"On rêve beaucoup du paradis, ou plutôt de nombreux paradis successifs, mais ce sont tous, bien avant qu’on ne meure, des paradis perdus…"
Marcel
Proust, à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1922.
Les temps
changent et pas en bien, grâce notamment à l’IFRA qui ajouté aux tests consommateurs
et à la recherche du profit le plus rapide nous nivelle par le bas. Je me
souviens d’un temps ou lorsqu’on parlait de démocratisation du parfum, c’était
avec des étoiles dans les yeux parce que des merveilles étaient soudain à la
portée de tous. Aujourd’hui, il semble que pour le nez un peu exigeant, la
solution, l’échappatoire, soit dans un repli frileux sur des choses rares et,
soyons francs, élitistes. Souvent, nous nous disons que c’était mieux avant et
nous rêvons de revenir un peu en arrière…
Infini, Caron, parfum de toilette vintage Claude Chabrol, coffret dvd |
Alors, il m’arrive
de jouer, de me demander à quel moment j’aurais souhaité vivre, quelle époque
glorieuse de la parfumerie j’aurais voulu connaître. Ma réponse ces temps-ci
tourne autour des années ’70. Il y avait une cohabitation entre des parfums
bourgeois comme je les aime, ces nouveaux aldéhydés, plus aériens, terriblement
élégants, qu’étaient Calandre et Rive Gauche par exemple, et ces parfums plus
frais, plus libres : les verts, les eaux chyprées, tellement à la mode
dans la foulée de l’Eau Sauvage qui avait su conquérir les hommes et les femmes…
c’est un peu mon graal, une époque que j’idéalise, une époque de libération
entre pilule et sida. Mon fantasme ’70, ce n’est pas le disco, mais Stéphane
Audran échappée d’un film de Chabrol, portant un tailleur pantalon Saint
Laurent, écoutant Jane Birkin ou Alain Chamfort. (Voire même, soyons fous, un
peu de Il était une fois. J’ai toujours trouvé Joëlle charmante.) Bien sûr, ça
ne correspond à aucune réalité, c’est un pur produit de mon imagination :
tout ne sentait pas beau à cette époque et toutes les femmes ne portaient pas
du Saint Laurent qu’il soit Rive Gauche ou non, mais c’est mon fantasme du
moment, mon inspiration de l’heure, pour survivre aux effluves alimentaires qui
m’entourent.
Et vous ?
Vous rêvez à quelles époques ?
Ah les années 70 ! J'étais petite fille à l'époque mais je donnerais cher pour y revenir jeune adulte... Période de libération sexuelle, "69 année érotique" comme susurrait Jane Birkin, le Gainsborough de Gainsbourg, où le SIDA était un acronyme complètement inconnu...
RépondreSupprimerPériode de plein emploi où on pouvait changer de job comme de chemise, lorsqu'on ne se plaisait pas quelque part... Une amie à moi a eu la chance d'être secrétaire à Courrèges à cette période et elle me racontait que même une simple secrétaire se faisait prêter des vêtements par la direction car elle était aussi considérée comme ambassadrice de la maison Courrèges...
Et les parfums ! Ah les parfums ! C'est bien simple, je suis restée bloquée aux années 70 : Chamade, Aromatic Elixir, Magie noire, Dioressence, Silences, Opium, Y, Rive Gauche (3 Saint-Laurent, rien que ça!). J'ai déjà raconté que je portais Rive-Gauche en alternance avec Coriandre. Et là je viens de m'offrir Calandre, en solde et c'est très mauvais signe pour lui....
Pour finir, j'ajouterai que j'adore les premiers volumes des Chroniques de San Francisco d'Armistead Maupin : je trouve qu'il décrit très bien l'atmosphère qui régnait à cette époque...
Ecrit en savourant une tasse de Dong Ding
Bien à vous
Je crois qu'on a le même âge... Et je viens de commander Calandre soldé...
SupprimerJe crois qu'on se comprend!
Hummmm !!!! Je crois que mon millésime est plus ancien que le vôtre... 1965. Je viens de recevoir mon Calandre et je me suis vu précipitée plusieurs années en arrière, du temps de Night in white satin ou Hotel California.....
SupprimerOui, un peu. 1971.
SupprimerPourquoi faut-il qu'ils arrêtent Calandre? Je serait prêt à leur pardonner leur production actuelle, mais arrêter Calandre pour vendre du Lady Million: NON! (et tant pis si je suis un vieux con!) Il est plein de souvenir, complexe et aérien à la fois et tellement élégant! Quand je le porte, j'ai toujours cette impression de marcher en me tenant plus droit, d'être plus grand.
