séductions


« Ah! Comme une goutte de verveine citronnelle évaporée rajeunirait l’air poussiéreux! Citron écorché, feuille qu’on froisse pour qu’elles vous livrent leur verte odeur, jeunesse de l’été commençant, paille de seigle à peine blondi – le parfum de Minne, les cheveux de Minne, la peau de Minne… »

Colette, l’ingénue libertine, 1909.

Colette
Je délaisse un peu Proust pour me replonger dans les œuvres de Colette qui s’y entendait autant que notre cher Marcel pour ce qui est de décrire les sensations, les glorifier… Chez Colette, les odeurs sont toujours présentes et précisément décrite, notamment le parfum des héroïnes et séductrice qui traverse ses romans. Il y a Rézi, bien sûr, la belle viennoise, j’ai presqu’envie d’écrire la belle viennoiserie et son parfum de chypre, mais il y a aussi Minne, l’ingénue libertine. Minne et son parfum de verveine citronnelle qui revient régulièrement à travers le roman, ce parfum qui plait tant aux hommes qui adorent la belle Minne, grande gamine ou jeune femme, son cousin Antoine, qui deviendra son mari, Ses amants et ceux qui ne le seront pas comme ce Maugis qu’on retrouve…

Minne est belle, séduisante, irrésistible et mystérieuse, petite fille qui rêve de crimes, jeune femme qui veut trouver le plaisir d’un les bras d’un homme, que ce soit son mari ou un autre, belle blonde aux yeux noirs qui brise les cœurs sans s’en rendre compte, sans beaucoup s’en soucier, petite femme fatale innocente au parfum pur de verveine-citronnelle. En fait, je trouve cela amusant et intéressant parce que cela remet en perspective ce mythe du parfum séducteur qui hante notre imaginaire…

Ce parfum ; j’avoue n’y avoir jamais cru. Non, on ne séduit pas, on ne fait pas tourner les têtes, avec un parfum, avec des odeurs. Bien sûr, on pourrait parler des heures durant de la séduction… revenir à Proust et à ce désir du jaloux qui n’aime qu’avec le manque, l’absence, la tromperie et le mensonge. Mais j’avoue que c’est un peu excessif pour moi, que la conception de Proust à propos de l’amour me dépasse un peu. Cependant, je le suivrai volontiers quand il dit que ce qui nous attirent si peu chez les cocottes, « c’est qu’elles sont toutes prêtes. » Par là-même, je disqualifierais volontiers tous ces parfums voluptueux qui se veulent des invitations très claires, trop transparentes, aux  voluptés physiques. Je trouve qu’il n’y a rien de plus pénible, de plus vaguement repoussant même, que la volonté marquée de séduire, de se vouloir attirant€ à tous prix. Sexy est un mot que je déteste et je serais horriblement vexé s’il était employé en parlant de moi.

Maintenant, je ne dirai pas non plus que mon parfum ne me sert pas à séduire, ce serait mentir un peu. Oui, il m’arrive de séduire grâce à mes parfums, lorsqu’avec certains, je me sens bien, lorsqu’ils me font me tenir plus droit, mettent une étincelle dans mon regard tant je les aime. Ce n’est même pas que je me sente en beauté, non, c’est que je me sens sublime et sublimé, comblé. Et ça, j’avoue, ça peut plaire… Parce que curieusement, les parfums que je portais quand j’ai séduit, c’était toujours ceux que j’aimais le plus, jamais les plus « calibrés pour séduire » mais parfois les plus antipathique de ma palette : les verts qui lacèrent, les iris qui glacent, les aldéhydes qui toisent. Je crois que jamais on ne m’a aimé pour mon parfum, Dieu merci!


Commentaires

  1. Bonjour !

    qu'est-ce qu'elle était moche quand même Colette même si elle séduisait et nous faisait croire dans ses romans qu'elle était la plus jolie-élégante-féline de tout Paris.
    Des yeux de chat, peut-être, mais quand même sur cette photo où la gourmandise lui a volé sa jolie sveltesse de jeune fille et où elle n'a pas peur de se montrer en bas, l'air pensif mais un rien lascif, le charme a du mal à prendre, je trouve. Cette grande séductrice si sûre de sa supériorité de femme était avant tout un écrivain poète magnifique. Après...
    By the way, son parfum était Vent Vert, Non ?

