« Le froid qui avait déjà paru deux ou trois fois pour quelques jours, et puis qui était reparti, semblait cette fois s’être définitivement installé. »
Marcel Proust, Jean Santeuil, 1952.
I. l'hiver en aldéhydes
L’hiver est là. Le temps du froid et de l’humidité, deux
choses que je déteste. Mais l’hiver se rattrape par certains jours clairs qui
offrent une si belle lumière froide, bleutée, cette lumière qui fait scintiller
la neige, crée des ombres violette. Pour cette lumière, moi qui n’aime que les
teintes froides, je pardonne à l’hiver, d’autant que sans lui il n’y aurait
point de printemps. Et puis, les parfums se comportent différemment aussi.
C’est le moment d’en profiter autrement ou de profiter d’autres.
Pas de chaleur pour moi à cette saison, pas de
réchauffements orientaux, pour le confort et la douceur, ma crème pour peau
intolérante d’Avène me suffit, ce que je veux, c’est de la lumière, de l’éclat,
du scintillement, en d’autres mots : des aldéhydes ! Pas ceux,
classiques et solaires d’un N°5, beaucoup plus jolis sous le franc soleil de
l’été. Je peux comprendre qu’on aime, qu’on soit fidèle, mais il me semble que
ça ne fonctionne pas aussi bien. Beaucoup plus en phase, pour ceux qui veulent
resté fidèles à la rue Cambon, est le N°22 qui livre une version plus platine
que dorée du thème, un peu plus raide, un peu plus altier. (Il faut dire que le
lifting sauvage ne l’a pas défiguré, contrairement à l’autre, voilà qui joue
peut-être !)
Estée Lauder a peut-être conçu White Linen pour évoquer le
linge qui sèche par une belle journée estivale, mais c’est en hiver qu’il donne
le meilleur de lui-même, ses aldéhydes métalliques ont cet éclat éblouissant
d’un blanc soleil jouant sur la neige. Son chic rétro, un peu provincial (femme
de notaire ?) fait merveille sur les jeunes (et moins jeunes) gens
modernes. Strict, il pourrait presqu’être austère s’il n’était pas aussi
souriant.
Plus compact, Melograno de Santa Maria Novella est un gros savon qui se consomme à volonté. C’est tout le chic simple de la propreté, rien de plus, mais rien de moins. J’aime beaucoup le retrouver quand je n’ai pas envie de me prendre la tête, quand je veux faire place nette, me mettre l’âme au repos. Un grand nettoyage de l’esprit en quelque sorte.
Plus compact, Melograno de Santa Maria Novella est un gros savon qui se consomme à volonté. C’est tout le chic simple de la propreté, rien de plus, mais rien de moins. J’aime beaucoup le retrouver quand je n’ai pas envie de me prendre la tête, quand je veux faire place nette, me mettre l’âme au repos. Un grand nettoyage de l’esprit en quelque sorte.
Véga de Guerlain était également très beau, métallique, mais
adouci par son fond de bois crémeux, il était un peu plus confortable, un peu
plus soir aussi. Et très moderne, malgré son âge. Parce que les aldéhydes, moi,
je trouve ça moderne, abstrait, un peu inhumain, avec une vivacité qui va bien
avec une époque de machines, une époque digitale, bien plus que les trucs
régressifs qui sentent le bonbon (je n’ai jamais aimé être pris pour un enfant
et je trouve les vieilles petites filles ridicules) et bien plus que les
sempiternelle variations sur une jolie fleur qu’on nous sert régulièrement. (Ça
marche aussi avec les bois, les épices, les baumes, vous avez saisi l’idée.)
Dans le genre moderne, j’aime particulièrement Calandre,
Paco Rabanne, ses aldéhydes froids, sa rose verte et cinglante, un parfum pour
se tenir droit, prendre les choses de haut et jeter des défis. Svelte et
couture, son seul défaut est d’être élégant dans une époque qui vénère ce qui
est « sexy et classe. » (Traduction : les looks de pouffes qui
coûtent visiblement cher. Ce qui ne se voit pas sert à quoi ?)
