curiosité végétale

“elle eut été, dans une exposition végétale d’aujourd’hui, la curiosité et le clou”

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.

Coriandre est l’un de ces parfums confidentiels qui ont eu leur petit succès d’initiés, qu’on trouvait facilement en cherchant un peu, il ne jouait ni la carte de la rareté, ni celle du luxe, uniquement de sa belle originalité. Coriandre misait sur la carte verte, le végétal jusqu’à l’intoxication. 

Âpre et dur, Coriandre n’est pas du genre facile, c’est un chypre qui ose dès l’ouverture des nuances amères et aiguës à la fois (le brillant des aldéhydes aide un peu, avec un accord coriandre-angélique) ; accord qui se maintient, étouffe des notes fleuries et se marie à un fond légèrement plus crapuleux en vrai chypre qui se respecte. Caresser une femme en Coriandre dans le sens des épines doit être une sacrée expérience.

Le porter délivre des clichés, tant il en est loin, il brouille les genres et les pistes. Dans un sens, Coriandre est un parfum dérangeant, incontestablement urticant, qui provoque l’attention plus que la sympathie. C’est un physique à la Bette Davis : moche, plein de défauts, et, tout d’un coup, saisissant de beauté. Bizarre mais fascinant, étrange et cabotin. Un parfum pour celles et ceux qui n’ont pas peur d’exiger et n’envisagent pas une seule seconde qu’on puisse leur dire non. Même pas peur de se faire traiter de bitch par derrière.


Coriandre, Jacqueline Couturier pour Jean Couturier, 1973.

Commentaires

  1. J'ai porté Coriandre, en eau de toilette, en alternance avec Rive Gauche, de mes 15 ans à mes 18 ans, à l'âge où toutes les filles de mon collège et lycée s'aspergeaient d'Anaïs Anaïs... Mon côté Lisbeth Salander, sans les piercings et les tatouages. Comme ado, je ne rentrais pas dans les clous ni dans une catégorie. D'ailleurs, votre remarque sur Bette Davis est tout à fait judicieuse en ce qui me concerne car un de mes copains n'arrêtait pas de me chanter "Bette Davis eyes" dont Kim Carnes inondait les ondes à l'époque. Je n'ai jamais eu un physique correspondant aux canons de l'esthétique. La quarantaine passée, je trouve que c'est plutôt une qualité. Mais durant cette période ingrate de l'adolescence, je me réfugiais dans les livres, ou dans les salles obscures des cinémathèques (oui, j'ai vu un bonne dizaine de fois "All about Eve"). Pour en revenir à Coriandre, j'adorais ce parfum qui ne ressemblait à aucun autre, son côté herbe épicée pas ni totalement féminin, ni totalement masculin (je ne sais pas si je m'exprime bien...) et très prégnant : une amie me disait qu'on me "repérait" sur les pages de mes cours et dans les salles obscures... Aujourd'hui, il doit faire figure d'Ovni !
    J'en profite pour céder à la tradition, vu le jour et l'heure : je vous souhaite une très très bonne année Dau (vous permettez que je vous appelle Dau ?). Qu'elle vous comble de découverte, de redécouvertes, d'effluves aldéhydées poudrées de belles tubéreuses vénéneuses.... Moi j'ai été comblée par 2013 car j'ai découvert un blog qui traite d'odeurs qui me parlent (enfin!) par un vrai amateur de thé par dessus le marché !

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  2. Est-ce que la version actuelle de l'eau de toilette (la bouteille est distincte) vaut toujours le dérangement (olfactif) ? Car elle est presque donnée, en termes financiers... Éventuellement, quelles sont les différences avec celle faisant l'objet de la critique ci-dessus (version parfum, 1973) ?

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  3. Bonjour et bonne année !!
    Amusant, les deux commentaires. Moi aussi, ça a été mon premier parfum ou en tout cas celui que j'ai porté de la seconde à la deuxième année de fac. Son sillage était puissant et très reconnaissable. Même son packaging et son bouchon imprimé malachite le rendait unique. Je l'adorais. Je reprends la même question que "anonyme" au-dessus : est-ce qu'il ressemble encore à ce qu'il était ? Il faut que je le ressente en tout cas.

    Hélène

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  4. Une très bonne année à vous tous et un très grand merci pour être là, commenter et le faire avec une telle gentillesse.

    OVNI décrit certainement bien ce Coriandre si différent, que le temps a encore rendu plus étrange. Être étrange, différent, singulier, on ne se rends pas toujours très bien compte à quel point cela peut-être séduisant, à quel point c'est une force.

    Je vais vous décevoir tous, je ne connais pas la version actuelle, mais je pense qu'en cherchant un peu, on trouve des versions ancienne à bon prix...


    (Pssst: Bette Davis Eyes est toujours l'une des mes chansons préférées!)

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