"Comme il est gentil! Il est déjà galant, il a un petit œil pour les femmes: il tient de son oncle. Ce sera un parfait gentleman, ajouta-t-elle en serrant les dents pour donner à sa phrase un accent légèrement britannique."
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913.
La parfumerie masculine cache parfois des trésors d’élégance insoupçonnée dans les étagères du bas des Planet Séphora et autres temples de la surconsommation trop glucosée. Monsieur de Givenchy est né dans les années ’50 et nous présente encore aujourd’hui un exemple de classicisme chic auquel on ne peut rien reprocher. Le parfum hésite entre plusieurs genres comme s’il n’avait pu choisir sa famille. Peut-être sa noblesse tient-elle à ses alliances? Un départ aromatique et frais de verveine et de citron l’apparente aux anciennes colognes, tandis que le cœur lavandé fait songer à la fougère traditionnelle des barbiers. En ce sens, Monsieur de Givenchy peut passer pour une version plus fine, plus aristocratique, de la traditionnelle Colonia d’Acqua di Parma qui lorgne également vers la fougère. Et puis viennent des notes épicées, très douces, un poivre qui n’agresse pas, posées sur un fond de mousses et de bois qui oriente la composition vers l’eau chyprée qui triomphera dans les années ’60 avec Eau Sauvage.
On pense un peut à Pour Monsieur de Chanel, qui joue les classiques fifties et poserait volontiers au seul survivant de l’époque. Pourtant, si Monsieur de Givenchy lui doit certainement, il est à la fois plus fin et a su rester plus riche. Monsieur chanel est aux abonnés absents en ce moment tant il a été aplati, laminé, massacré par les reformulations, alors que Monsieur de Givenchy continue simplement à être discret, ne se faisant sentir que lors du baiser. Sa retenue n’est en rien un manque de puissance. Sa sobriété aimable n'est en rien une sévère austérité.
Classique, le mot est ce qui lui correspond le mieux, et pour certains d’entre nous, il équivaudra à vieilli. Oui, il n’est plus très à la mode. Sa fraîcheur subtile ne pétille pas assez, son élégance manque de tapage, son fond sensuel n’est pas assez ouvertement «sexy.» Mais si comme à moi, le mot sexy ne vous évoque que des minet(te)s pop un peu (beaucoup) vulgaires avec trop de peau exhibée, que le fusant-pétillant actuel vous fait surtout l’effet d’être une arme chimique destinée à donner la migraine en vrillant les naseaux, vous trouverez peut-être du charme, beaucoup de charme, à ce bel homme mûr, encore fringuant, qui ne se départi pas de ses bonnes manières, parce que, non, la main aux fesses n’est pas une façon de présenter ses hommages, laissons cela à d’autres, s’il vous plaît!
Monsieur de Givenchy, Givenchy, 1959.
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