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  2. Tu crois que t'es belle toi?

    Ps son parfum c''était Jicky

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  3. Ce serait gentil de ne pas en venir aux noms d'oiseaux...

    Non, je ne trouve pas Colette moche du tout, pas en la remettant dans le contexte de son époque, et même pas maintenant d'ailleurs. Colette, c'est une allure, ses photos de mime/danseuse nue montre une femme séduisante, je trouve. En même temps, tous les goûts sont dans la nature. C'est sûr, aujourd'hui, elle serait retouchée, photoshopée, voire opérée, ce serait autre chose, mais pas forcément mieux. De toute façon, point n'est besoin de beauté pour séduire. ça aide, certes, mais ça ne fait pas tout.

    Être écrivain, pour séduire, ça peut aider, d'ailleurs!

    Quant à son parfum, oui, elle a beaucoup aimé Vent Vert, mais elle a du en porter bien d'autres avant lui, qui est sorti alors qu'elle n'était déjà plus jeune.

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  4. j'avais écrit une réponse hier qui s'est envolée. Désolée donc d'avoir été abrupte.
    La Colette de ma jeunesse me donnait presque des complexes, voilà sans doute pourquoi ma réaction fut vive. Je regrette d'avoir choqué, et ce bien joli blog ne mérite pas qu'on lui fasse de l'ombre. Elle avait un beau talent que je salue, voilà. Vive Vent Vert et vive Jicky, tous deux e grands parfums qui prouvent bien qu'elle était effectivement une femme de goût.
    Hélène

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    1. Non, je n'ai pas été choqué et je comprends cette réaction, car moi-même, je suis un admirateur de Colette qui était une grande dame et une sacrée bonne femme à la fois... Simplement, je craignais que le ton ne monte de réponses en réponses donc, j'ai préféré couper court à une éventuelle polémique qui aurait été stérile.

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  5. Je trouve que c'est surtout votre façon d'écrire, passionnée, qui nous séduit, nous lecteurs.
    Cordialement,
    Sara

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  6. Ah, "L'ingénue libertine", dans ma liste de livres à lire depuis bien longtemps...
    La relation entre parfum et séduction est un sujet intéressant. Je crois que tu la résumes avec ces mots, "un parfum dans lequel je me sens bien", des mots bien connus mais tellement vrais. Je sais ce que tu penses du concept "mon parfum à moi", mais il n'y a aucun parfum dans lequel je me sens si bien drapée qu'Habanita. Et il ne m'a jamais fait faux bond !
    D'accord avec Sara pour ce blog très bien écrit.

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    1. Merci.

      Pour ce qui est du parfums unique, je ne suis pas contre quand un parfum s'impose à nous, qu'aucune envie d'un autre ne se manifeste, je déteste juste cette limitation quand elle s'impose pour de mauvaises (à mes yeux) raisons telles que la fidélité à une image de soi, parce que ça nous fige dans une image, nous limite, exactement comme ne porter qu'une seule couleur, pour des raisons pratiques ou parce qu'un soir d'avril 1956 quelqu'un nous a dit que ça nous allait bien, c'est se limiter volontairement, se couper d'une infinité de possibles. Et même si je ne cède pas à tous les possible, je trouve que c'est triste d'y renoncer "par principe" et non par goût.

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    2. Je comprends :) et je suis d'accord. J'ai eu aussi ce fantasme d'avoir mon parfum qui me suivrait comme une aura et qu'on reconnaîtrait comme étant "ah oui, c'est son parfum", et je pense que beaucoup l'ont aussi, mais il est vrai qu'une fois que j'ai commencé à découvrir et à avoir des coups de cœur pour d'autres parfums, toutes mes belles idées ont volé en éclat.
      Bref, bonne année à toi, et continue d'écrire !

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