« On avait un premier plan de verdure et un horizon qui semblait déjà le plus vaste possible mais qui s’agrandissait jusqu’à l’infini… »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1921.
Vent Vert n’est plus. La version actuelle est absolument infréquentable. À vrai dire voici un quart de siècle que Vent Vert est infréquentable, la reformulation de Calice Becker étant d’après moi une infâme trahison qui faisait de ce grand parfum cinglant une petite chose mignonne et gentillette. (Ton chargé d’un lourd mépris au cas où vous ne l’auriez pas compris, mais je pense que c’était assez clair.) Mais j’ai mis la main sur une version des années ’80 et depuis, je nage dans la félicité.
Vent Vert est le vent glacé qui descend de la montagne pour vous gifler quand vous pensiez que la saison était douce. Comme souvent, Germain Cellier a signé un parfum violent, surdosé, brutal et qui en même temps se révèle assez fin et sophistiqué à l’usage. La note verte du galbanum claque. Vent Vert sent d’abord la nature en gestation, le bourgeon plis dans les glaces de l’hiver qui attend son heure. Lorsque son heure arrive, on peut découvrir jacinthes et muguets au milieu des feuillages agités par ce même vent âpre. Et par moments, en y prêtant attention, on perçoit le fond terreux et moussu.
Fondamentalement, Vent Vert est choquant et provoquant. Pas de façon volontaire, sans doute, pas pour le simple plaisir d’emmerder le monde, mais parce que sa nature, indomptée et indomptable qui fait sa beauté est un défi. Il ne rentre pas dans le cadre. Vent Vert n’est pas arrogant ou mal élevé, il n’est pas élevé. Et dans ce sens, je ne suis pas étonné que Colette l’ai aimé : il va si parfaitement à ce personnage de Claudine, cette asociale amoureuse et sensuelle qui s’élève toute seule parce que papa est trop occupé avec la malacologie du Fresnois.
Terriblement séduisant, mais pas séducteur, Vent Vert n’a jamais été un parfum populaire. Je pense que plaire à tout le monde n’a jamais vraiment été une préoccupation de Germaine Cellier. Il ferait le bonheur de la niche, aujourd’hui. Néanmoins, il n’a pas été sans postérité, le N°19 et bien d’autres n’auraient jamais vu le jour sans lui. Un parfum disparu dont je chéris le souvenir. Avec lui, j’avais l’impression que tout était possible, que le monde m’appartenait comme avec aucun autre. Il reste LE vert par excellence, le vert dans tous les sens du termes.
Vent Vert, Germaine Cellier pour Pierre Balmain, 1947.
On l'avait offert à ma mère qui ne l'aimait pas parce-qu'il était ...trop vert.
RépondreSupprimerN'empêche qu'il embaumait le placard en bois de la salle de bain.
Ce parfum est, pour moi, indissociable des vacances en Espagne de mon enfance.
Trop vert, oui, vert violent... Non, il n'est pas facile à aimer, celui-là!
SupprimerCher Dau,
RépondreSupprimerOù avez-vous donc trouvé cette si belle chose? La bouteille est si belle (même si celle de l'actuel Vent vert est aussi jolie). Vous avez sans doute vos petits secrets que vous tenez à garder. Je comprends. Mais quel beau texte. J'aimerais tant le sentir ne serait-ce qu'une seule fois. Les parfums verts sont parmi mes préférés... J'ai un fond de Tendre Poison (qui n'est sans doute qu'une pâle copie) que je fais durer, mais il ne durera pas toujours, tout comme nous...
Au revoir!
Sophie
Bonjour Sophie,
SupprimerEbay en Italie. Un gros risque, mais après avoir beaucoup hésité, je me suis jeté à l'eau. Je ne regrette rien. C'est vrai qu'il est un peu moins vif et scintillant qu'une version fraîche, mais il ne s'est pas trop abimé. Et j'admets qu'avec un vintage, il y a des souci de mise en place du parfum et un assombrissement inévitable. Je ne rêve pas et je me fais une raison.
à bientôt
Dau