«Une toilette toujours différente mais que je me rappelle surtout mauve…»
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.
Il y a eu ceux qui l’ont aimé et ceux qui l’ont détesté, mais en 1985, Poison ne laissait personne indifférent. On en entendait parler partout et on le sentait partout, tout le monde avait un avis à son sujet. Je l’ai toujours aimé, même si je comprends ses détracteurs et les rejoins sur certains points, mais ils doivent reconnaître que cette tubéreuse épicée et nappée de fruits était pour le moins reconnaissable et unique. Oui, Poison sentait trop fort et, de fait, il évoquait plus les paillettes de la drag queen que les diamants de la femme du monde. Il faisait illusion de loin, mais de près il se révélait passablement autre: moins luxueux, pas très raffiné, et surtout moins femme fatale avec ses notes fruitées qui évoquait la tarte au prune pour goûter d’enfant. Plus qu’un élixir de vamp, Poison fait figure de parfum pour méchante de Disney.
J’ai toujours préféré Poison en eau de toilette, il est plus floral épicé, on distingue mieux les notes de rose, de fleur d’oranger, les nuances d’oeillet. Sur moi, l’esprit de parfum se montrait trop miellé, trop pâtissier. Peu après son lancement dans ces deux concentrations, il s’est vu doté d’un extrait qu’il n’avait pas au départ et d’une cologne qui n’a pas tenu sur la durée, cette concentration étant déjà devenue ringarde au moment de sa sortie. En outre, Poison a très vite été rejeté, victime de son succès, devenu vulgaire, rappelant à chacun quelqu’un qu’il n’aimait pas.
Grâce à la mafia des perfumistas sur Twitter, j’ai réussi à mettre la main sur une cologne de 1987 à San Sebastian. Personnellement, je crois que c’est ma version préférée de Poison. Le parfum y devient transparent, presque délicat. Moins monolithique et «dans ta face,» on y lit les épices, coriandre, cannelle et le bouquet est plus rosé. Les fruits se font plus discret, le fond d’opopanax miellé devient moins collant. Cette version pourrait presque passer non pour élégante mais pour poétique avec sa lascivité vénéneuse un peu sortie de la caricature.
Poison est-il encore portable? Oui et non. Oui, parce qu’il est resté un beau parfum, différent, intrigant, intéressant, qui ne déparerais pas une marque de niche contemporaine avec sa brutalité qui l’éloigne des classiques d’hier. Oui, Poison est portable par des jeunes qui n’ont pas connu sa grande époque. Mais non, pour tous les autres, parce qu’il est, à cause de son trop grand succès que la marque n’a pas su vraiment gérer et faire durer, terriblement daté. Il est l’équivalent olfactif des et du blush fuchsia remonté haut sur les tempes. Dans un sens, c’est merveilleux d’incarner ce point une époque, mais c’est aussi un terrible arrêt de mort. Cela dit, à l'occasion, pour jouer la grande scène du drame et claquer les portes…
Poison, Édouard Fléchier pour Christian Dior, 1985.
Bonsoir Dau,
RépondreSupprimerJe suis allée "re-humer" tout juste pour répondre à ce billet. A la sortie je ne l'ai pas aimé vraiment, je lui ai toujours préféré Opium, j'avoue : "j'ai été une femme Opium", hier quand je suis allée le sentir à nouveau je lui ai trouvé mille et une qualités, cette note de tubéreuse impérative, ces fruits confits, cette durabilité, cette senteur envahissante qui, malgré la chaleur (39-42 degrés), ne donne pas envie de vomir comme les jus sirupeux du type Poison Girl (ce dernier, dégoûtant). Je vous rejoins sur le fait que Dior n'a pas su gérer ce Poison d'origine, qui bientôt a été accompagné de mille et une versions, variantes, déclinaisons et concentrations (la seule que j'aimais beaucoup, beaucoup, "Tendre Poison", est bien-sûr disparue).
L'achèterais-je? Non. Je sais que si je devais investir je choisirais une toute autre chose telle que Calèche, Givenchy III ou carrément Paloma Picasso, ou j’essaierai de porter un Oriental comme Coco.
De toute façon, en passant par le comptoir Dior j'ai profité de l’occasion et j’ai essayé à nouveau Dior Addict (flacon bleu foncé) ; celui-là je l'ai porté et je l'ai offert mais aujourd'hui il est si délavé qu'il ne reste que le sucre (c'était tout simplement un essai je m'attendais à ce qu'il ne ressemble pas à ce jus capiteux, chaud et enveloppant que j’avais porté jadis).
A très bientôt,
Sara
Rebonsoir,
RépondreSupprimerEn tout cas, j'aurais bien aimé essayer cette cologne.
Bojour Sara,
SupprimerMoi aussi, je lui préfère de loin Opium, plus chic, plus complexe! Mais c'est vrai que le recul va bien à Poison. Une fois calmés, nous pouvons enfin l'apprécier à sa juste valeur. Effectivement, moi aussi, je lui préfère d'autres parfums et je ne l'aurais pas acheté si l'occasion n'avait pas fait le larron. La cologne, donne vraiment un autre aperçu du parfum, elle aide à le comprendre, même si elle trahi l'esprit, Poison étant fait pour être trop!
Dior Addict, je ne le connais que très mal, mais la décoloration du parfum original ne m'étonne pas de la part de Dior, hélas!
à bientôt
Dau
Bonjour Dau et Sara,
RépondreSupprimerJe ne connais que Poison en extrait vintage ( 1985) crée bien avant ma naissance.
Je ne l'ai donc pas senti quand il est sorti, on ne m'a jamais empoisonnée avec dans le métro , je ne connais personne qui le porte dans mon entourage.
On me l'a offert il y a trois ans , bouché à l'émeri , jamais ouvert dans sa boite présentoir.
Il m'est arrivé d'y penser la nuit , de le chercher pour le re sentir. ..Une lubie subite... Cette tubéreuse miellée cet opoponax lourd, ces éclats d'anis , sa prune confite ...ces efluves fracassants et envoutants j'en oins mon poignet, pour moi seule , quand je travaille tard la nuit.
En revanche je le porte peu et jamais le matin ou en journée .. C'est pour moi un confidentiel.
Mais il suffit que j'y pense pour que tous les effluves remontent dans ma mémoire. Il est présent dès l'évocation. Frénésie soudaine je le cherche c'est impératif.
Là vous m'avez donné l'envie de rechercher le flacon,que je n'ai pas rangé à sa place.
ZUT
J'aime Poison, il est unique en son genre pour moi, qu'il sente la vieille ou pas , peu m'importe je fonctionne à l'instinct pour les parfums.
Alors pas d'apriori, j'assume mes gouts bizarres et tranchés.
Je ne connais ni l'eau de toilette ni les dérivés actuels.
AUCUN
J'irai tester les dérivés récents . Mais je crains déjà d'être déçue si je n'y retrouve rien de ce que j'aime .
Le coup de poing olfactif dès l'ouverture du flacon , Euh, dès le premier pschitt alcoolisé puisque les flacons dabbers se font si rares.
Je subodore une recherche active dans la soirée. ;-)
Poison où es tu donc ?
Bonnes vacances à vous.
Touti