amertume mondaine

"Et les spectateurs pouvaient croire qu’il n’était pas de meilleur mari que lui ni de personne plus enviable que la duchesse – cette femme en dehors de laquelle étaient pour les duc tous les intérêts de la vie, cette femme qu’il n’aimait pas, qu’il n’avait jamais cessé de tromper ; - quand la duchesse se sentait fatiguée, il voyait M. de Guermantes se lever, lui passer lui-même son manteau en arrangeant ses colliers pour qu’ils ne se prissent pas dans la doublure, et lui frayer un chemin jusqu’à la sortie avec des soins empressés et respectueux qu’elle recevait avec la froideur de la mondaine qui ne voit là que du simple savoir-vivre, et parfois même avec l’amertume un peu ironique de l’épouse désabusée qui n’a plus aucune illusion à perdre."

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1922.

Melograno, Santa Maria Novella
Cologne, lait et savon

Melograno est de ces parfums que j’aime, délaisse, et auxquels je finis par revenir un jour ou l’autre… Il commence par une décharge d’aldéhydes qui l’orientent vers le savonneux, et écrasent tout sur leur passage, y compris les quelque fleurs du cœur (à la façon de Calèche, soie de parfum, Hermès) et se meurt sur un fond de bois et encens assez raide. C’est scintillant, pâle et un peu froid, bourgeois par son côté irréprochable et immaculé, le genre de parfum qu’on associe à une certaine idée de l’élégance classique, conventionnelle et, disons le, un peu vieillotte.

Tout l’intérêt du parfum vient de la note de grenade qui lui donne son originalité. Comme les grands aldéhydés, Melograno cache sous sa blancheur des nuances plus sombres qui font sa richesse, mais au lieu de jouer comme la plupart sur les aspects sales, sexuels, animaux, il mise sur L’amertume de la grenade, ce qui lui donne une nuance mélancolique sous son éclat, un désenchantement de mondaine blasée. Un joli parfum qui, sous son éclat, a en effet perdu ses illusions, même s’il a le bon goût de ne pas exhiber ses peines.

Melograno, Santa Maria Novella, 1965.

Nota Bene: Toute la ligne dérivée, savon, lait pour le corps, etc , est absolument délicieuse. Je me damnerais!