capeline de rigueur

"Tout d’un coup, sur le sable de l’allée, tardive, alentie et luxuriante comme la plus belle fleur et qui ne s’ouvrirait qu’à midi, Mme Swann apparaissait épanouissant autour d’elle une toilette toujours différente mais que je me rappelle surtout mauve ; puis elle hissait et déployait sur un long pédoncule, au moment de sa plus complète irradiation , le pavillon de soie d’une large ombrelle de la même nuance que l’effeuillaison des pétales de sa robe."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.

L’Eau de Merzhin gambadait en toute innocence nue dans la rosée du matin. L’Eau Scandaleuse ne portait que de longs gants de cuir pour mettre en valeur l’indécence de sa chair de fleur blanche. Bois Lumière s’empressait de quitter son slip pour nous montrer son bronzage intégral. L’édition limitée « En mai, fait ce qu’il te plaît » surprend tant elle est habillée… On sait le jeune créateur amateur de choses classiques et n’hésitant pas à jouer de certains effets anciens comme une belle des années ’20 qui aurait refusé de dissimuler ses beaux seins en sacrifiant trop à la mode du jour pour ne pas se priver de ses atouts. Ici, l’effet rétro est particulièrement appuyé.

En Mai… est un gros bouquet à l’ancienne dominé par le lilas et le muguet ou perce une jacinthe qui lui donne un peu de sa verdeur, de sa fraîcheur, et de sa raideur, un gros bouquet rétro et un peu poudré qui évoque les filles fleurs de la Belle Époque, la décade mauve, dans leur décor de Art Nouveau, couvertes de dentelles et de mousselines, portant de vastes chapeaux plus fleuris que les serres royales de Laeken. Anatole Lebreton fait son coming out et se révèle lecteur assidu de Delly et Barbara Cartland, spectateur énamouré de la My Fair Lady. C’est joli, romantique, et un peu passéistes ; un petit plaisir de saison, une envie d’un moment, ce moment où on éprouve le besoin de créer autour de soi une ambiance végétale qui tienne l’humanité à distance. Glycine, capeline et roman à l’eau de rose de rigueur. 

En mai, fais ce qu’il te plaît, Anatole Lebreton, 2015.

NB: Anatole Lebreton a enfin lancé son site, la vente en ligne devrait suivre. (Et je suis très fier: il m'a demandé pour utiliser les photos que j'avais faites.)

Commentaires

  1. Magnifique, merci !

    Eckbo

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  2. C'est bien joli, ce que tu as écrit sur ce parfum ...
    Un parfum venu du passé (et surtout de l'excellente connaissance qu'Anatole a des parfums anciens), certes. Le propos est léger, printannier comme l'annonce le nom. Mais ce bouquet n'a rien de mièvre, comme toujours avec les parfums d'Anatole il y a une richesse de matière, une densité, assez incroyables. Il me fait penser aux robes à 3 jupons portées autrefois. Ces 3 jupes superposées avaient des noms : la discrète, la friponne et la secrète. La discrète était celle qui cachait les autres, qui ne se dévoilaient que dans un jeu de lenteur et d'attente ...

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