facilité

"c'est bien cette facilité que j'avais escomptée..."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.

La stratégie de Dior semble être la même pour Miss Dior que pour J’adore : faire de ces parfums une marque en soi à l’intérieur de la marque en multipliant l’offre de façon à ce que les "conseillères beautés" puissent vous dire sans vous mentir qu’il y a un Miss Dior pour chaque femme. En soi, ça permet de capitalisé l’investissement publicitaire, de rentabiliser Natalie Portman, mais ça égare aussi la consommatrice qui ne s’y retrouve plus depuis que Chérie n’est plus Chérie… Clairement, J’adore est destiné à la femme mure alors que Miss Dior, la petite garce usurpatrice, donc, pas l’ancienne, la vieille, celle qu’on cache, la pièce de musée qui encombre les étagères poussiéreuses qu’on ne montre pas, s’adresse à la clientèle plus jeune. Trop de parfums, trop différents rangés sous une même étiquette avec des reformulations qui viennent compliquer un peu le jeu….

Le nouvel opus, Blooming Bouquet sent plutôt bon la pivoine rosée sur fond de muscs blancs. Il rappelle des choses : un adoucisseur pour la lessive et un ancien parfum Yves Rocher, Pivoine, qui datait de 1981. Vous vous souvenez de cette époque ? On parlait de démocratisation du luxe, du parfum accessible pour chacun…. Pivoine était un petit plaisir quotidien, facilement accessible, peu cher qui permettait aux plus raisonnables de garder leur "beau parfum" pour les occasions spéciales.  

On pensait que le parfum allait devenir accessible pour chacun, que ce petit luxe quotidien, tout le monde ou presque pourrait se l’offrir. Aujourd’hui, c’est probablement un peu chose faite. Tout le monde n’a peut-être pas un flacon Dior ou Guerlain chez lui, mais ce n’est plus une extravagance. Hélas, il y a eu aussi un nivellement par le bas: Miss Dior ne s’est pas que démocratisée, elle est aussi devenue franchement commune et sent avec ce "bouquet" le produit utilitaire et commun. Certes, je ne déteste pas qu’il y ait sublimation de certaines odeurs du quotidien, mon amour des aldéhydes savonneux en témoigne, mais il me semble qu’ici RIEN ne soit sublimé. C’est la plate odeur du produit pour la lessive qui est rendue.


En soi, je peux comprendre qu’on ait envie de sentir le propre, que nos vêtements sentent le frais et la lessive. Mais enfin, pour y parvenir, je ne peux m’empêcher de remarquer que le meilleur moyen est de prendre une douche et de laver ses vêtements. Cette Miss m’agace car elle arbore tous les signes du luxe : flacon, communication et, surtout, prix, en sentant en fait très cheap. Pas que je vise particulièrement les matières, ça, on s’en fiche, plutôt la façon de les assembler très efficace, facile, mais absolument dépourvue de la moindre créativité, de la moindre poésie. Avant que Christian Dior entre dans la mode, sa famille vendait des engrais et même une eau de javel Dior, finalement, peut-être que cet adoucissant est un retour aux sources pour la maison de l’avenue Montaigne ? Drôle de vision du traditionnel "C'était mieux avant!"

Miss Dior Blooming Bouquet, François Demachy pour Christian Dior, 2014

Commentaires

  1. Mouhahaha! J'adore (sans jeu de mots) ce billet. Tu n'es jamais aussi bon que quand tu n'aimes pas :)

    RépondreSupprimer
  2. Ce qui est pire en plus c'est que Blooming Bouquet n'est pas nouveau, c'est une édition destinée à l'Asie qui existe depuis 2009 et qui cette fois est mise en avant en se faisant passer pour une nouveauté... Sinon le jus, comme tu dis, n'est pas mauvais en soi. Juste insignifiant. Nivelé par le bas. Mais sûrement oublié dans un an, quand Nathalie sera rentabilisée pour l'année ;)

    J.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. On peut l'oublier en moins d'un an à mon humble avis...