Eh bien on est deux (vieux cons.....) Je m'aperçois que les titres des chansons n'étaient peut-être pas appropriés car elles font penser à du patchouli alors Calandre ce n'est pas du tout cela. C'était plus une évocation de l'ambiance d'une époque. Vous avez le don pour trouver les adjectifs adéquats. Je cherchais un terme pour décrire l'Heure Bleue, vous avez trouvé pompier et c'est exactement cela. Aérien, c'est tout à fait Calandre. Il ressemble à Rive Gauche (que j'ai énormément porté) mais maintenant je lui préfère Calandre que je le trouve beaucoup plus lumineux. Et c'est vrai qu'en le portant, on redresse instinctivement la tête. On a l'impression qu'il nous soulage des idées noires et nous élève....
SupprimerC'est ça qui est assez génial, c'est qu'on peut avoir deux visions de la même époque et n'être jamais à côté de la plaque. Après tout, les collection Libération ou Bohême de Saint Laurent cohabitaient avec le tailleur pantalon et Rive Gauche.
SupprimerOui, ça tombe bien, moi aussi je voulais parler d'Y, que j'ai porté, mais aussi d'Empreinte et de l'Eau de Courrèges, du délicieux Apple Blossom d'Estée lauder (je crois ?), de Coriandre (que j'ai porté aussi, au lycée), j'avais oublié Silences de Giacomo, merci Ambre Rouge, mais je me souviens très bien de son sillage, Pino Silvestre, Green Water pour les hommes, l'Eau de Guerlain pour les jeunes filles sages, et Charlie !!! Charlie de Revlon, une révolution qui courait sur les banc du lycée, je n'ai plus le sillage en mémoire mais il faisait des ravages, moins Stéphane Audran, certes, mais cette femme libre qu'il représentait me faisait rêver (Guy Laroche lançait "j'ai osé" en ce même temps mais ça ne prenait pas). Opium était jugé scandaleux autant dans sa com que dans son sillage jugé inconvenant je me souviens.
RépondreSupprimerPour ma part, j'aime les parfums des années 20 même si je comprends le pouvoir ultra érotique des bourgeoises type Belle de Nuit. Habanita, Worth, Les anciens Caron (aujourd'hui, je les trouve fantômatiques), les premiers Guerlain, les réminiscences des années folles. Mais il n'en reste plus grand chose. Si ? Si vous avez des idées, je suis preneuse.
hélène
Charlie était vraiment bien! Pas du tout cheap, ni rien.
SupprimerDe moins en moins de traces des années folles aujourd'hui, les reformulations, les massacres joyeusement, il me semble. Habanita est toujours magnifique lorsqu'on réussi à mettre la main sur l'eau de toilette... Sinon, dans le genre opulent luxueux: JOY? Il fait toujours son petit effet celui-là. Et dans une veine rétro, le Dianthus d'Etro, un bouquet très oeillet avec un fond poudré pourrait vous plaire, même s'il a moins de corps.
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SupprimerCharlie ! Comment j'ai pu oublié Charlie ? Je revois la pub comme je revois la pub de "J'ai osé", la sublime panthère.. Il y a Fidji aussi que j'avais oublié dans mon palmarès (la pub avec le sublime python....)
SupprimerVous ne faisiez pas cela Hélène, au lycée, sur vos pochettes ou classeurs de lycée, coller une pub de parfum dessus. Toutes mes copines mettaient des pub de David Hamilton ou de Sarah Moon (Cacharel). Moi c'était Guy Laroche et son bestiaire de paradis perdu...
15 janvier 2014 10:19
Comme Hélène, les années '20 en parfumerie me semblent mythiques, les années '30 aussi malgré la crise économique et les fureurs fascistes qui s'approchaient. Les vieux Lanvins sont assez représentatifs d'une certaine audace et d'un goût du non conformisme: My Sin, Scandal. On en trouve encore de vieux extraits, dans leurs flacons carrés, certains ont 35-40 d'âge, des beautés....
RépondreSupprimerJe me demande si l'âge d'or ne se situe pas entre 1880 (pour y inclure Jicky) et la fin des années '70. Il y a encore de très belles créations dans les années '80, mais c'est plus puissant et parfois tapageur. Après, c'est évident que les choses se gâtent...
J'ai choisi les années '70 parce que c'est une époqu ou on faisait des choses belles tout en trouvant partout la plupart des grands classiques des périodes précédentes. Clairement, sinon, j'ai une passion pour l'entre-deux-guerres qui nous a donné beaucoup d'oeuvres majeures. Surtout pour les années '30, peut-être plus classiques, plus calmes au point de vue de la mode et du parfum que les années folles. Vol de Nuit plutôt que Shalimar par exemple. Les compositions me semblent plus équilibrées, plus classiques...
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