Car l'Aristocratie est une chose relative.
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, à l'ombre des jeunes filles en fleurs, 1919.
Revisiter
les années ’80 revient souvent à une évocation de tailleurs beiges pour Armani,
noir pour Mugler, et en cuir bleu Goldorak pour Montana, en oubliant que la décennie
a débuté par un mariage royal, celui de lady Di et du prince Charles qui fit
rêver dans les chaumières ou les romantiques n’ont jamais baissé les bras. Face
à celles qui coinçait des épaulettes sous leur brides de soutien-gorge pour une
carrure toujours plus large, elles accumulaient les volants sur leur
chemisiers, mettaient des bas en dentelles et soupiraient devant la collection
pirates de Vivienne Westwood et le baroque façon Christian Lacroix. À la Sainte
Trinité parfumée de l’époque Opium-Poison-Coco, elles ont opposé un temps
Azzaro 9, parfum qui à sa sortie connu son heure de gloire…
À l’époque,
il pouvait paraître classique, grand bouquet floral romantique, et jouait un
peu sur les codes visuels de l’Air du Temps dont il ambitionnait peut-être de
prendre la place comme favori des jeunes femmes rêveuses, mais aujourd’hui, il
parait bien daté, marqué par son époque, ce qui n’est pas sans lui donner un
certain charme…
Le départ
est assez typique, jouant les aldéhydes en sourdine et misant sur des notes
fruitées, un peu sucrées (non, jeune fille, cette invention n’est pas du jour
contrairement à ce que vous croyez !) misant sur un accord d’ananas à
peine acide et de mandarine. C’est fusant, lumineux, joyeux. Ce départ rappelle
un peu celui de Giorgio qui triomphait aux USA mais n’avais pas encore traversé
l’Atlantique autrement que sous forme de rumeur excitée par cette nouveauté qu’on
disait tellement sensationnelle.
Ensuite,
les fleurs, la grosse brassée, opulente, un peu surchargée : tubéreuse,
jasmin, Ylang, adoucies par le mimosa et rafraichies par la jacinthe et les
feuilles de violette. C’est complexe et en dépit des prétentions romantiques de
la marque, très imposant. Avec un incontestable côté savonneux. Plus dame que
jeune fille. Sage, certes, on n’y trouve aucune excentricité, mais imposant sa
présence avec un certain aplomb. Il faut dire que l’époque était aux hurleurs
et avait le respect des classiques. Le N°5, loin d’être vu comme parfum de
vieille, pour reprendre une expression actuelle, était l’objet d’un regain de
passion, d’un nouvel engouement.
Azzaro 9
sent le chic bourgeois, il s’impose, impose sa tubéreuse, mais calmement, sans
agressivité, ce n’est pas celle de Poison. Plutôt un chainon manquant entre
celle de Guerlain, Jardin de Bagatelle, un peu piaillante, criarde, et celle de
Passion, Annick Goutal, franchement rétro et savonneuse. Je le redécouvre avec
plaisir, prenant plaisir à me replonger dans cette époque que j’ai connue. Ça
ne suffit pas pour faire d’Azzaro 9 un classique, un incontournable, il fait partie
de ces choses qu’on apprécie par amour de l’ancien, des époques révolues. Comme
on s’écouterait Like a virgin ou s’éclaterait
devant un vieil épisode de Dynasty. Il me semble joli parce qu'il était bien fait selon les critère d'une époque pour laquelle j'ai de la tendresse, je le porte avec plaisir, mais, sans nostalgie, son aspect démodé témoigne contre lui et je dois admettre qu'il me plait surtout par résistance aux modes actuelles.
Azzaro 9,
Azzaro, 1984.
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