violette

« Les fleurs vivaient; on était gênés si on entrait faire une visite à Mme Swann, de s’apercevoir qu’elle n’était pas seule, ou, si on rentrait avec elle, de ne pas trouver le salon vide, tant y tenait une place énigmatique et se rapportant à des heures de la vie de la maitresse de maison, qu’on ne connaissait pas, ces fleurs qui n’avaient pas été préparée pour les visiteurs d’Odette, mais comme oubliées là par elle, avaient eu et auraient encore avec elle des entretiens particuliers qu’on avait peur de déranger, et dont on essayait en vain de lire le secret, en fixant des yeux la couleur délavée, liquide, mauve et dissolue des violettes de Parme »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.

Le début du siècle a connu toute une mode de la violette, dont on retient surtout Insolence, qui oscillait entre le cosmétique rétro et le paquet de bonbons. Le premier parfum de la renaissance Balenciaga jouait très habilement sur cette mode (D’ailleurs la violette jouait déjà un rôle dans l’eau de toilette du mythique Dix.), en évitant la poudre et la friandise.

Descendant du Grey Flannel de Geoffrey Beene et du Fahrenheit de Christian Dior, Balenciaga joue la violette d’emblée mais dans un contexte vert et feuillu qui évolue vers le boisé en passant par une légère touche de fruit jaune. C’est à peine poudré, presque naturaliste, si ce n’est que la violette semble plus une violette étoffe, quoi qu’un peu poudrée, qu’une vraie fleur. Mais c’est bien plus original que la sucrerie ou le rouge à lèvre.

Sophistiqué, le parfum est le plus adulte de cette mode début de siècle. Sans être mûr, il n’a rien de naïf et joue sur une élégance retenue et maîtrisée, avec un fond boisé-chypré qui donne à son atmosphère florale une sècheresse un peu hautaine pour l’époque, quand même fort éloignée de celle des clientes de Cristobal Balenciaga en Dix. Pour une violette, c’est un parfum qui s’inscrit dans des critères un peu masculins tout en jouant sur un aspect classique-rétro. Peut-être serait-il parfait pour une version moderne de la recherche ou Odette porterait des pantalons ?

Il n’a pas été un immense succès, mais il est toujours là (attention, il serait en train de changer de nom !) et reste intéressant pour celles et ceux qui aiment se démarquer sans excentricité en étant à la fois simple, élégant et poétique.


Balenciaga Paris, Olivier Polge pour Balenciaga, 2010.


Commentaires

  1. Un air de famille évident avec Fahrenheit que j'ai porté quand j'étais tout jeune.
    Merci pour cette découverte, j'aime vraiment beaucoup ce parfum Balenciaga !

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    1. Un air de famille sans copié-collé et le Balenciaga est peut-être un peu plus joliment travaillé, non? Il y a toujours eu quelque chose qui m'embêtait dans le Fahrenheit, mais je n'ai jamais su quoi. Je le trouve un peu confus par moment, je crois...

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    2. Tu as raison ! Je pensais depuis un moment à me reprendre Fahrenheit et puis comme tu m'as mis sur la voie de Balenciaga je me suis rendu compte que ce dernier avait ma préférence. Je ne sais pas exactement pourquoi mais l'un me paraissait plus évident que l'autre : il faudrait que je puisse les tester en parallèle pour comprendre peut-être : un sur chaque poignet ;-)

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    3. Je suis content si tu peux trouver quelque chose qui te plaît plus! #fier

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