« un beau livre est particulier, imprévisible, et n’est pas fait de la somme de tous les chefs-d’œuvre précédent mais de quelque chose que s’être parfaitement assimilé cette somme ne suffit nullement à faire trouver car c’est justement en dehors d’elle. »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l’ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.
Amouage Gold, eau de parfum et parfum solide |
Certains parfums ont tout pour faire peur. Gold date de 1983, époque parfois un peu difficile, est issu d’une marque moyenne orientale, omanaise plus exactement, voulait rendre hommage à la tradition de la parfumerie arabe et à son luxe, consigne ayant été donnée à Guy Robert de ne pas regarder à la dépense. Il y a de quoi craindre. Mais enfin, Guy Robert, ce n’est pas n’importe qui, Calèche et Madame Rochas, n’est-ce pas ?, et si le sultanat d’Oman a fait appel à lui, ce n’était pas non plus pour tomber dans un orientalisme de bazar pour touristes ignares. De fait, Gold est tout sauf une kitscherie tape à l’œil : Guy Robert a repris un schéma ultra classique, le fleuri aldéhydé, et a proposé une synthèse de la belle parfumerie du XXème siècle.
Amouage Gold s’ouvre sur des aldéhydes poudreux et un bouquet classique. On pense à Madame Rochas, c’est soyeux, lisse et bourgeois, un chic impeccable, et soudain, l’encens fait son apparition, assombrit le parfum et l’entraîne tout doucement du côté de l’orient, un orient poudré, irisé, un semi-orient ou j’ai eu l’impression, un bref instant, de croiser Opium. Parallèlement montent des notes animale et c’est là qu’on retrouve Calèche, dans le fond, ces « dessous de femme qui se néglige » disait M. Robert. C’est discret, subtil, mais la sensualité, l’odeur du corps et de la chair est bien présente, même si elle est voilée d’élégance. (Si c’est cette note qui vous intéresse, allez voir du côté de la version masculine ou elle est beaucoup plus présente, faisant de celle-ci un parfum qui selon nos habituel repère européo-centré paraît beaucoup plus féminin, beaucoup plus femme fatale.)
Gold est incroyablement harmonieux et parfaitement soudé, sa richesse n’égrène pas sèchement les notes comme le ferait un parfum moderne. Le parfum est un parfum fourrure, un parfum riche, mais ni tapis rouge, ni bling, ni robe de bal. Son élégance et son autorité sont celle des altesses royales qui n’ont pas besoin de se faire remarquer, qui n’ont pas besoin d’exiger : ses désirs sont des ordres. Gold ignore la mode et les modes, il est, depuis sa création hors du temps, paraissant beaucoup plus ancien qu’il ne l’est vraiment, et intensément classique.
Gold semblait fait pour moi. D’où vient que je lui ai si longtemps résisté ? Probablement parce qu’il semblait trop fait pour moi, trop sur mesure, taillé pour mes goûts. Un blocage. Aujourd’hui, je me drape dans ses effluves comme dans un vison. Et vous connaissez mon opinion sur le vison imaginaire, on a toujours besoin d’en avoir un à portée de main, qui traîne quelque part, à ramasser négligemment et à jeter par dessus son épaule avant de quitter la pièce, tête haute, dos droit, allure digne. Amouage Gold est confortable et, ni à la mode, ni politiquement correct, il fait toujours son petit effet. Contrairement à ce qu’on pourrait penser, c’est un parfum incroyablement facile à porter. Bien sûr, les timides, les jeunes espoirs, devront s’abstenir, mais avec un peu de confiance en soi, il accompagne parfaitement le quotidien de ceux et de celles qui laissent les fantasmes de tapis rouges aux greluches sans cervelles.
Gold, Guy Robert pour Amouage, 1983.
(JulienFromDijon)
RépondreSupprimerL'extrait vaut le coup pour Jubilation 25.
Je n'ai qu'un peu de Diorissimo extrait et Diorella extrait vintage, mais tu as le ton.
L'ylang-ylang prend toute la place des notes de tête, et surtout après le coeur est un iris puissant à la tenu énorme. C'est une grosse note argentée.
Je dois encore me repencher dessus. Pour nouvelle piste je dois deviner s'il y a un narcisse vert-blanc, non listé, qui guide toute l'évolution, et un ambregris blanc dans le fond, le fond sans fond. (plutôt que les tonalité soit santal, soit tonka, soit patchouli auxquels les parfums nous ont habitué).
L'EDP m'a toujours paru trop compliquée, il raconte plusieurs messages sans en adopter aucun, avec pour carrefour central un accord de meringue crissante, je trouve. Il très joli à sentir et étudier, à sa façon d'être entre femme de rochas et diorella. Et puis chaque cuvée subi les variations des matières premières, des fois la rose a le dessus, des fois l'ylang.