      Supprimer
  3. J'adore est pour moi un des symbole de la mondialisation : pour plaire à la planète entière, il ne faut pas qu'un cheveu dépasse, pas une aspérité, rien qui marque notre personnalité ou notre différence par rapport au voisin d'à côté, le nivellement par le bas, tellement aseptisé qu'il ne sent plus grand chose... Quant à Miss Dior "pétasse" (pour la différencier de l'originale, la seule, l'unique, Miss Dior "grande classe"), j'avoue ne pas bien comprendre la politique de la maison Dior : il y a tellement de flankers que bientôt les Sépharionauds vont être obligés d'ouvrir des succursales rien que pour les flankers.... Alors que moi, perfumista lambda anonyme du fin fond de sa banlieue parisienne ne demande qu'une chose à Dior, la résurrection du VRAI Miss Dior, de Diorella ou de Dioressence...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. C'est clair qu'avec J'Adore, on est dans le lisse de chez lisse. Personnellement, je ne l'ai jamais aimé et n'aurais jamais cru qu'il aurait un tel succès. La communication? Mais je la trouve si tape-à-l'oeil, si vulgaire. C'est vraiment l'incarnation du parfum nouveau riche: sans âme et sans goût.

      Supprimer
    2. D'ailleurs en parlant de campagne de publicité, j'ai appris une chose ahurissante en lisant un article : certaines consommatrices sont persuadées que Marilyn Monroe se parfumait à "J'adore".... Que l'on ne sache pas que le parfum de Marilyn Monroe était le N°5, c'est pas grave en soi; mais qu'on pense que "J'adore" existait au temps de Marilyn Monroe ou que Marilyn Monroe vient de disparaître, là je me dis qu'ils sont vraiment très fort ces publicitaires....

      Supprimer
  4. Les gens ne sont pas oisifs comme vous, à contempler les parfums ; les filles achètent un truc qui couvre leurs odeurs de menstruation, basiquement, avant d'affronter le RER, le travail harassant et mal payé, leur chef gras et libidineux, puis de rejoindre le soir le studio humide, les diverses émissions de TV-réalité (top chef, encule-moi aux caraïbes, échangeons nos culottes à la montagne, etc.), les antidépresseurs, et, enfin, les bras de morphée, jusqu'au lendemain.

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je ne suis pas oisive à contempler les parfums : premièrement, je fais aussi un boulot mal payé, je me tape des journées de 10 heures, j'ai affaire au public, qui n'appartient pas aux "people", mais qui sont des gens en difficultés qui n'ont pas souvent les moyens de prendre une douche quotidienne; mon chef n'est pas gras mais quand je vais dans son bureau, j'y vais en apnée; du coup comme je ne vis pas de mes rentes et que j'ai une famille à charge, je fais attention aux parfums que j'achète; je prends le temps de sentir humer comparer, chercher et je ne suis pas "oisive" devant une publicité avec Julia Roberts ou Natali Portman. Vivant en banlieue parisienne, j'affronte régulièrement le RER, où une petite jeune fille m'a dit un soir de boîte de sardine, où je portais Bandit, "qu'est-ce que vous sentez bon!". D'accord, je ne prends pas d'antidépresseurs et je lis le soir au lieu de regarder des émissions de télé-réalité... Bref, je suis loin d'appartenir aux "happy-few", mais cela ne m'empêche pas d'avoir une "éducation" (du moins je l'espère).

      Supprimer
    2. Tu as la force d'affronter le RER bondé tout en te parfumant de Bandit, tu ne t'arrêtes pas transie devant une photo de Julia Roberts ventant les mérites de Lancôme, tu prends ton courage à deux mains avant de pénétrer en apnée dans le bureau du supérieur, tu ne prends pas d'antidépresseurs et tu t'efforces de lire des essais au lieu de regarder "Encule moi encore aux Caraïbes" affalée devant la TSF. Et je t'admire. Mais toutes les filles ne sont pas comme ça, et elles vont s'emparer de Blooming Bouquet, c'est ainsi, on n'y peut rien.

