douceur

"Les rideaux de tulle de la fenêtre, vaporeux et friables comme ils n’auraient pas été par un beau temps, avaient ce même mélange de douceur et de cassant qu’ont les ailes de libellules et les verres de Venise."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1921.
eau de fleurs de cédrat, Guerlain

Les avis sur les sites anglophones concernant l’eau de fleurs de cédrat peuvent dérouter… à cause d’une mauvaise traduction, certains s’attendent à trouver des fleurs et du cèdre et sont forcément fortement déçu. L’eau de fleurs de cédrat n’est ni plus ni moins qu’une cologne au citron. Un mélange d’agrumes, un peu de verveine, une imperceptible note de fleurs blanches, voilà toute cette eau destinée à ne rester que quelques instants sur la peau. Ce qui fait sa différence, c’est sa douceur : le citron est débarrassé de ses aspects les plus astringents qui font faire la grimace, de son acidité qui irrite les lèvres. C’est là tout l’aspect floral de la chose. C’est aussi toute la différence avec la plupart des colognes en vente sur le marché qui fait qu’on l’achète plutôt qu’une autre en dépit d’un prix excessif.  (Le joli flacon abeille pouvant aussi être un argument si vous êtes sensible à l’objet.)

Peu importe ce que dit l’étiquette, c’est juste une cologne, tout comme l’eau d’Hadrien de Goutal, un rafraîchissement immédiat, un geste plaisir joyeux et égoïste à utiliser en flacon plutôt qu’en vaporisateur. Chez Guerlain, on vous affirme qu’elle est compatible avec tous les autres parfums de la marque, ce n’est pas faux, mais on peut étendre à la plupart des parfums du marché. Sa fugacité fait qu’elle n’interfère pas véritablement avec une autre senteur, elle se contente de mettre un peu en avant les notes de tête fraîche, et encore. (Si la fugacité est un problème pour vous, faites-vous à l’idée que vous ne serez jamais satisfaits et abandonnez-vous à l’acidité, à la stridence, aux bois qui piquent et aux muscs de lessive.)

Peut-être que vous l’aimerez en début de journée pour vous réveiller. Moi, je l’aime quand je rentre épuisé en fin de journée, crevé, que j’ai besoin d’un petit remontant, immédiat.  C’est un petit coup de fouet, mais aussi de douceur. Plus un produit bien-être qu’un parfum, même si on y retrouve toute la finesse dont savait faire preuve Jacques Guerlain. Sa transparence en fait pour moi un parfait compagnon de tous les instants. (Ainsi qu'un joli cadeau pour un enfant.)


Eau de fleurs de cédrat, Jacques Guerlain pour Guerlain, 1920.

(Je conseille vraiment aux amateurs de l’Eau d’Hadrien et à ceux qui l’aiment mais… de sentir cette eau.)

Commentaires

  1. Je profite de ce post pour vous remercier. Je ne suis qu'une lectrice inconnue pour vous ; j'ai initialement découvert votre blog à la faveur de mes explorations sur Internet au sujet des thés d'Honoris Causa que j'aime beaucoup. Mais ce sont vos citations de La Recherche du temps perdu, que je découvrais au fil de vos posts, qui se sont infiltrées dans mon esprit et ont fini par me faire reprendre la lecture de Proust. J'avais obligée de lire la première partie de Du côté de chez Swann à 14 ans, durant mon année de Première, et traumatisée par la longueur des phrases et les circonvolutions de la pensée de l'auteur. J'avais donc abandonné l'idée de terminer le livre et décrété que je ne toucherais plus à cet auteur. Les derniers vestiges de cette barrière sont tombés grâce à vous, si bien que j'ai recommencé Du côté de chez Swann il y a quelques jours (soit presque vingt ans après cette année de lycée). L'expérience se révèle beaucoup plus plaisante que la première lecture, et j'ose espérer parvenir à la fin du livre maintenant...
    Je vous en remercie donc infiniment, et j'ose vous demander si un tome de la Recherche en particulier a votre préférence ?
    Et si jamais vous avez découvert un nouveau thé favori chez Honoris Causa, je serais ravie de vous voir en parler !

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