mauvais genre

« Née presque sur les marches d’un trône, mariée trois fois, entretenue longtemps et richement par de grands banquiers, sans compter les milles fantaisies qu’elle s’était offertes, elle portait légèrement, comme ses yeux admirables et ronds, comme sa figure fardée et sa robe mauve, les souvenirs un peu embrouillés de ce passé innombrable. »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.
passion, Elizabeth Taylor

En ce moment, je suis un peu, beaucoup, obsédé par Passion d’Elizabeth Taylor. Oui, un parfum de célébrité, un parfum cheap. Mais enfin, depuis 1987, la marque se maintient, le parfum continue de se vendre, avouez que ça vaut peut-être la peine de s ‘y intéresser. Le principal reproche qu’on peut faire à Passion, commençons par-là, c’est d’être bon marché. (Une vingtaine d’euros pour 75 ml.) Alors que la plupart des marques nous vantent leurs sublimes matières premières rares et chères, ici, rien de la sorte, on est sur du petit budget. Mais, au moins, vous n’êtes pas volés alors que quand certains vous ventent leur « iris le plus précieux » vous pouvez toujours chercher la magie du truc et vous demander ce qui s’est passé entre le moment où la bonne fée a déterré ses rhizomes et celui où on vous a vendu le flacon, mais l’iris semblent bel et bien s’être perdu en chemin…

Si j’adore, vraiment, Passion, il n’y a pas de secret, c’est en partie parce que c’est un parfum extrêmement daté. Clairement, on est en plein glamour old school avec paillettes et strass en technicolor. Le départ fait exploser l’aldéhydes pour une sensation « laque dans le salon de coiffure du studio » qui vous fait tenir la perruque jusqu’au bout de la nuit. C’est un peu agressif, au début j’ai eu un peu de mal avec le parfum, il m’a fallu le porter vraiment pour comprendre pourquoi d’autre l’aimait autant et me joindre au culte du sent-bon de notre grande copine aux yeux violet. Très vite nous avons des fleurs, tubéreuse et jasmin, qui forme un grand bouquet blanc, très abstrait, avec ambiance très Madame. Liz Taylor n’était peut-être qu’une saltimbanque, mais elle a toujours été une grande dame !

Ce n’est pas hyper luxueux en termes d’ingrédients, mais c’est rudement bien fichu et bien construit. Si vous oubliez vos préjugés, vous risquez de prendre beaucoup de plaisir. Si c’était un rôle, clairement, ce ne serait pas celui de la grande-duchesse, plutôt celui de la belle ambitieuse, aussi roublarde que déterminée, avec un charme certain, en partie dû à la fougue qu’elle met à obtenir ce qu’elle veut. Et le fond du parfum pourrait bien vous rendre définitivement accro : c’est un ambré-musqué « à l’ancienne » (traduction : pas net du tout), capiteux et crapuleux en diable qui vous en donne pour des heures de plaisir. (Et c’est là que vous comprenez pourquoi il était si important de bien laquer la perruque, une star, une vraie, n’est JAMAIS décoiffée !)

Aborder comme il le mérite, comme un bijou fantaisie qui fait de l’effet et pas comme un vrai bijou-placement, ce parfum est un de ceux que nous serions bien bêtes de bouder. Avec sa construction de grand floral aldéhydé, ce Passion est finalement plus du côté des classiques que des démodés, avec tout ce que ça peut suggérer d’extravagance, un peu pacotille et tape-à-l’œil, par rapport à notre époque un peu terne. Soyons honnête, le passage du musc "je me touche" au musc "je fais la lessive" n’est pas vraiment un progrès de la civilisation. Rendons grâce à Liz d’avoir "mauvais genre."
passion, portrait d'Elizabeth Taylor par Herb Ritts

Passion, Elizabeth Taylor, 1987.

Commentaires

  1. Que je vous comprends !
    Je l'ai depuis peu, deux ou trois mois peut-être, et quelle beauté c'était à la fin de l'hiver !

    Passion a une véritable charpente ; les matières sont vraiment utilisées à bon escient, et tant de muscs sales, ça fait du bien. Je suis tentée par White Diamonds en ce moment, l'avez-vous déjà testé ?

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    1. Oui, bien qu'il soit cheap, Passion est très bien construit et ça fait toute la différence!

      White Diamonds: tout pareil, jamais testé mais je veux tenter. En même temps, qu'est-ce qu'on risque? (ça coûte quand même trois francs six sous...) Le premier qui tente dit à l'autre!

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  2. Ahhh Passion, pour voir la vie en mauve. Je l'adore, avec son côté j'ai le rouge qui déborde so what.
    White diamonds est mon autre cheapy Liz, le genre diamants en plastoc chic. On n'est pas obligé de sortir la tiare et la traîne tous les jours.

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    1. Disons que si le strass et la rayonne font autant d'effet que les diams et la soie, je suis pour! Donc tu recommande White Diamonds, vil tentateur... OK, je vais succomber, je crois. (Qui avait vraiment des doutes?)

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  3. Bon, alors déjà, parfum de célébrité ne veut pas forcément dire "parfum bas de gamme juste là pour appâter le chaland avec le nom mis sur l'étiquette". Certaines célébrités ont su s'entourer de personnes talentueuses, et j'ai bien plus de plaisir à porter un Julio Iglesias (Only) ou un Priscilla Presley (Moments) que bien des parfums de marques dites de luxe ...

    Pour en revenir à E. Taylor, mon incontournable est le trèèès joli Gardenia, vraiment une réussite dans le genre, surtout à ce prix. J'ai souvenir d'avoir aussi senti Diamonds and rubies et Sparkling white diamonds, mais il y a à chaque fois une note trop ouvertement synthétique qui me gêne, du coup je n'avais jamais testé ce Passion ... un oubli à rattraper, me semble-t-il !

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    1. Je n'ai pas dit bas de gamme, j'ai dit cheap, parce que, vraiment, il n'est pas cher. J'ai du payer le mien une vingtaine d'euros les 75 ml. D'ailleurs, il y aura encore des parfums pas chers à venir sur le blog, parce que je les aimes bien et que j'ai envie d'en dire du bien. (Mais je continuerai quand même à dire du mal quand c'est moche, peu importe le prix...)

      En tous cas, je suis content de voir que nous sommes nombreux à aimer Liz Taylor <3

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  4. J'ai reçu mon flacon (environ 25€ port compris sur Amazon) et je l'adore. Il est du même genre que Chacal de je ne sais plus quelle marque (Milton Loyd un truc comme ça)qu'Isabelle avait vanté sur BT. Acheté à cause du nom, c'est une énorme tubéreuse à épaulettes, un parfum de brushing nucléaire, que je trouve fichtrement joyeux, et en tout cas il me donne la patate!

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    1. Ah, je suis content, il vaut son pesant de cacahuète et mérite d'être plus connu et plus porté. En tous cas, ceux qui savent ne boudent pas leur plaisir! ;-)

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