je suis snob

"Le snobisme est une maladie grave de l’âme, mais localisée et qui ne la gâte pas tout entière."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, la prisonnière, 1923

La question du snobisme est récurrente dans le petit monde des perfumistas. Chaque chapelle fustigeant le snobisme des autres. Le simple fait de se parfumer étant un acte snob en soi puisque, dans le fond, parfaitement gratuit et inutile. Un flacon dans la salle de bain, comme touche finale, serait assez pour beaucoup, passerait pour une forme de politesse. Mais l'ériger en art de vivre, considérer que Nous portons des œuvres, oui, pour la plupart des gens, c'est bel et bien du snobisme.  

Voilà qui aide à relativiser le snobisme que nous voyons chez les autres et rarement chez nous. Personnellement, je m'effare assez régulièrement de constater que certain dans leur quête du beau ne porte que de la niche de moins de dix ans. Je trouve que c'est assez snob. Et eux regardent de haut mes classiques et vintages dans lesquels ils ne voient que snobisme alors que je n’y vois que des choses certes anciennes mais belles. Porter un un Parfum d’Empire ne me semble pas moins snob, personnellement. Quant au mainstream, il est justement décrié, mais on y trouve de fort jolies choses et les bouder me semble du plus haut ridicule, surtout lorsqu’on en arrive à payer plus pour quelque chose de moins joli.

Trouver l’autre snob, c’est parfois du mépris pour son goût qui ne serait pas amour du vrai beau mais effet de mode et de prétention. Mais c’est souvent lié à un sentiment d’insécurité. On se sent menacé par le goût de l’autre, on se voit rejeté d’emblée, et on crie au snobisme pour se défendre. Dans le fond, on trouve vite l'autre snob par crainte de son mépris.

Et parfois, on s’enferme dans sa chapelle en oubliant d’aller voir ailleurs, en ne jurant que par X ou Y en oubliant tout le reste et en passant à côté de choses pourtant belle parce qu’on devient plus que snob, sectaire. Je ne suis pas persuadé d’être toujours à l’écoute de la nouveauté, prêt à me laisser séduire par un territoire inconnu. Pas tellement par snobisme, mais parce que je suis casanier, qu’il me plaît de moins en moins de sortir de ma zone de confort située quelque part entre un vintage Miss Dior et la boutique Goutal la plus proche, mais j’essaye quand même de sortir de ma bulle de temps en temps. De temps en temps, je me dis d’essayer, de ne pas être snob.

Même si, dans le fond, je le suis probablement, parce que j’aime le Beau et que la médiocrité m’ennuie. Donc oui, parfois, trop souvent à mon goût, il m’arrive de pincer les lèvres et de regarder d’en haut parce que, vraiment, "ce truc dans le bus, c’est pas possible…" J’avoue. 

Mais vous, vous ne faites vraiment jamais la moue ?

Commentaires

  1. Bien sûr que oui, une moue et trop souvent! des bouffées de petite robe noire, la vie est belle, et tant d'autres, on a toutes les raisons de froncer le nez.
    Analyse pertinente! Snob et presque sectaire, tant que l'on s'interroge, ce n'est pas un péché...même si au final, on assume.

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    1. Déjà, je crois que nous sommes lucides et que nous nous rendons compte que tout cela n'est que du parfum, heureusement. Mais avec la moue, parce que quand même, c'est du parfum quoi!
      ;-)

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  2. Bonjour Dau

    Le snobisme...

    Vaste question toute relative suivant les individus. Moi par exemple, je passe pour une"horrible" snobinarde auprès de mes collègues de travail (mais le niveau ne vole pas haut là où je travaille), parce que je porte des parfums que personne ne connaît... Je suis quand même contente parce qu'ils remarquent que je sens "différent" et certains disent même "tu sens très bon". Mais en dehors de Dior-Chanel-Lancôme" et "Séphonocirionnaud", ils connaissent pas. Y en a même une qui m'a dit "c'est encore un de des trucs introuvables qui coûte la peau du c...", et c'était Bottega Veneta; je lui ai répondu "ben non, tu le trouve à "Séphonocirionnaud", et pour moins cher encore que" Miss Dior Portman". En fait, je me suis rendue compte qu'en dehors des mastodontes, ça leur viendrait même pas à l'idée de chercher, même dans les grandes enseignes.Tout simplement parce que cela ne les intéressent pas, que le parfum n'est qu'un accessoire, pas un art de vivre et qu'ils ou plutôt elles préfèrent mettre leur argent dans une overdose de chaussures, de fringues ou dans le smartphone dernier cri.

