Il est caché hors de son domaine et de sa portée en quelque objet matériel que nous ne soupçonnons pas.
Marcel
Proust, à la recherche du temps perdu, du côté de chez Swann, 1913
Lorsque les
blogueurs et Guerlain se sont mis à table pour sentir d’anciens parfums
fraîchement repesés (billet ICI), une large part était faite aux parfums de la belle époque,
cette période heureuse de l’avant-guerre qu’on associe généralement à deux
parfums seulement, les deux survivants : l’Heure Bleue et Jicky. Tous n’étaient
probablement pas des chefs-d’œuvre, la plupart ne rencontreraient pas le succès
s’ils étaient relancés aujourd’hui, notamment ceux qui doivent avoir été les
plus typiques, ceux qui doivent le plus avoir été à la mode, tant ils semblent
avoir un petit quelque chose en commun.
Les mots
qui nous venaient à l’esprit étaient « cosmétiques, crémeux. »
Quelque chose de floral, tournant autour du lilas, quelque chose de doux et d’étrangement
familier. Et finalement en sentant le Muguet de 1908, l’évidence s’est imposée
à nous : Nivea. L’odeur, si caractéristique de la crème à la boite bleue
qui est née à la même époque. (1911, Mais dans une boîte jaune à ce moment !)
La crème dont la formule et le parfum n’ont quasi pas changé parce que les gens
l’aiment ainsi, lui font confiance ainsi, même s’il y a eu mieux depuis.
Le fait qu’un
produit courant reprenne les notes des parfums à la mode n’est pas une
surprise, c’est pratique courante, simplement, je n’avais jamais pensé à l’odeur
de la Nivea pour évoquer les parfums de ces années-là. Au passage, on fait un
sort à la petite phrase de Chanel prétendant qu’avant elle les femmes sentait
le parterre de roses : les parfums étaient déjà plus complexes et plus
abstraits qu’elle ne s’est plu à le dire, adorant jouer à celle qui a tout
inventé. Et les femmes sentaient déjà le propre.
C’est le
même phénomène que la laque Elnett, née en 1960 qui sent bon les aldéhydes. Et
qui n’a pas changé depuis, au point qu’on trouve parfois que les aldéhydes
sentent la laque ! J’aime ces petits bouts de passé qui se glissent dans
notre quotidien, traînent sur un rebord de lavabo, petits souvenirs oubliés et
qui nous sont chers parce qu’ils sont aussi nos madeleines à nous. Qui n’a pas
de souvenirs de la crème Nivea ? Petite parcelle de glamour moins banal qu’il
n’y parait… La prochaine fois que vous mettez de la Nivea, ayez une pensée pour Émilienne d’Alençon ou Liane de Pougy, après tout, vous leur ressembler peut-être plus que vous ne croyez.
Et maintenant... c'est les lessives qui se mettent à sentir les bois-qui-piquent. HORREUR !!!
RépondreSupprimerle bois kipik est partout! PARTOUT!
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