une abeille

"Mais ce n’étaient pas que quelques mots, c’était tout, c’était ma signature. C’était mon article qui avait enfin paru !"

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.

Le livre est lancé, la nouvelle est parue et le cocktail a eu lieu. C’est curieux car tout ça me paraît passé et assez lointain déjà. Pourtant, c’était il y a peu… Seulement jeudi. La soirée était sympathique et c’était agréable de rencontrer les autres lauréats, les gens du Cherche-Midi, les gens de chez Guerlain et les invités. Même si il a fallu que je me fasse remarquer en jetant un flacon par terre (pas exprès et je n’ai même pas été le seul à faire ça !) et si me faire prendre en photo était un peu beaucoup un supplice. (Je ne suis pas photogénique, on peut lire la panique sur à peu près toutes les photos ou je figure.) Et que j’ai eu l’impression de raconter un tas de bêtises à la charmante dame qui m’a interviewé.

Ce qui reste, c’est mon nom imprimé noir sur blanc dans un livre. Une sensation étrange, qui fait plaisir, mais en même temps, je n’ai pas vraiment l’impression qu’il s’agit de moi. Je ne me sens pas plus écrivain qu’avant, c’est-à-dire pas du tout. Je n’ai jamais envisagé une carrière d’écrivain parce que ça ne me tente pas et, surtout, que je ne m'en sens pas capable. J’écris assez peu d’ailleurs, faute de temps, de motivation et de courage. Pourtant, j’aimerais écrire quelque chose, même juste pour moi, qui me rendrait fier de moi et du travail accomplis, mais… (Vous savez comment ça va. On a tous tant de chose qu’on aimerait mais…) Ce pourrait être un début, un encouragement, mais en fait, non, pas spécialement, je ne me sens pas plus doué qu’avant. (Et pas plus courageux.)

Ce qui reste aussi, c’est un gros flacon d’Eau du Coq. Elle a remplacé l’eau de cologne Impériale. C’est peut-être un détail (pour vous), mais pour moi ça veut dire beaucoup car cette eau, je l’ai beaucoup portée dans ma jeunesse, en énorme flacon d’un quart de litre et ça me replonge en arrière. Pas tant la fragrance, une cologne jolie, mais très classique et pas si signée que celle-là en particulier évoque des choses, mais le flacon, même s’il est bien différent, infiniment plus luxueux dans sa version dorée. (Ça tombe bien pour un concours dont le thème était "mémoire olfactive" parce qu’il n’y a pas de hasard?) Ce gros flacon trophée d’un litre gravé et doré à mes initiales, c’est le petit trésor que je vais garder avec un exemplaire du livre pour toute ma vie et que je léguerai à mes héritiers qui n’en auront rien à faire, bien sûr, les monstres, et que je vais couver du regard encore longtemps en pensant à ma petite minute de gloire. Et à mes vingt ans. Et peut-être bien que je devrais le poser à côté de mon ordinateur pour me motiver à écrire encore… Sauf que non, pas forcément, et que ne me reste aujourd’hui de cette escapade qu’un énorme coup de blues.

Commentaires

  1. je suis ravie et voilà, je n'ai plus qu'à attendre le facteur...c'est un tel plaisir pour moi de lire vos billets, que forcement un livre qu'on a envie de garder près de soi, il me tarde...
    Le blues, c'est normal quand on a beaucoup donné, on a ce sentiment de vacuité...ça ne dure pas..

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  2. Mon cher Dau,
    J’arrive très bien à vous comprendre : après la performance du 24 avril dernier lors de la parution de "Mujeres en la Historia 2" une soirée où je me produisais sur scène ce qui est resté c'est l'idée qu'il me fallait repartir à zéro; je suis consciente que j'ai appris pas mal de choses depuis pas mal de temps mais ces idées de repartir à zéro, de réfléchir, de savoir si je veux écrire quelque chose d'autre, de savoir ce que je veux chanter, d’être sûre et certaine de vouloir encore chanter ne me quittent pas.
    Donc, je me repose, j'écoute du jazz, je lis des polars, je fais des travaux de traduction et je réfléchis un peu, mais pas tous les jours, ;)
    Très cordialement,
    Sara

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  3. En fait, j'éprouve surtout un sentiment d'imposture comme si ce prix n'était absolument pas mérité. (Remarquez bien que je l'empoche quand même, mais avec des scrupules!)

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    1. Mon cher Dau,
      oubliez vos scrupules, ce prix est absolument mérité!
      Très cordialement, votre lectrice,
      Sara

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