midi à quatorze heures...

"Je pointe parfois mes narines dans la mauvaise direction à la recherche du Saint Graal alors que la solution est juste sous mon nez..."

Ambre Rouge en commentaire de ce billet-CI

Parfois, on se perd, on s’égard. Parfois, les perfumistas recherchent la perle rare et oublient qu’ils ont des merveilles sous le nez. Remarquez bien que je dis perfumistas, mais c’est comme ça pour tout et le meilleur exemple est peut-être cosmétique : je suis content de ma routine beauté : j’ai une peau superbe, confortable, sans une ride, sauf quand pris d’une crise de masochisme, en fin de journée, armé de mes lunettes de vue et d’un miroir grossissant, je vais m’installer sous un néon blafard pour traquer le microsillon inévitable passé 40 ans, mais ça doit être une forme de masochisme. Je suis content, mais je fiche tout par terre pour le plaisir de tester une nouveauté supposée me rendre sublime et qui va me filer une allergie. Ou tout simplement se révéler moins bien, pas adaptée.

Pour le parfum, c’est pire. Un démon s’empare de moi, un vilain démon concupiscent et dépensier, qui me pousse à toujours vouloir explorer de nouveaux territoires, à explorer  de nouvelles pistes, un démon, futile et frivole, qui me jette sur la nouveauté, la dernière sortie, me lance dans des enthousiasmes sans lendemain, me fait chercher midi à quatorze heures. Alors qu’en fait, il m’en faut peu pour être heureux. Je pourrais même faire l’impasse sur la niche et me contenter de quelques mainstreams… Avec six ou sept parfums, je pourrais faire face à toutes les situations, me faire plaisir tous les jours. Bien sûr, j’en ai beaucoup plus, parce que je n’aime pas me priver et que chacun me donne du plaisir, est un moment de joie... 

Chacun ? Justement, non, voilà ou le bât blesse. Je fais tourner, mais j’en oublie certains dans le fond d’une armoire, je ne peux pas tous les porter en même temps, parfois, trop de choix tue le choix. Et parfois je me force à porter celui-là que j’ai acheté mais que j’aime finalement un peu moins que les autres… Je devrais jeter. Ou donner. Sans penser à ce que ça m’a couté. Et surtout, je devrais arrêter d’acheter parce que c’est beau, ou que je suis persuadé que ça l’est et qu’il me le faut parce que... Juste parce que c'est beau, que j'en suis persuadé sur l'instant, sans penser une seule seconde que ce n'est pas forcément pour moi!



Remarquez qu’il y a du progrès : j’en suis au stade où il m’arrive de me dire que j’ai « déjà quelque chose dans ce genre-là » et de ne pas y voir une preuve que "justement, c’est donc tout-à-fait mon truc" mais au contraire à me poser la bonne question : "Est-ce que c’est mieux ? Est-ce que ça te donnerait plus de plaisir ?" L’autre jour, à force de me poser des questions sur l’Héliotrope d’Etro, qui m'obsédait, j’en suis venu à me dire que ce qui me plaisait, c’était qu’elle me rappelait l’Heure Bleue.  Donc, je suis allé me racheter un flacon d’Heure Bleue. Que j’aurais probablement fini par me racheter. Et qui me fait vraiment plaisir même si je le porte assez peu, mais je sais que je peux le conserver longtemps, que c’est un parfum occasionnel auquel je reviens toujours. Mais je me suis pris l’encens de Messe de Minuit. Après mure réflexion et parce que j’aime vraiment l’encens, que j’en voulais un, mais un seul, celui-là, et que je n’ai pas besoin d’avoir toute une série chez moi, je n’en porterai pas tous les jours de toute l’année, contrairement aux grands aldéhydés que je peux mettre du premier au dernier jour de l’an, matin et soir. 

Dans le fond, peut-être que je m’assagis, ce qui m’arrangerait bien, d’autant que l’enthousiasme est toujours là. Bien sûr, je ne me précipite plus, je ne m’emballe plus aussi vite, je relativise, mais je ne suis absolument pas blasé. Bien moins que je n’aurais pu le croire. Et ça, c’est bien ! 

Commentaires

  1. En souhaitant qu'une fois arrivé à votre âge, je réussisse aussi à m'assagir un peu plus et que ce virus qui me pousse sans arrêt à en vouloir d'avantage , et chercher la perle rare se calme un peu, juste pour apprécier toute ma collection. Car comme vous dites, on en oublie les petits bonheurs cachés contenus dans tous les flacons déjà amassés dans nos armoires.
    Je m'en vais me faire plaisir avec l'Eau du 34 pour aujourd'hui. Bonne journée à vous.

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  2. Remarquez bien que pour moi, le pire serait de n'être plus capable d'éprouver du plaisir... (Simplement, je ne le trouve plus nécessairement dans le choc de la nouveauté dont j'apprends à me méfier.)

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  3. Je connais le même phénomène avec les livres : je n'aurai pas assez d'une vie pour lire tout ceux que je veux lire, sans compter ceux que je veux relire et ceux qui ne sont pas encore publiés mais qui auront tout pour me plaire... J'en achète toujours alors que je n'ai pas encore lu tout ceux que je possède déjà, j'ai des étagères à "double fond" et je me dis avec tristesse que les murs de mon appartement ne sont pas extensibles, hélas. Pour les parfums, j'essaie de me contrôler car malheureusement, mes finances ne peuvent pas toujours suivre. Et comme vous le dites si bien, on ne peut pas les porter tous en même temps ! J'arrive à m'assagir en remarquant que ceux qui me plaisent ont à peu près la même trame. Et que mes préférés tiennent sur les doigts d'une seule main: Mitsouko, Sables, l'Eau de Narcisse bleu, le Parfum de Thérèse, Ambre sultan... Mais tout en vous écrivant, je sais que j'attends la première occasion pour aller sentir Ce soir ou jamais mélangé au Musc nomade, que je ne connais pas encore les Hermanessences et que j'attends avec impatience la sortie du Panthère de Cartier.... Incorrigible ! Et je me dis que si je ne butinais pas ainsi à droite et à gauche je serai passée à coté de l'Eau de Narcisse bleu.
    PS c'est un immense grand honneur que vous me faites, de partager vos frontispices à l'ombre du grand Marcel...

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    1. Je voulais dire "immense honneur", mes doigts ont fourché d'émotion sur le clavier...

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    2. Vous parliez surement des Hermessences et non des hermanescences de la maison Hermès...

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    3. Décidément ce soir je suis troublée (ou très fatiguée....)

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    4. En même temps, les parfums sont faits pour troubler les sens :)

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    5. Tout est dit: si on ne butine pas, on passe à côté de trésors. Et alors, tant pis pour tout ce qui nous encombre finalement. Un jour, nous ferons une grande solderie ou une bourse d'échange. À moins que, parce que dans le fond, nous leur avons trouvé quelque chose un jour, nous n'y revenions...

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