reformulations

Pas de jérémiades à propos de l’IFRA en dépit du titre, mais une envie de parler littérature. Parce que la littérature aussi est revue et corrigée. Pauline Chen en écrivant « dans le pavillon rouge » réécrit « le rêve dans le pavillon rouge » de Cao Xuequin, classique chinois du XVIIIème siècle. Les raisons avancées par l’auteur ? Faire découvrir ce roman que personne ne lit, parce qu’il est trop vieux et trop long. (2500 pages) Le remettre au goût du jour, donner l’envie de le lire.

L’histoire, c’est celle de la famille Jia en son palais, les intrigues personnelles, les relatons entre les personnages. Pauline Chen recontextualise le texte en l’insérant dans le contexte politique du XVIIIème siècle, et écrit de façon moderne en donnant plus d’explication psychologiques à propos des personnages qui semblent moins lointains et plus actuels. Beaucoup moins de personnages d’ailleurs. Je peux comprendre l’idée. Sauf que j’ai lu Cao Xuequin. La politique ne sert pas l’ouvrage, détourne du principal et complique inutilement l’intrigue. Pourquoi perdre son temps à ajouter une intrigue politique quand on se donne pour but de simplifier une intrigue jugée trop complexe ? Le raisonnement m’échappe.

Le rêve dans le pavillon rouge n’est en réalité pas si vieilli et si exotique que cela. L’action se déroulant en vase clos échappe justement à tout effet daté. Peu importe qui règne sur la Chine, l’univers décrit est celui des femmes qui ne sortent pas du palais. C’est très proche de l’effet « il était une fois… » des contes qui met de la distance mais n’ancre pas le récit et le rend intemporel, voire universel. D’ailleurs, le XVIIIème siècle, ce n’est pas si vieux, pas si lointain.

La psychologie infusée dans le roman ne me semble pas une excellent idée non plus. Elle affadit les personnages. Grande Sœur Phénix qui m’avait fasciné devient banale. La grand-mère Jia tourne à la caricature. Les descriptions simples des actions de l’original, ses dialogues, permettaient de mettre beaucoup de choses sur les personnages. Avec Pauline Chen, j’ai parfois eu l’impression de lire de la littérature à l’eau de rose, une psychologie un peu banale, j’ai presqu’envie de dire une philosophie de comptoir. J’exagère un peu, mais à peine. La nouvelle version n’est pas à la hauteur de l’original et puis c’est tout.

Le rêve dans le pavillon rouge m’avait beaucoup plu, je l’avais trouvé magique. Le fait de le remettre au goût du jour, de flatter la paresse des gens en leur facilitant la tâche, ne me semble guère judicieuse. La poésie s’est perdue. Le livre de Pauline Chen n’est pas mauvais en soi, mais donnera-t’il l’envie de lire l’original ? Je doute. D’autant qu’il convaincra les gens qu’ils l’ont lu, le connaissent déjà. Pourtant, ils n’auront  pourtant pas connaissances du raffinement de l’histoire, de l’exotisme délicat et précieux qui se dégage du texte, de la délicatesse, de la complexité des sentiments évoqués. Alors, franchement, je vous dis si vous passer devant le pavillon rouge de Pauline Chen et qu’il vous tente de passer votre chemin et de vous mettre en quête de l’original. Plus touffu, plus complexe, mais parfaitement lisible pour un occidental du XXIème siècle. (Après tout, j’y suis bien arrivé ! J’admets que le premier chapitre est un peu difficile mais rien ne vous empêche de le passer.) 

Si je devais comparer à un parfum, je choisirais Opium d’Yves Saint Laurent. Je comprends qu’on aime la version actuelle, ronde et lisse, jolie, mais quand on connaît l’ancienne, on trouve l’Opium contemporain bien délavé, bien fantômatique.

Et pour ce qui est du nombre de page, dites-vous juste que plus de pages signifie plus de plaisir. (Après tout, quand on parle parfum, vous aimez les GROS flacons, non?)

Pauline Chen, dans le pavillon rouge, 2012.
Cao Xuequin, le rêve dans le pavillon rouge est disponible en pléiade.

