“tous ces fastidieux perfectionnements de l’industrie qui m’avaient fait bailler d’ennui …”
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.
Lancé à grand renfort de publicité après un suspens que la marque espérait insoutenable, Gabrielle est enfin en rayon dans son nouveau flacon "pas pareil." Les premières notes, florales-fruitée, juteuse et un peu acide, garanties sans sucre ajouté, donnent le ton : Gabrielle est bien de son époque, un peu shampoing de luxe. (Certaines personnes sont horrifiées que je dise shampoing, mais, que je vous explique : pour moi, ça n’a rien de péjoratif. On parle de poudre ou de savon depuis longtemps pour parler de parfum, je ne vois pas pourquoi je ne pourrais pas parler de shampoing sans que ce soit mal pris.) Personnellement, j’avoue ne pas aimer beaucoup ce départ : c’est très réussi dans son genre, mais ce n’est juste pas mon truc. Peu importe, ça ne dure pas et assez vite se développe un bouquet blanc, volontairement abstrait. C’est très tubéreuse Ylang Ylang et solaire, assez joliment assemblé pour être transparent et éviter la lourdeur. C’est solaire, mais ça n’évoque pas lourdement l’odeur du monoï comme ces parfum qui évoque la plage de façon appuyée, tout se joue en subtilité derrière le bouquet de fleurs.
Pour parler de Bois des Îles, je dis qu’il est exotique, que c’est le parfum d’une jolie parisienne qui va voir la Revue Nègre et pose sur ses consoles Art Déco des statues de la fertilité bantoue. Pour parler de Gabrielle, je vais dire qu’il est solaire, que c’est le parfum d’une parisienne qui pose un vase Iittala contenant un grand bouquet dans son intérieur scandinave ou est accroché une toile de Gauguin montrant un paysage tahitien. Gabrielle est joliment travaillé et facetté. C’est clairement le genre de parfum que je préfère sentir dans les transports en commun plutôt que la vie est belle en petite robe noire. Ça donnerait presqu’envie de le défendre. Sauf que non. Parce qu’en le portant, je me suis emmerdé. Vraiment. Pas moyen de le dire autrement. Qu’est-ce que j’étais content de porter autre chose après la douche!
On sentira plus Gabrielle dans les cabines d’essayage de Zara ou les acheteuses de petites vestes se persuaderont que grâce au joli flacon sur leur coiffeuse Ikéa, on croira qu’elles sont en Chanel. Les clientes de la rue Cambon continueront à s’accrocher aux numéros 5 ou 19 ou à porter de l’exclusif, parce que Gabrielle est ouvertement grand public et donc très peu signé. À vrai dire, il m’a beaucoup fait penser à J’adore : sillage lumineux, propre, travaillé mais impersonnel. Tout cela est lisse, bien trop lisse. On sent que l’angoisse pointe chez Chanel depuis que le N°5 n’est plus dans le top des ventes et qu’il faut se remettre en question. Je ne sais pas si c’est la bonne stratégie qui est adoptée. Dans un sens, ça n’a pas si mal fonctionné avec Bleu, horriblement brouillon et décevant pour les amateurs de beaux parfums, mais qui se vend bien à monsieur tout-le-monde parce qu’il sent bon et qu’il jouit du prestige de Chanel. Mais combien de temps faudra-t-il avant que le prestige ne s’effondre et que Chanel, à force de proposer des parfums "comme les autres", devienne une marque "comme les autres"?
Gabrielle, Olivier Polge pour Chanel, 2017.
Effectivement, Chanel semble suivre la tendance générale, à savoir un parfum qui a dû passer les tests consommateur en ne déplaisant surtout à personne, et une pub où tout le budget est passé dans le cachet d'une célébrité quelconque mais américaine de préférence, sans que ladite célébrité fasse autre chose que vaguement s'agiter, courir un peu, un petit saut, et un regard vide devant le soleil couchant - hop c'est bon, au revoir.
RépondreSupprimerCe n'est pas laid, mais je ne suis pas sûre de savoir le nommer si je le croise dans la rue, il n'a pas d'identité particulière.
Oh oui, test consommateurs est probablement l'explication de tout cet ennui qu'on nous inflige. En dépit d'un pub ou on se libère puisque c'est à la mode de se libérez en faisant comme tous le monde...
SupprimerBonjour Dau,
RépondreSupprimerComme le dit Isabelle au-dessus " il n'a pas d'identité particuliére"
Je dirait même si j'osais , il est carrément " fin de race" un Chanel dégénéré qui emboite le pas à tous ces derniers sortis qui me font faire la moue quand ils passent à portée de nez.( Je n'aime pas le flacon trop anguleux , rigide pas d'harmonie entre bouchon qui se hausse du col, et flacon , cela me gène aussi )
Dieu sait pourtant si j'aime les fleurs blanches, mais là, Chanel devrait "revoir sa copie"c'est décevant.
On l'oublie en un quart d'heure.
Pour me décolérer et faire un break....J'ai ressorti mon Sycomore ( version 2002)
Quand la parfumerie de la Maison Chanel finira-t-elle de se saborder, et surtout, en ont ils vraiment conscience !?
Bon dimanche.
Touti
Bonjour Touti,
SupprimerNon, je crois qu'ils ne se doutent de rien: ils sont toujours en train de digérer la baisse du N°5 et ne comprennent rien. Alors, ils se disent qu'il vont faire comme tout le monde. Mais enfin, ça ne semble pas le genre de se remettre en question. C'est notre faute à nous et pas la leur! Bref, j'ai renoncé et je ne m'en porte pas plus mal. (À part Cristalle!)
à bientôt
Dau