Maetropolis

"La vérité est qu’elle m’avait reconnu dans la rue et m’avait dit bonjour, et plus tard Mme de Guermantes me dit qu’elle avait lui avait raconté comme une chose très drôle et extraordinaire que je l’avais suivie et frôlée, la prenant pour une cocotte."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Albertine disparue, 1925.

Depuis la collection Libération de Saint Laurent quelque chose a changé dans la mode, on n’essaye plus vraiment de faire nouveau, on joue avec le passé, on le revisite. Personne ne le fait mieux que Jean-Paul Gaultier qui pratique habillement collage et rapprochement entre les époques et les lieux pour faire naître une beauté nouvelle et saisissante, toujours un peu décalée, en faisant presque oublier qu’il maîtrise aussi l’art de la coupe. Ce qui est étonnant, différent, c’est qu’on sent de la part du créateur un vrai respect, une vraie affection pour ce qui l’inspire, bien loin de l’ironie, parfois très cruelle, que le jeu de la citation implique pour certains. Son Classique de 1993 colle tout à fait à cet esprit, jouant le complexe bouquet de fleurs blanches sur fond de vanille et ambre avec un touche très maquillage. C’est une féminité parfumée conventionnelle, un peu poule, un peu bourgeoise, qui plaît aux mamies, pas dupes, comme à leurs petites-filles, à toutes celles qui goûtent ce glamour de façade qui porte le corset parce que ça n’empêche pas d’être libre dans la tête. Le flacon cite Schiaparelli qui s’était inspiré d’un mannequin représentant Mae West…

Puig ayant racheté les parfums Gaultier continue de miser sur le Classique, ce qui est en soi rassurant. Combien de maison continue de promouvoir un parfum de plus de 20 ans ? La nouvelle Essence joue la fidélité : le flacon, toujours aussi reconnaissable, a changé : on dirait que Mae West tient un rôle dans Metropolis. L’odeur joue la différence également: Daphné Bugey retravaille la formule de Jacques Cavalier et rend le parfum plus lisible, moins soudé. C’est LA touche de modernité de cette version. Le départ est nettement gingembre, à la fois épicé et, curieusement, androgyne dans ce parfum qui joue toujours tous les clichés de la féminité en les assumant. Les fleurs blanches viennent ensuite, très nettes, très présentes, sur le fond crémeux, doux, vanillé, poudré, ambré très cosmétique toujours, mais plus en retrait que dans la version originale. L’Essence est un fleuri. Intense. Avec ses épices, son gingembre, il m’a évoqué les années ’80 et j’ai même cru un moment avoir mis par hasard la référence de cette époque en termes de fleurs blanches : Poison.

Ce n’était qu’une évocation, une trace, mais ce fantôme de Poison, entrevu, brièvement mais à plusieurs reprises, est la clef qui m’a permis d’entrer dans ce Classique et de l’aimer vraiment, ce que je n’avais jamais fait jusqu’ici, alors qu’il avait, sur papier, tout pour me plaire. Si de loin on peut toujours le prendre pour un parfum de bourgeoise ou de cocotte, je lui trouve des airs de power dressing, épaulé, prêt à en découdre, qui laissent penser que sous ses airs rétro, celle qui le porte ne compte que sur elle-même, quitte à se hisser au sommet, telle Madonna, par ses bretelles de soutien-gorge Je crois que Jean-Paul ne désapprouvais pas, si ?

Classique, essence de parfum, Daphné Bugey pour Jean-Paul Gaultier, 2016.

Commentaires

  1. Bon jour Dau,

    Cela me rappelle l'extraordinaire Expo à la fondation Pierre Bergé /Yves Saint Laurent en 2015 de cette collection 71 qui fit scandale et que j'ai énormement appréciée.
    Idem pour l'Expo Jean-Paul Gaultier au Grand Palais (2015) elle aussi, un vrai plaisir.
    Deux maitres de la coupe et du dessin.
    Question "Dessin" Gaultier n'a rien à envier à Yves Saint Laurent ....idem, pour la coupe
    "tailleur" des vestes ** Gaultier où c'est vraiment Un As ,qui a tout compris des Héritages Précédents et a sû s'en imprègner pour créer "son style".
    J'ai investi mon premier salaire ( deux mois de job d' encore étudiante dans une veste Gaultier j'ai pas pû résister "Un as de la coupe" et cela se voit quand on détaille, pièce en main ** !
    (Les vestes c'est le plus compliqué, et travaillé "à la façon de Smalto" pour homme )
    http://www.smalto.com/fr/univers-smalto/couture

    C'était/c'est un bon investissement "indémodable" puisque je la mets encore et encore. et que cela n'est pas prêt de finir... et qu'est venu rejoindre une jupe portefeuille au tombé magnifique.
    (Hermés l'avait bien compris , qui a redonné,grace à lui, un réel coup de pouce ,à ses coupes, si on peut dire vieillissantes !!?)

    Pour le Classique 93 j'avais fait mes provisions. Hum Hum (comm'd'hab')
    Tout ce qui est "Retro Cocotte " me plait...

    Je vais donc adopter le nouveau" revu" par Daphné Buguey sous PUIG pour Gaultier
    Classique, essence de parfum,s il a la trempe d'un "Poison" vintage ...Allons-y gaiement ..
    ( j'y pensais l'autre jour vs Poison )
    Je crois que 20 ans de succès pour le Classique ,dans ce monde du parfum ou tout disparait si rapidement
    est une vraie consécration ( une autre s'il en était besoin ) pour Jean-Paul Gaulthier.
    Il est certainement assez ouvert,pour en apprécier une ré-interprétation, si elle est réussie.

    Avec ma veste Gaultier j'ai souvent usé du Jean Louis Sherrer, ça lui va bien aussi...

    Merci Dau, pour ce magnifique billet.

    Bon dimanche.

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    Réponses
    1. Bonjour Touti,
      J'aime aussi beaucoup le rétro-poudré-cocotte. Là, ça l'est un peu moins, mais je trouve la variation intéressante et réussie même si elle surprend dans un premier temps. Le départ gingembre place le parfum dans un tout autre registre et on ne le reconnaît pas du tout. Puis, petit à petit...
      L'aspect Poison, c'est juste une trace par instant dans le sillage des fleurs blanches, mais j'ai beaucoup aimé! Bien sûr Classique est plus sage et peut-être un peu moins puissant que Poison en vintage, mais qui peut battre poison qui était quand même parfois un peu trop?
      Je crois que ces 20 ans passé sont dus en partie au fait de ne pas avoir suivi une mode et de n'avoir ressemblé qu'à lui-même et au genre de la maison fait, en partie, de citations décalées.

      Oui, la mode de Gaultier va bien avec des parfums très classiques. Plus qu'avec des essais un peu trop moderne et conceptuel ou des choses qui serait bêtement "à la mode" parce que c'est ce que tout le monde porte.

      Merci à vous!

      à bientôt

      Dau

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