      Supprimer
    3. Mettre un dixième de leur salaire dans un flacon de Blooming Bouquet pour couvrir des odeurs...j'ai un doute, le retour sur investissement est médiocre. Au delà de ces clichés, je suis heureuse de connaître des filles qui vivent de peu mais se lavent, fréquentent les médiathèques, trouvent de bons plans ciné et se payent même le luxe d'être intéressantes.
      Ambre Rouge, je vote aussi pour la résurrection du vrai Miss Dior
      Belle journée

      Supprimer
  5. Il pleut depuis ce matin, la journée n'est pas belle.

    Blooming Bouquet est ou sera certainement dans la grande distribution ; au lieu de valoir 100 €, il sera donc presque toujours à 80 € et même, plusieurs fois par an, à 75 et 70 €. C'est donc 3 fois moins cher que Carnal Flower – dont le prix ne bouge jamais, hélas ! Une smicarde exploitée et épuisée pourra se l'offrir sans trop de difficultés, lors de l'achat annuel du parfum (cela fait 6 €/mois), sans compter que la notion de retour sur investissement est quelque chose de trop abstrait. Les filles titulaires d'un RSA – et accomplissant au noir, pour subsister, quelques heures de travail peu gratifiant – devraient également succomber à Blooming Bouquet et trouver le budget nécessaire.

    RépondreSupprimer
  6. Pour commencer, non, comme cela a été dit les amateurs de parfum ne sont pas d'oisifs contemplatifs. Nous avons pour la plupart une vie, une vraie vie ou nous devons travailler pour pouvoir manger, ou nous prenons les transports en commun, ou nous affrontons le monde, les autres avec les même inconvénients que la plupart des gens... Si nous recherchons quelque chose d'un peu plus beau que Miss Dior blooming bouquet, ce n'est pas par snobisme, c'est pour enchanter un peu notre quotidien, comme n'importe qui d'autre. Simplement, nous préférons quelque chose de vraiment beau, de vraiment "rare" ce qui ne veut pas dire nécessairement cher, mais qui corresponde à nos goûts et ne nous donne pas comme ce "bouquet" l'impression de nous faire avoir, de donner tous nos pauvres sous durement gagnés pour quelque chose de médiocre. Souvent, comme tout le monde, d'ailleurs, nous rusons, attendons LA bonne affaire, celle de pouvoir céder à ce qui nous fait vraiment envie, nous fait vraiment plaisir.

    L'intérêt d'un blog, c'est de pouvoir parler au gens et justement de leur dire qu'il y a mieux que ce "bouquet" chétif qui sent l'adoucissant, qu'il ne faut pas ce contenter du premier truc venu, même s'il est vendu avec le ravissant visage de Melle Portman dans un visuel somptueux. Et si vous voulez parler argent et économie, très bien, faisons le: ma plus belle affaire à ce jour est un Miss Dior, le vrai, le beau, celui de 1947, que j'ai déniché en fouillant un peu et qui m'a coûté la modeste somme de 1€. En le portant, je me sens somptueusement riche, luxueusement splendide. Son charme est incroyable et de loin supérieur à celui de ses pauvres avatars dévoyés que la maison Dior met sur le marché régulièrement.

    Et sinon, oui, le soir, lorsque je rentre chez moi, je préfère lire à regarder la télé bien souvent. J'ai vécu longtemps sans télé, d'ailleurs.

    Et pour les collègues/chefs qui puent, je n'ai pas de solution, je crois qu'il n'y en a pas, hélas. Enfin, je ne dois pas rentrer dans leur bureau: je travaille dans un vaste openspace ou personne n'a de bureau ni de place fixe. Nous prenons notre PC portable dans notre casier et nous nous installons ou nous trouvons de la place. Question glamour, je pense qu'on peut facilement faire mieux, non?

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire