#gayisok

“Race  sur qui pèse une malédiction et qui doit vivre dans le mensonge et le parjure, puisqu’elle sait tenu pour punissable et honteux, pour inavouable, son désir, ce qui fait pour toute créature la plus grande douceur de vivre…”

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1920. 

Lush vend des savons #gayisok, dorés et parfumés aux agrumes. (Odeur citron-bergamote à tomber…) Trop kitschouille mais joli pour un savon. (Soyons clair, le savon diva/drama queen m’amuse, la déco permanente dans mon salon m’écœurerait assez vite.)

Je ne suis absolument pas persuadé de savoir ce qu’il faut en penser: Lush, c’est souvent l’occasion de crier au greenwashing avec des discours ambigus à propos du naturel qui ferait presque croire que c’est une marque bio alors que pas du tout, etc. Et franchement, là, je suis bien d’accord, c’est de la bonne conscience à la va-vite parce que, franchement, si tu veux faire du bien à la planète, le mieux, c’est une douche rapide avec un bête savon bio et pas un long bain avec des trucs parfumés qui bullent dedans. C’est pas rigolo ? Certes non, mais si respecter la planète était plus simple et plus rigolo que polluer, on le ferait tous depuis longtemps, non ? 

Bien sûr cette campagne, j’y vois d’abord une politique de communication, une façon de se donner une bonne image en venant en aide à une association Lesbienne Gay bisexuels et Trans. C’est facile, sympa et sans risque et sympathique, bref, un argument commercial et publicitaire. Sauf qu’on ne pourra pas vendre ces savons dans tous les pays. (Parce que oui, l’homosexualité, c’est encore quelque chose d’illégal ci et là.) Déjà, ça permet de resituer les choses. Et que tout le monde ne va pas trouver ça sympa. Souvenez-vous des manifestations "rassemblement pour tous !" Vous croyez qu’ils vont apprécier ce genre d’initiative? Pas sûr… Parce que j’ai beau vivre dans un pays ou des personnes de même sexe peuvent se marier et avoir des enfants, ce n’est pas gagné. Oui, il y a encore de la discrimination et un poids social. Et le parcours des personnes transsexuelles ressemblent plus à un parcours du combattant semé d'embûches et de souffrances qu’à une marche triomphale sur un chemin semé de roses…

En fait, à qui les bénéfices sont reversés, c’est un peu facile et pas très impliquant; la vraie bonne idée, c’est d’avoir choisi de rendre visible le soutien à la cause LGBT avec ce gros #gayisok écrit sur le savon. (Même si ok, c’est juste le G de LGBT, mais bon… LGBT, beaucoup de gens n’aurait pas compris.) De le mettre en vitrine. De permettre aux gens de le mettre sur les réseaux sociaux. De l’exposer dans la salle de bain à la vue de tous. De l’offrir à tonton Georges et à tata Ginette. Ça permet d’en parler, d’entamer le débat ailleurs que là où ça se fait habituellement, de dire que tout n’est pas rose ailleurs que dans les lieux dédiés au militantisme ou au débat de société. Ça fait de jolies vitrines qui dérangent un peu certains passants et c’est tant mieux.On ne se contente pas de verser un peu de sous de façon anonyme, on devient soi-même un peu militant...

Alors, faites un (petit) effort, achetez-les, partagez, amusez-vous, ce sera sympa et en plus l'odeur est une vraie belle réussite, parfaite pour l'été! (Faut pas non plus exagérer sur le côté militant et sympa, on va pas se punir non plus... Après tout, le monde a certes besoin de tolérances et de bonnes actions, mais aussi de beauté et légèreté!)

#gayisok, savons en édition limitée, Lush, 2015.