Commentaires

  1. Mon cher Dau,
    je reprends votre idée pour vous faire savoir que Monsieur Andres Trapiello a passé vingt à réécrire "El Quijote" (Don Quichotte) en espagnol actuel, un exercice de sa part aussi long qu'il me semble parfaitement inutile, il y avait déjà de nombreuses éditions pour enfants, une série de télévision pour les enfants, une autre pour les adultes, des éditions abrégées... Qui voulait lire Don Quichotte le lisait tel quel et si parfois n'arrivait pas à comprendre un mot le cherchait en ligne ou consultait le dictionaire de la RAE (Dictionaire de la Royale Academie de l'Espagnol et de toutes les Académies et les Royales Académies de tous les pays où l'on parle la langue espagnole) en papier ou en ligne. Ceux qui n'avaient pas envie de lire Don Quichotte tout simplement ne le lisaient pas...
    Alors que c'est l'oeuvre la plus connue de la littérature espagnole, la lecture complète de Don Quichotte n'est pas pour cela obligatoire ni dans les écoles ni dans les lycées.
    Pour ma part, je l'ai lu au lycée (en première) tel quel Cervantès l'avait écrit et l'expérience ne ma semblé nullement terrible, il m'a fait sourire bien des fois et une seule fois rire aux éclats.
    A bientôt!
    Sara

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  2. Je suis de retour.
    En ce qui concerne Opium, je ne le porte plus, tellement la nouvelle version, tout en étant jolie, me fait regretter la version d'origine qui m'enveloppait et m'accompagnait comme un manteau de velours tout au long de la journée.
    Amitiés,
    Sara

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  3. Je crois que l'ère est hélas aux re-sucées et/ou au digest ... J'ai des difficultés à adouber ces re-mâchages, tant en littérature qu'en parfumerie ....On entre dans un livre, qu'il soit long ou complexe par gout par désir de découvrir un univers particulier,un style original.....Les pis-allers me révoltent.
    A quoi bon baisser la barre ? Pour que le servum pecus, y vienne ? Il n'y viendra pas plus "ça le saoulera" encore
    hélas ,ou tant mieux. Je n'apprécie pas non plus, qu'on mette une photo lambda, incarnant les personnages d'un roman qui en première lecture n'avaient que les visages fantasmés par ce qui en est suggéré par la lecture elle-même ( je pense à Belle du seigneur ) Ca ne "colle plus" Mon Ariane à moi, n'a pas cette "gueule-là".C'est impossible.C'est navrant (c'est juste mon ressenti) .
    Don Quichotte revisité (Sara puisque vous en parlez- Bonjour au passage-) C'est une hérésie de plus,(je l'ai lu en VO) C'est plus fort que moi ,cela me déçoit ...J'ai essayé je ne peux pas....

    Testé l'autre jour, la version actuelle de Calèche , j'en suis repartie faisant la moue,
    La version "Soie" comme vous l'écriviez Dau, est, elle, un plus -un ajout- assez agréable néanmoins ( mot que je déteste), Je dirai "en complément"...ça fonctionne, bien ..Mais la mémoire olfactive est terrible, elle nous contraint à des choix.. Cela n'est pas pour me déplaire ...

    Je suis rentrée samedi, augmentée de trois flacons d'Anatole Lebreton ... Un grand plaisir.Vraiment.
    Aujourd'hui L'eau scandaleuse a ma préférence .
    Je me donne encore un peu de temps pour adopter les deux autres.
    Merci Dau pour cette "initiation" ...

    Bonsoir à tous.


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  4. Content de voir qu'il reste des lecteurs de classiques qui n'ont pas peur! (Je ne doutais pas, mais enfin, on se pose parfois la question et on se sent souvent bien seul...)

    Sara, les programmes scolaires et les lectures imposées, je n'y comprends définitivement rien. On m'a forcé à lire des choses sans le moindre intérêt en m'épargnant Stendhal, Flaubert, Balzac et Proust. Si je n'avais été curieux, je serais passé à côté de ces auteurs merveilleux alors que j'ai du subir Simenon, Duras et Marcel Pagnol. Je renonce à comprendre... (Duras, pour moi, étant une vaste arnaque et une abomination. Je sais qu'elle compte des légion de fan, mais je suis trop bête, et je ne comprends tout simplement pas.)

