elle et lui

« Malgré les duperies du sexe, apparaît la tentative inavouée pour s’évader vers ce qu’une erreur initiale de la société a placé loin de lui. »

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1921.
Quand le marketing Guerlain prétend revisiter le patrimoine, on ne peut s’empêcher d’avoir un peu peur. Pour lui, l’un des derniers exclusifs, on reprend un vieux flacon de Liu et on tente l’anagramme. Honnêtement, la première fois que j’ai entendu parler de Lui, j’ai cru à une plaisanterie. Lorsque j’ai fini par me convaincre que c’était bien vrai, j’ai craint le pire. La communication me réconcilie un peu avec le marketing puisque, là encore au nom du patrimoine, on nous fait le coup du masculin/féminin. C’est un genre qu’on pratique depuis longtemps, depuis Jicky, chez Guerlain, le passage d’un genre à l’autre, le trouble de l’identité. Pas la mixité androgyne, clean et chiante, des années (19)90, la sexualité est présente mais le genre est fluide. Ça n’a l’air de rien, dit comme ça, entre nous, mais pour le grand public, on parle d’une chose pas évidente.  « Comment ça un parfum pour homme peut être porté par une femme et vice-versa ? »

Le parfum en lui-même, car c’est surtout, uniquement, lui qui m’intéresse, se révèle également une bonne surprise. Rien à voir avec Liu, pas d’aldéhydes, c’est assez moderne même. (Mais ce n’est pas pour ça que c’est laid, ne me faite pas dire ce que je ne dis pas, tout ce qui est moderne n’est pas nécessairement hideux.) La structure est assez linéaire et évolue peu : un départ assez doux, légèrement poire, le fruit mur, pas le shampoing,  précède le benjoin qui est la vedette du parfum, associé à la myrrhe, couché sur un fond vanillé ambré. Tous les éléments sont présent au départ, certains plus discret prenant simplement leur temps pour s’affirmer. On est du côté de l’orient, on flirt un peu avec Shalimar et l’Heure Bleue s’il faut rattacher ce parfum au patrimoine. Ce qui est assez frappant, c’est que le parfum est assez sec. En dépit de ses notes vanillées, il ne verse à aucun moment dans la pâtisserie. Discret, c’est un parfum de peau et un parfum assez changeant. Suivant la météo, il développe sur moi sa note fumée, assez sombre, rappelant clairement le papier d’Arménie ou sa note florale d’’œillet.  Soyons clair, pour être conforme aux normes IFRA, ces empêcheuse de tourner en rond, il n’y a plus vraiment d’œillet, juste une note florale rosée épicée, jolie, mais qui ne fait qu’évoquer l’œillet sans jamais le représenter fidèlement.

Lui a du potentiel, il plaira aux amateurs de douceurs qui rêvent d’un fumoir orientalisant mais ne se reconnaissent pas dans les gourmandises actuelles, ceux qui trouve que l’amande de l’Homme Idéal est un peu racoleuse, que l’Art et la Matière verse dans la facilité, à ceux qui font la moue en voyant que Guerlain se vautre parfois consciencieusement dans une caricature de guerlinade. Vraiment, je n’ai rien à lui reprocher ou presque. Parce que le prix, avouons-le est un rien exagéré. Certes, la tenue est excellente et le maison Guerlain n’a jamais prétendu œuvrer démocratiquement pour le bien commun, mais enfin, il y a un moment où les acheteurs vont bien finir par se rendre compte que c’est un peu trop, non ? Cela dit, Guerlain propose une belle sortie, moderne et lisible, sans être simpliste, qui ne manque pas d'un certain charme sensuel.

Lui, Thierry Wasser et Delphine Jelk pour Guerlain, 2017.

Commentaires

  1. Bonjour Dau,
    Je boude GUERLAIN depuis qu'il semble vouloir "enflaconner" tous ses parfums traditionnels de la meme manière.
    Après avoir galvaudé la plupart de ses jus, GUERLAIN tire encore un peu plus loin la ficelle à nous mettre des flacons abeilles volés aux colognes et mis à toutes les sauces.
    Ils sont maintenant d'une banalité qui me déçoit.
    Seul le prix ne baisse pas.
    LIU et LUI , tour de passe passe.
    Ben ce sera sans moi pour LUI , il ne m'apporte rien d'essentiel...Il y a déjà de jolies choses en benjoin / myrrhe/oeillet.
    Puis reprendre le nom "LUI" déjà pris par ROCHAS( 2003) meme s'il se fait rare, c'était le parfum de mon premier boy friend.
    Je ne supporte pas cette sorte de plagiat de nom,
    comme MUGLER avec AURA volé à LOEWE.

    J'aime LIU en vintage et dans son flacon original,quiite à transvaser en arrachant le système vapo.

    À croire que GUERLAIN continue à nous prendre pour des "gogos"

    Vous l'aurez compris je suis en colère ! ( Cela passera)

    Bon week-end à vous.

    Touti

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    1. Bonjour Touti,

      JE peux comprendre cette colère et Guerlain m'énerve souvent. (Bon, je m'énerve assez souvent sur à peu près toutes les marques.) Là, je n'attendais rien et j'ai tellement cru à un gag que c'est une bonne surprise en terme de jus. Cette histoire de flacons, moi, je m'en fiche royalement, je n'ai jamais fais attention à ça, je suis beaucoup plus traumatisé par les dernières versions de l'Heure Bleue. (Et un peu en panique.) (Et je ne suis pas certain que ça passe...)

      à bientôt

      Dau

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