le charme des bottines...

"Le même genre et presque la même puissance de charme que les bottines à lacets de M. Swann..."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.

Le cuir fut un classique masculin avant d’être l’apanage des femmes de caractère pour finir en solinote obligatoire des marques de niches, toujours hésitantes entre le confort du sac de luxe et le souffre du sexuel fétichisme. (Souvent, le souffre étant plus dans le marketing qui va autour que dans le flacon…)
Ce qu’il y a de bien avec une marque comme Oriza L. Legrand, c’est qu’on échappe un peu à l’ennui et à la répétition de la niche grâce à l’effet «vintage.» Le Cuir de l’Aigle Impérial nous ramène à un passé, plus ou moins authentique et terriblement plaisant quand on est lassé des effets facile de la belle ( ?) matière joliment entourée…

Cuir de l’Aigle impérial peut même décevoir si vous voulez juste sentir le cuir. À la limite le Cuir est bien moins cuir que les Violettes du Czar. Le départ agrumes est brillant et très vite suivi d’un effet floral (géranium et rose) assez riche, passablement abstrait, légèrement poudré. Le parfum est, comme souvent complexe et abstrait. Oui, c’est riche et orné et j’aime ça ! C’est très changeant aussi. L’atmosphère fleurie fait place par instant à une atmosphère qui va du boisé à la fougère lavandée, effectivement plus masculine selon les critères traditionnels dont nous nous fichons éperdument. Mais qui rassureront peut-être un entourage conservateur et frileux quant au genre.

La note cuir peut paraître absente, trop discrète pourtant, elle est bien présente, jouant à cache-cache avec les autres notes. Ni sac à main, ni tannerie, j’ai vraiment eu une révélation en cirant mes chaussures. (Enfin, en nettoyant, en graissant et imperméabilisant mes chaussures.) Une bouffée de parfum est montée jusqu’à moi, celle de la graisse, légèrement parfumées que j’étalais sur le cuir, exactement pareille à cette note que je sentais dans le Cuir de l’Aigle. La vie imite l’Art, vous vous souvenez ? Dans le parfum, ce cuir n’apparaît que tardivement : l’habitude d’achat moderne : on lit cuir, on s’attend à un cuir et on sent les 20 ou 30 premières secondes du parfum, condamne le parfum d’Oriza à mort. Mais si vous recherchez avant tout une senteur à l’ancienne, évolutive, qui surprenne en cours de journée, si on aime le confort de la richesse à l’ancienne sans les excès de poudre et de fleurs, le Cuir de l’Aigle Russe mérite vraiment que vous lui donniez sa chance.


Cuir de l’Aigle Russe, Hugo Lambert pour Oriza L. Legrand, 2015.

Commentaires