« Nous avons éclairci l’orage, ramené la sérénité du sourire. »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, la prisonnière, 1923.
Quand Bulgari a lancé sa cologne au thé vert signée Jean-Claude Ellena, c’était une trouvaille géniale qui réinventait la cologne et l’eau chyprée en les sortant du registre joyeux de la fraîcheur et des agrumes pour l’entraîner vers des notes florales plus austères et retenues, sereines et méditatives, qui collaient bien à une époque qui abandonnait la salle de fitness pour les cours de yoga. L’odeur était unique et reconnaissable, elle a d’autant plus fait école qu’on ne peut décemment pas empêcher les concurrents de baptiser thé n’importe quel jus thé. Bulgari a décliné la formule jusqu’à plus soif et on se demande quelle couleur ils vont bien pouvoir trouver maintenant. (Avis personnel, une cologne au thé sombre basée sur un patchouli qui évoquerait les notes tourbe et poussière du Pu Er ne serait pas une mauvaise idée…) J’avoue ne jamais avoir été totalement séduit par le thé vert. En général, je trouve que les notes thés se prêtent bien au jeu du parfum d’intérieur ou à la ligne de bain, mais je n’ai guère envie de les porter sur ma peau. Je préfère la noté maté associée à la bergamote qu’on peut trouver en tête de l’Heure Fougueuse (Cartier) ou de Duel (Annick Goutal) qui évoque franchement et joliment l’Earl Grey.
Jusqu’au jour où j’ai reçu un échantillon de White Tea d’Elizabeth Arden en faisant mes achats de Noël. (Officiellement le parfum est sorti en 2017 mais j’ai reçu un échantillon en 2016 ? Je n’ai pas tout compris, mais c’est peut-être une stratégie commerciale pour séduire un maximum de gens au moment où les parfumeries sont pleines d’un public différent du public habituel ?) Elizabeth Arden avait déjà réussi un thé vert et poursuit dans cette voie, ses autres parfums ne se vendant visiblement pas aussi bien. L’idée est la même, celle d’une ambiance, d’un moment serein autour d’une tasse de thé plus que de la reconstitution de l’odeur du thé. Et Elizabeth Arden réussi bien mieux que tous les autres… (Et à prix démocratique qui plus est!)
Quelques notes d’agrumes et une note de maté en ouverture donne l’impression tasse de thé, plutôt Earl Grey que thé blanc nature, aérée par un accord marin (la même molécule IFF « maritima » que l’eau Pure d’Issey Miyake ?) qui ne déplace pas l’accord vers le bord de mer mais l’aère, lui donne de l’espace. Et ensuite vient un bouquet de fleurs rosé, très lumineux, posé sur un fond musqué boisé très discret. (Le fond est juste là pour permettre au parfum de tenir.) C’est dans la lignée des parfums au thé, mais d’une sérénité joyeuse, le parfum gagne en légèreté et perd en gravité, en austérité.
White Tea est très agréable à porter, légèrement sophistiqué, peut-être plus connoté féminin selon les standards classiques de la parfumerie, mais dépourvu des chichis, des tentatives de séductions langoureuses un peu forcées. Je l’aime pour rester chez moi, surtout le soir. (Marié à la crème assortie qui n’est pas le truc le plus hydratant du monde mais qui est bien agréable et suffira pour le printemps.) C’est un parfum calme, apaisant. Dans le tokonoma l’austère calligraphie sur la vertu a été remplacée par un bouquet de fleur et c’est un changement que je ne regrette pas.
White Tea, Caroline Sabas, Guillaume Flavigny et Rodrigo Flores-Roux pour Elizabeth Arden, 2017.
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