blanc


“Elle sentait bon, elle sentait le propre.”

Gabrielle Chanel à propos d’Emilienne d’Alençon (Paul Morand, l’allure de Chanel, 1976.)

Tout un pan de la parfumerie du XXème siècle est peut-être né de cette remarque à propos d’une cocotte croisée par une jeune entretenue tout juste sortie de son café-concert. L’odeur du propre, du savon, c’est ce que voulait Chanel, c’est ce qu’elle à lancé avec son N°5 dont le succès à entraîner la vogue des aldéhydes qui ont donné quelques-uns des plus beau parfums du siècle. Ironie du sort : le White Linen d’Estée Lauder leur doit tout, et donc peut-être beaucoup à cet objet de scandale qu’était Emilienne d’Alençon, grande horizontale belle époque, lui qui est le summum de la WASP attitude la plus conservatrice et la plus rigide. Les bourgeoises US ont tant aimé sentir la poule…

White Linen, Estée Lauder
White Linen, c’est une décharge aldéhydée, très raide, très fer à repasser, qui écrase quelques fleurs et dure sur les bois. Rarement un parfum aura si bien porté son nom : il est blanc, lumineux, immaculé et du lin il a la raideur, la sécheresse  l’austérité. Il fait preuve d’une maniaquerie hygiéniste, très balais dans le cul, d’un rigorisme figé qui le rend amusant à porter au second degré. Parce que le parfum est beau, même si aux yeux de l’utilisatrice de base, il est avant tout sain et net, office suitable.

Oui, White Linen sent le savon de luxe, et transforme chacun en immaculée conception de luxe, mais aussi la laque et l’élégance guindée de la grande banlieue des années ’60 où on ne porte plus de blanc après Labor Day. Il est une tentative avortée de romantisme fleuri, un mariage qui tient le coup « pour les enfants. » Il y a quelque chose de tragique à être aussi comme il faut et ça fait partie de son charme étrange pour moi qui ne devrait pas aimé son odeur de villa modèle qui sent encore un peu trop le détergent.

Comme beaucoup de parfum froid, je préfère le porter en hiver ou il ne risque pas de se réchauffer.  Ses aldéhydes scintillent plus encore dans l’air froid, il perd alors tout ce qu’il pourrait avoir de figé, presque de botoxé, pour être merveilleusement en accord avec la saison. Bien sûr, il ne faut pas avoir peur de passer pour psychorigide…



White Linen, Sophia Grojsman pour Estée Lauder, 1978.

Commentaires

  1. Joli sujet...historiquement placé et habilement habillé par votre écriture...Merci !
    Reste que lorsque je traduits "Lin Blanc", mon nez associe aussitôt cette invitation olfactive à l'Eau Blanche de IUNX...un parfum adictif et parfaitement fait pour l'Hiver également.
    AdRem

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  2. Jolie description; pour moi White Linen représente une certaine idée de l'élégance ( désuète certes ) et est lumineux.

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  3. J'ai hélas tendance à penser que l'idée d'élégance est désuète. De nos jour, il faut faire jeune et sexy, qui se soucie encore de l'élégance? Nous, certes, mais nous ne sommes peut-être plus la cible privilégiée des parfumeurs...

    J'avoue mal connaître IUNX. Mais je trouve que la plupart des parfums estampillés été et frais sont magnifique en hiver! L'inverse marche aussi, même si en cas de rare plantage, on souffre quand même un peu plus...

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