    Ensuite, le prix. Ils s'imaginent que je passe mon temps en futilités à chercher des parfums dont personne ne parlent, et surtout que je dépense tout mon argent là-dedans. Je leur explique qu'un flacon de 100ml d'Annick Goutal ou de l'Artisan parfumeur ne coûte pas plus cher qu'un flacon de daube de Christian Dior ou de Lancôme. Seulement, dans ces flacons, il y a vraiment de belles matières premières, on paye pour un résultat magnifique, pas pour compenser des campagnes de pubs télévisuels avec des égéries rémunérées avec des chèques à 6 zéros...

    J'ai quand même eu la satisfaction de voir une collègue venir me voir pour me demander conseil sur un parfum à base de rose. Je l'ai envoyée chez Séphonocirionnaud" (je sais, ils n'ont pas besoin d'argent, mais j'allais pas non plus perturber ma collègue en l'envoyant dans des coins obscurs de Paris), je lui ai dit "Va directement aux Serge Lutens et sens Sa Majesté la rose et la Fille de Berlin". Elle a craqué sur la Fille de Berlin, moi je n'aime pas mais je reconnais qu'il lui va très très bien et qu'il correspond bien à sa personnalité. Elle est très contente et n'arrête pas de me remercier. Et j'ai la satisfaction d'avoir fait entrer quelques grammes de délicatesse dans cet environnement neurasthénique.

    De mon point de vue, qu'est-ce que je trouve snob ? Les flacons de niche à plus de 200€. Et qui sont autant interchangeables que les parfums mainstream (je repense à un billet sur "Au Parfum"). Je trouve hallucinant de mettre 450€ dans 50 ml de l'Incendiaire ou des les Francis Kurdjian ou les Killian, et y en a beaucoup d'autres comme ça : franchement, vous en avait senti un, vous en avez senti 10.

    Par contre, j'admire le travail remarquable qui est fait autour des reformulation des vieux Patou par exemple; j'aimerai avoir les moyens de m'offrir un flacon de Chaldée, de Vacances ou de Colony. Malheureusement, contrairement à ce que pensent mes collègues, je reste raisonnable, il faut bien que je nourrisse ma petite famille et que je me garde des sous pour mon thé et mes livres. Mais même cela, ils doivent trouver que c'est "hallucinant et contre nature".
    Bien à vous
    Cécile

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    1. Nous sommes d'accord sur tout et surtout à propos des "vieux" Patou." J'en discutais encore l'autre jour avec des amis et on comprends pas ce positionnement "luxe" absurde. Parce que, non, ça vaut pas ce prix-là, il m'arrive de le réaliser lors de mes (rares) crises de lucidité. ça me choque surtout pour l'Eau qui était un parfum pas très cher dans ma jeunesse (et plus joli que la version actuelle!) qu'il est encore facile de trouer en vintage à un prix plus raisonnable que la réédition. J'ai quelques parfums "hors de prix" mais aucun regret parce qu'ils ont été bien choisi, comme mon Amouage Gold que je trouve magnifique et qui en plus à une diffusion et une tenue d'enfer. (Plus d'une journée sur vêtement.) Je me dis que comme ça, ça va. (J'excuse mes petites folies comme je peux.) Mais je ne trouve pas ça forcément snob, je me dis qu'il y a des gens qui ont les moyens, tant mieux pour eux. Par contre, je trouve souvent ça sans goût et je vois pas l'intérêt mis à part le flacon bling bling...

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