Et pour le soir, le grand soir, il y a Amouage Gold, un
parfum somme, qui joue sur tous les registres des classiques, par moment épicé,
puis fleuri, oriental… Un parfum qui peut faire très fourrure, très habillé. Et
qui se révèle donc parfait en journée avec un bon vieux jeans et un bon gros
pull. Sa façon d’envoyer du lourd dans le genre « signe extérieurs de
richesse » réclame du décalage pour ne pas faire « pauvreté
intérieure. »
(à suivre)
Bonjour Dau,
RépondreSupprimerJe suis une grande amoureuse de la lumière des journées de froid sec ensoleillées. Est-ce parce que j'ai fait toutes mes études à Montpellier et que le Mistral et la Tramontagne dégage souvent le ciel là-bas de ses nuages bas et lourds d'hiver ? A Paris, quand les ciels bouchés rendent la ville déprimante, sale et grise, elles habillent d'un seul coup d'un seul les monuments et les quais de Seine de lumières, beaucoup mieux que les illuminations de Noël sur les Champs-Elysées, et tout paraît comme un coup de baguette magique en relief.
Quand aux odeurs, vous avez tout à fait raison, Calandre en hiver dans cette lumière, c'est une splendeur. Moi qui me cache à cette période dans mes jeans et mes gros pulls informes, j'ai l'impression d'avoir mis un pantalon-tailleur de chez Saint-Laurent !
Sauf qu'aujourd'hui, le ciel pèse comme un couvercle, je suis cloîtrée chez moi à cause d'une méga bronchite etque j'ai la gueule de bois après ce qui s'est passé à Charlie Hebdo : je me réfugie dans les bras et les épices de Tea for Two de l'Artisan Parfumeur...
Bien à vous
Bonjour Dau, Bonjour Ambre Rouge,
RépondreSupprimerSi vous aimez les journées d'hiver ensoleillées et très froides il faut nous rendre visite à Madrid où la pluie n'apparaît que de temps à autre l'hiver. En ce qui concerne Charlie Hebdo, je n'arrive pas à surmonter la tristesse et la rage. Je vous lis tous les deux et je vous suis, j'attends donc la deuxième partie de l'article pour faire des commentaires, entre temps je teste à nouveau les aldéhydes.
Très cordialement,
Sara
Merci Sara pour votre témoignage, il me touche beaucoup.
SupprimerJe me suis toujours dit que j'étais faite pour vivre en Espagne. Dans le sud de la France, ce sont les habitants qui m'insupportent. J'ai fait plusieurs séjour en Espagne, dont un il y a longtemps pour aller rendre visite à des copains de fac qui étaient à Barcelone dans le cadre du programme Erasmus, et un long périple en voiture en Andalousie. Il y a une qualité de vie chez vous que j'ai rarement rencontrée ailleurs !
Il n'est pas encore trop tard, permettez-moi de vous souhaiter Sara une très très très bonne année, à vous et à vos proches, comme dit Dau, le "meilleur pour vous" !
Bien à vous
Cécile
Pour ce qui est de Charlie Hebdo, je suis sous le choc également. J'ai failli annuler la publication prévue mais je me suis dit qu'il fallait que la vie continue pour ne pas perdre la bataille. Pas de courage, pas d'envie, mais une volonté de continuer, même un blog très futile, parce qu'il ne faut pas baisser les bras, pas faire la moindre concession, ne rien lâcher. Même si la grimace est difficile, il faut parfois la faire et trouver le courage d'opposer à ceux que nous ne voyons pas mais qui nous observent, un sourire qui leur dit qu'ils n'ont pas gagné. L'amertume, la tristesse n'en sont pas moins là, mais je ne veux pas pleurer devant eux, pas me montrer faible ou abattu.
RépondreSupprimerBonjour Dau,
SupprimerVous avez bien fait d'avoir publié : votre blog n'est pas aussi futile que vous le pensez. Pour ce genre d'individus, parler de parfum ou de parure peut devenir un acte politique : comment ose-t'on se parfumer, se maquiller, prendre soin de son corps ? N'est-ce pas un pêché d'orgueil ? Une preuve de luxure ? La dictature de la pensée unique peut amener à ce genre d'extrémité: pourquoi les femmes disparaissent sous des burkas en Afghanistan ? J'ai grandi avec les dessins de Cabu (élevée à Récré A2 et au grand Duduche), mes parents avaient des albums de Wolinski parce que c'est la même génération post soixante-huitarde. C'étaient parmi les gars les plus gentils de la terre, même s'ils étaient un peu enfants terribles et pas toujours subtils... Et si se parfumer et sentir bon est un acte politique, alors je rentre en rébellion !