“La frivolité d’une époque quand dix siècles ont passé sur elle est digne de la plus grave érudition…”
Marcel
Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.
La
blogueuse mode est une créature 2.0 née il y a quelques années et devenue un
personnage faussement considérable de notre époque. Elle arbore des cheveux
lisses et toujours bien peignés, une allure de fille à la page qui s’efforce
d’avoir l’air de ne pas le faire exprès et s’habille comme tout le monde chez
H&M, Mango and Co + une pièce luxueuse (minimum glamour) + une pièce de
créateur (minimum d’originalité) … Parfois pétasse ou arriviste, elle est
souvent bonne fille. Elle voudrait être Vogue à elle toute seule, l’incarnation
du chic, mais ne déteste pas faire partie d’une tribu.
Son parfum
est souvent mainstream. Elle a essayé et adoré Petite Chérie, mais c’était trop
agaçant de ne pas lire le respect et l’admiration lorsqu’elle parlait de Goutal
à des gens qui ne connaissait pas. Et puis, le label connu et pointu en mode,
ça la rassure. Elle a beaucoup aimé Chloé parce que ça sentait bon, que c’était
original et que toutes ses copines adoraient. (Vous voyez la
contradiction ? Pas elle.) C’était le It parfum. Et puis surtout ça allait
tellement bien avec son sac Chloé, même qu’on pouvait croire que toute la tenue
venait de la boutique Chloé et non de la collection Chloé revue par Zara. (Je
me moque, mais j’aime bien cette rose fraîche dont l’odeur proprette de lessive
rappelait certains aspects des anciens aldéhydés.)
Il y a eu
Daisy de Marc Jacobs et sa bonne odeur de shampoing pour enfant dans son joli
flacon à marguerite blanche, si joli sur fond blanc dans son compte Instagram.
(Ne me demander pas pourquoi la blogueuse aime les photos sur fond blanc, c’est
comme ça. Ça doit faire plus studio pro d’avoir une table blanche et un mur
peint en blanc.) Et puis Marc Jacobs. LE Marc Jacobs. Qui a moins la cote
depuis qu’il a quitté Vuitton et que Sophia Coppola n’est plus une It girl.
(Trop vue ? Trop vieille ?) Michael Kors a pris la place pour ce qui
est de fourguer du sac à main à logo. Michael Kors, l’inventeur officiel du rose
gold dans le monde des blogueuses qui n’ont jamais entendu parler d’or rose.
Michael Kors qui n’a jamais sorti un parfum valable sous son nom… Bref, il y a
une place à prendre. (Parce qu’elle aime l’idée du parfum signature qui est sa
marque de fabrique, mais qu’il faut rester à la mode. Forcément.)
And then came Prada…
Miu Miu, le parfum, en compagnie des deux indispensables de la blogueuse: le MacBook Air et le mug de thé. Pourquoi Eux? C'est comme ça! |
Enfin, pas
vraiment Prada. La blogueuse mode n’a jamais accroché aux parfums Prada. Elle
adorerait s’habiller en Prada, mais craint toujours d’être un peu incomprise si
elle cultive ce style. Et n’a jamais perçu les subtilités des parfums Prada qui
lui paraissent juste classiques et dont elle n’a jamais été persuadée qu’on les
sentait vraiment. Alors, Miu Miu. La marque petite sœur. Plus fun. Plus
décalée. Moins onéreuse. Plus à la mode encore. Et Le parfum Miu Miu est fait
pour la blogueuse mode, du flacon au jus.
Le flacon est
pop, joyeux, coloré. Ludique mais pas cheap ! Un jasmin fruité, pensez à
feu le jasmin d’Annick Goutal pour l'esprit, un jasmin d’enfant sage et propre (décidément,
on n’en sort pas du propre) annonce un muguet transparent qui s’étire sur un
joli fond boisé-épicé, une fraction de patchouli qui tire vers le poivre, qui
éloigne le parfum de la facilité que son
départ laissait présager. Ce n’est pas moi, ce n’est probablement pas vous mais
c’est la blogueuse mode. Elle peut faire de ce parfum un succès. Ce que je souhaite
car il est plaisant. Accessible, mais pas racoleur, discret, pas bêtement
suiveur des modes. Daniela Roche-Andrier a fort bien rempli le contrat d’un parfum grand public
mais un peu signé. Ce n’est pas une nouveauté incontournable et indispensable, mais l’avoir porté un peu en test m’a donné envie d’y revenir. De le sentir
encore un peu, parce qu’il évolue bien, que chaque phase est jolie. Il me
fait un peu penser à certains soliflores dont je me dis qu’un de plus ou de
moins ne changera pas la face du marché, mais que j'aime bien quand même. Alors, oui, l’air de rien, ce Miu Miu vaut peut-être le détour.
Miu Miu, Daniela Roche-Andrier pour Miu Miu, 2015
Bonsoir Dau,
RépondreSupprimerJe lui trouve également un côté plaisant, rêveur, qui ne change rien mais que j'aimerais porter de temps à autre. Cordialement,
Sara