"Le charme de chacune consistait en une sorte de métamorphose des choses représentées analogue à celle qu’en poésie on nomme métaphore, et que si Dieu le père avait créer les choses en les nommant, c’est en leur ôtant leur nom, ou en leur en donnant un autre qu’Elstir les recréait."
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.
L’œillet, c’est fini ! Et dire que c’était le parfum de votre premier amour si vous êtes en âge d’avoir connu l’époque où, avant Anaïs-Anaïs, l’Air du Temps était le parfum, passage quasi obligé, de toutes les jeunes filles. Hélas, restrictions obligent, nous n’aurons plus d’œillet. Pourtant, beaucoup se sont lancés dans la course au leurre. Des épices et des notes florales plus ou moins joliment mariées, ça devrait faire l’affaire. Aedes de Venustas a ainsi sorti un beau parfum, même si on se dit finalement que cette fleur qu’on nous offre est en tissus et non une vraie fleur. Serge Lutens avec son Vitriol d’œillet a par contre largement échoué en dépit des tentatives de ses vendeuses, toujours un peu susceptibles, de nous faire croire qu’il s’agit d’un œillet très énervé : son parfum n’est rien d’autre que des grains de poivre répandus sur une savonnette aux fleurs passablement vieillotte. (J’aurais aimé la savonnette si le poivre m’avait été épargné et si l’œillet n’avait pas été invoqué en vain.)
infusion d’œillet, Prada |
Aussi, en amoureux de l’Infusion d’Iris, j’ai été intrigué, curieux et passablement dévoré par la convoitise à l’idée d’une Infusion d’œillet signée par Daniela Roche-Andrier pour Prada. Et je n’ai pas été déçu ! Au lieu de nous proposer un leurre, une imitation un peu boiteuse de la réalité, Ce qui nous est offert, c’est une impression d’œillet, un rendu des sensations, des odeurs de l’œillet à travers une vision d’artiste. Prada interprète et ne reconstitue pas. Exactement comme on ne voit pas la cathédrale de Rouen dans les tableaux de Monnet tout en la reconnaissant. Tout est là, éclaté, vu à travers le prime d’une sensibilité : les notes épicée, la sensation florale, un peu rose, un peu violette par instant, et l’infusion, cette sensation très propre mais pas que, tactile, à laquelle nous habitué l’iris, cette fois un peu tirée vers le crémeux au sens gustatif du terme.
Si l’Iris est une chambre claire et blanche sur le lit de laquelle traîne la chemise portée de celui ou celle qui est dans la salle de bain voisine par une lumineuse journée d’été, l’Œillet est un tout autre décor, un tout autre moment. Le jour tombe dans un appartement de la fin du XIXème siècle à décor orientalisant, la lumière déclinante est tamisée, filtrée par les rideaux, sur une ottomane une robe de chambre exhale les odeurs laissée par l’absent, dans les vases des bouquets de fleurs mourantes lancent leur derniers parfums. Comme l’Infusion d’Iris, L’Infusion d’Œillet est une intimité qui se laisse découvrir, des histoires qui se racontent peu à peu et se livrent avec le même savant jeu de cache-cache.
J'aime beaucoup porter ce parfum dans lequel je retrouve des sensations classiques, l'impression de bouquet fraîchement cueilli de l'Air du Temps mais sans la sensation de brushing ou le cosmétique de Bellodgia, mais sans me sentir un ancêtre, parce que tout est franchement moderne. On n'est ni dans la citation, ni dans la parodie. On sent simplement que la parfumeuse maîtrise son sujet, connaît ses classiques et s'en sert comme base pour bâtir quelque chose de contemporain. On est bien dans le domaine des Infusions, il y a beaucoup de subtilité dans le comportement de ce parfum qui sait se faire oublier alors qu'il tient bien et une espèce de distance par rapport au sujet: "je sais que je suis un œillet, mais je sais aussi que je n'en suis pas un." Pas dupe pour deux sous, un beau parfum complexe et changeant qui va bien au-delà de la réinterprétation du soliflore mais le fait avec ce charme et cette élégance qui consiste à se laisser découvrir peu à peu. Parfois, je peux être moderne finalement, il suffit que ce soit beau.
J'aime beaucoup porter ce parfum dans lequel je retrouve des sensations classiques, l'impression de bouquet fraîchement cueilli de l'Air du Temps mais sans la sensation de brushing ou le cosmétique de Bellodgia, mais sans me sentir un ancêtre, parce que tout est franchement moderne. On n'est ni dans la citation, ni dans la parodie. On sent simplement que la parfumeuse maîtrise son sujet, connaît ses classiques et s'en sert comme base pour bâtir quelque chose de contemporain. On est bien dans le domaine des Infusions, il y a beaucoup de subtilité dans le comportement de ce parfum qui sait se faire oublier alors qu'il tient bien et une espèce de distance par rapport au sujet: "je sais que je suis un œillet, mais je sais aussi que je n'en suis pas un." Pas dupe pour deux sous, un beau parfum complexe et changeant qui va bien au-delà de la réinterprétation du soliflore mais le fait avec ce charme et cette élégance qui consiste à se laisser découvrir peu à peu. Parfois, je peux être moderne finalement, il suffit que ce soit beau.
Infusion d’œillet, Daniela Roche-Andrier pour Prada, 2015.
Ma curiosité est plus qu'éveillée...Très belle page...
RépondreSupprimerJ'ai hâte de le tester!
RépondreSupprimerA très bientôt!
Sara
Pour le tester, j'ai dû aller à Paris... Mais j'espère qu'il sera bientôt disponible partout!
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