Un ange est passé…

"Car nous ne voyons pas notre propre aspect, nos propres âges, mais chacun, comme un miroir opposé, voyait celui de l’autre."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé ,1927.

Il y a peu, j’ai été replongé au cœur du sillage d’Angel. Suffocant, intrusif, désagréable à mon nez, rien ne change de ce côté-là, mais j’ai surtout été fort surpris de le trouver terriblement démodé. Daté et marqué par l’époque de son grand triomphe, cette époque bénie pour Mugler ou on le sentait à tous les coins de rue, certes, mais pas que...

 Vraiment démodé, dépassé. Comme une femme qui aurait vieilli mais sans renouveler sa garde-robe. D’autres ont aussi marqué cette époque, Flower by Kenzo, Hypnotic Poison, ou Lolita Lempicka, ils rappellent également des souvenirs, mais n’ont pas nécessairement ce côté démodé, ils me semblent tout à fait portables encore aujourd’hui.

Ça me fait un peu penser au cas Poison qui lui aussi à très mal vieilli alors que Coco est toujours aussi beau, bien qu’ils soient tous deux marqués par les années ’80, mais l’un est dépassé, là ou l’autre est juste un classique un peu rétro. Les femmes Poisons semblent avoir voulu figer l’heure de leur splendeur, alors que les femmes Coco se contentent de porter un parfum qu’elles aiment en l’adaptant au goût du jour : les tailleurs sont toujours noirs, mais les coupes ont changé, et les femmes ont appris à dépareiller le haut et le bas. Coco a bien vieilli, comme les femmes qui le portent, avec élégance, là ou Poison s’est figé dans son époque, avec ses épaulettes et son mascara bleu des mers du sud, faisant souvent passer celle qui le porte pour une vamp sur le retour ou une vieille petite fille…

Angel me parait suivre le même chemin que Poison et échapper au classique. Peut-être parce qu’il a été trop porté ? Peut-être parce qu’il manque de subtilité, affirmant haut et fort là ou d’autres ont l’élégance de s’insinuer ? Peut-être parce qu’il est trop radical ? Ou encore à cause de sa descendance, nombreuse, qui lui ressemble sans lui ressembler vraiment et le fait juste passer pour un ancêtre et pas pour une réaction contre l’air du temps ? Franchement, je ne sais pas, mais toujours est-il qu’il me parait inenvisageable à porter aujourd’hui. 


Angel,Olivier Cresp et Yves de Chiris pour Thierry Mugler, 1992.

Commentaires

  1. Bonsoir Dau,
    Je suppose que c’est une question de culture : les vendeuses de Thierry Mugler (chez Clarins, au moins en Espagne) essayent toujours de convaincre le public de porter Angel en leur disant de vaporiser le jus en l'air et de s'engouffrer sous la pluie "Angelisée" qui s'ensuit pour que le sillage soit adéquat sans être envahissant. Cela ne sert à rien, les madrilènes continuent depuis vingt-deux ans à se méfier. Chez Sephora les vendeuses qui préparent des « decants » s'excusent la plupart des fois et refusent de manier le produit en prétextant les maux de tête et la nausée. Angel n'a jamais fonctionné, les gens passent à côté et ne se décident pas à porter ce jus tout-puissant. Pourtant il y a bien des femmes (et quelques hommes) qui aiment beaucoup Coco (ceux qui aiment l'eau de toilette plus boisée et ceux qui aiment l'eau de parfum, plus voluptueuse, plus douce, un tout petit peu plus sucrée mais jamais vulgaire) et des jeunes filles (pas très nombreuses) qui portent Lolita Lempicka éponyme. Flower by Kenzo c'est déjà une autre histoire, c'est l'amour, les gens en raffolent.
    Amicalement,
    Sara

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    Réponses
    1. Les madrilènes ont bien raison de se méfier!
      Dans le fond, je plains un peu les vendeuses qui doivent vanter des choses qu'elles détestent (et avoir le nez dedans), mais en même temps, ça fait partie du job et il faut le faire aussi bien que le reste. Qui parmi nous aime son travail dans tous ses aspects? Nous sommes tous obligés de nous plier de bonne grâces à des tâches ingrates parfois. Vraiment, je trouve que la qualité du service en parfumerie baisse de plus en plus... Le produit n'est pas connu et la mauvaise grâce est de plus en plus évidente. Je sais que le métier est devenu plus difficile et la clientèle est probablement de moins en moins agréable, mais ce genre d'attitude ne fait que renforcer les mauvaises habitudes du public.

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    2. Bonjour Dau,
      Le problème à Madrid c'est que les vendeuses (sauf exceptions) sont des filles très jeunes, parfois des garçons (sur la vingtaine) qui ne savent rien, puisque personne ne leur a expliqué ou qui ont reçu des explications fragmentées ; ils essayent de bien faire pour gagner leur argent et se heurtent à des problèmes qu’ils ne savent pas résoudre ce qui fait que le public ne fait plus confiance aux marques. D'autre part un problème se pose avec Thierry Mugler, Dior, Chanel, Guerlain et bien d'autres, c'est la "désinformation". La plupart des fois je suis au courant des lancements et des nouveautés grâce aux blogs-parfum. Il m'est arrivé de savoir qu'un tel ou un tel produit était disponible alors que les vendeurs n'avaient pas encore été informés, ou parfois les lancements sont disponibles à la Maison X, Y, Z mais personne ne le sait au stand du Corte Inglés ce qui fait que le public se méfie davantage de ce que les vendeuses racontent, mais ce n’est pas leur faute !
      Bonne Journée!
      Sara

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    3. Le nombre de sorties est tellement ahurissant que je me demande bien qui pourrait tout maîtriser, surtout quand on est jeune, qu'on débute et qu'il faut en plus découvrir le stock des "classiques" déjà en boutiques depuis longtemps. Jamais je ne pourrais en vouloir à un vendeur de ne pas savoir. Il faut ou plutôt il faudrait tant la tâche semble titanesque, surtout pour des jeunes gens dont la préoccupation première est surtout de travailler. La politique des marques qui consiste à multiplier l'offre et à produire toujours du neuf, du plus neuf, parce que ça se vend plus facilement (tant que c'est neuf, donc pas bien longtemps) a aussi pour résultat de faire baisser le niveau de la culture du parfum, y compris chez ceux qui devraient en être les ambassadeurs.

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