Kirche » cher au Troisième Reich ou au Maréchal Pétain. J’ai juste envie de lever les yeux au ciel et de les baffer. Pas discuter, non, parce que ça ne sert à rien. (Il y a un niveau de connerie contre lequel on ne peut rien…)
La force de l’âge s’est révélé une très bonne surprise. Je ne sais si elle est due à la maturité du personnage ou à celle de l’écrivain. (Où la mienne ?) Le récit couvre les années ’30, juste après l’obtention de l’agrégation, et la période de la guerre. On y suit un castor amoureux, qui découvre le monde, travaille, tente d’écrire dans une grande liberté, une immense envie de bonheur, une grande joie communicative et la volonté d’écrire. Ce qui est intéressant, c’est l’honnêteté du propos. Simone de Beauvoir ne se cache pas, ne prétend pas n’avoir rien vu. Elle admet avoir refusé de voir, par goût du bonheur, refus de croire que les éléments pouvaient la contraindre, tout en admettant que la tragédie qui se préparait était bien visible. Elle confesse que le refus de s’engager était une erreur. La guerre qui vient change la donne, force Beauvoir et Sartre à ouvrir les yeux, à repenser leur engagement. La guerre, nous la vivons avec Simone au jour le jour (beaucoup d’extrait de son journal sont insérés dans le récit), les privations, la découverte de l’horreur, les disparitions, la souffrance et enfin l’exaltation de la Libération.
J’ai beaucoup aimé le récit, vivant, bien écrit, dans un genre assez soutenu, un peu académique disent certains. C’est joyeux, plein de vie et c’est aussi une leçon de vie. Pas parce que le Castor est donneuse de leçon, mais parce qu’elle nous montre une autre façon de vivre et qu’elle est attachante. (En plus d’être admirable.) Et quel bonheur de découvrir la vie intellectuelle de l’époque, les fréquentations du couple Sartre-Beauvoir. (Enfin, couple, c’était à géométrie variable…)
Simone de Bauvoir, album Pléiade |
Je recommande chaudement, même si vous n’avez pas apprécié le volume précédent des mémoires. C’est plaisant et toujours actuel. Hélas ! Hélas ! Hélas ! (Personnellement, l’ambiance années ’30, je m’en passe volontiers, on peut juste garder le Vol de Nuit de Guerlain, ça m’arrangerait, merci !)
Bonjour D'au !
RépondreSupprimerJ'ai redécouvert Simone de Beauvoir en allant voir Josiane Balasko au théâtre, seule sur scène, dans La femme rompue. La violence du texte m'a ébranlée jusqu'à l'os. Je me suis rendue compte que j'étais remplie d'à priori et de clichés injustes vis à vis de Simone de Beauvoir (grande bourgeoise qui s'est encanaillée avec le féminisme et les partis de gauche). Du coup je me suis promis de lire le Deuxième sexe après avoir lu les 3 textes de La Femme rompue. Et j'ai "commandé" pour mon anniversaire ou mon Noël (j'espère mon anniversaire parce qu'il est avant) les 2 tomes de La Pléiade sur les écrits autobiographiques de Simone de Beauvoir.
PS Moi aussi je garde Vol de Nuit !
Désolée, je n'ai pas surveiller le correcteur d'orthographe qui m'a mis D'au au lieu de Dau...
SupprimerBonjour,
SupprimerOui Simone est à redécouvrir! Grande bourgeoise, non, pas tellement. Par l'éducation et les origines, oui, et c'est peut-être le plus important, mais pas par la fortune. Elle n'a rien d'une enfant gâtée que l'argent aurait pourrie. Et je crois qu'elle était foncièrement honnête et sincère dans ses convictions sans être avoir de doute quant à sa position privilégiée. Dans ses mémoires, en tous cas, on sent cette conscience.
Le deuxième sexe, je suis en train de le lire et c'est vraiment agréable et passionnant comme lecture.
PS: Vol de nuit, mais en ce moment, je découvre En Avion de Caron et... Il faut le garder AUSSI!