    Touti, trois flacons, vraiment? Mais ce n'est pas un tout petit peu exagéré, ça? Mais je suis content, voila qui va sentir beau et très original. et la démarche d'Anatole est sincère, bien plus que celle de beaucoup dans cette industrie, je suis content qu'un peu d'argent aille vers des amateurs comme lui, plutôt que vers les grands groupes. (Et sur le site, ce sont mes photos qui illustre les parfums, au fait!) La Scandaleuse, mais dites-moi, vous n'avez peur de rien,n madame! Cette tubéreuse-cuir vaut vraiment le détour, elle à un de ces culot! Tout comme on aime en fait. ;-)

    à bientôt

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  6. Du culot, certes..... Elle en a cette Eau scandaleuse ...Je ne peux pas résister à la tubéreuse ni au cuir si brillamment assemblés.. c'est vrai aussi que j'ose être effrontée , avec ce qui me plait...

    J'aime beaucoup ce nom d'Anatole Lebreton , ça sonne, franc tendre et sincère ( mon imagination se lâche)

    Pour les grands groupes ......Je me tais....Il vaut mieux.

    Bravo Dau, pour les photos elles sont superbes !!!

    Enfant de neuf à douze ans , j'ai passé mes vacances d'été dans le grand bureau de mon grand père
    lovée en travers d'un fauteuil Club de cuir fauve, j'étais libre de lire tout ce que je pouvais saisir
    j'ai commencé par la rangée du bas Balzac , Stendahl, Maupassant , Colette Proust ,Zola .....
    Les dictionnaires sur le tapis servaient de marche-pied près du fauteuil.
    Ces livres qui n'étaient pas destinés aux enfants mais qu'importe j'adorais ça.On me laissait faire.
    Je boudais la lecture en plein air où la lumière est dure sur la page.

    Ma famille à cette époque ne partait pas en vacances trop de travail...

    J'étais ravie d'éviter les hôtels l'été, les plages bondées....

    J'étais LIBRE de passer autant de temps que je le souhaitais à lire dans une maison immense,
    jusqu'à des heures avancées de la nuit....

    ---J'ai eu un grand père gâteau --

    ....Tout ce que je faisais, avec plaisir, le faisait sourire...Quelle chance..

    ."Touti, tu penseras à venir manger quand même !!?"

    Ce n'est pas l'Ecole qui m'a appris à lire, très tôt, mais bien Lui...Il estimait qu'un enfant pouvait lire tout ce qu'il
    était capable d'apprécier....Les pauvres bibliothèques scolaires faisaient grise mine par leur contenu
    "Fait pour les enfants" C'était "barbant".....Après Balzac et ses pairs.....
    Rares sont les adolescents qui aiment lire ( 3% d'après ce que j'ai pu constater )
    Cela se sent ...Hélas.
    .
    Un livre qui ne m'oblige pas à ouvrir un dictionnaire,au moins cinq fois ,je trouve cela.. dommage .

    Pour ceux et celles qui aiment jouer avec les mots...... et les dictionnaires
    "L'affreux Pastis de la rue des Merles" de Carlo Emilio Gadda ..Pourrait les occuper un très long moment
    (s'il pratiquent l'italien c'est encore mieux ..) ..Mais la traduction est bonne.



    (J'ose ... ) M.Lévy, je laisse à ceux et celles qui portent "Angel "...Tiens !!!



    Bonsoir à tous.

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  7. Bonsoir Touti, bonsoir Dau

    Dau, j'au dû lire Marcel Pagnol à l'école en France puis au Lycée Français de Madrid, vraiment j'aurai mieux aimé autre chose , Marguerite Duras je peux la supporter mais c'est tout, je préfère d'autres plumes françaises.
    Touti,
    Je vous remercie de votre conseil sur Carlo Emilio Gadda, je parle l'italien donc je vais le chercher et le lire. Je me rappelle maintenant que les italiens en principent ne lisent pas Umberto Eco car ils le trouvent trop dense :( Pour ma part j'ai beaucoup aimé "L'île du jour d'avant" et le "Pendule de Foucault".
    A bientôt!,
    Sara

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  8. Bonne nuit ou plutôt Bonjour,Sara.

    J'ai beaucoup aimé la densité d'Umberto Ecco Gadda est "un farceur" génial ....
    Là, à cette heure je viens de terminer une relecture de Rilke "Les Cahiers de Malte Laurids Brigge "pour la troisième fois....... Il me reste trois heures pour dormir.....

    A bientôt

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