ciel, mes bijoux!


"Il se demandait perpétuellement ce qu’elle était en elle-même derrière le voile des regards et de la chair"

Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1921

Boucheron, eau de parfum
Boucheron semble né d’un dernier sursaut, d’une ultime convulsion de la parfumerie classique. Tout en lui est attachement à la tradition, même si son gigantisme est marqué par les années ’80 qui l’ont vu naître. Plus jamais on ne fera de tels  parfums. Pas sans une bonne dose d’humour et de second degré.

Boucheron démarre très classiquement par quelques aldéhydes, des notes d’agrumes, enchaîne avec le bouquet floral et s’étire doucement vers l’orient. Très classique, lisse, mais énorme, opulent et très riche.  Ce qui me fascine est son aspect soudé, fermé, indéchiffrable : le bouquet abstrait dans toute sa splendeur, délicatement poudré, qui offre au monde sa seule beauté énigmatique, son élégance parfaite,  sa politesse raffinée. Et rien d’autre. Pas la plus petite trace d’émotion qui le rendrait humain. Pas de faiblesse. Pas d'intimité. Boucheron est un parfum poker face pour grande dame. "Never Complain, Never Explain." disait la reine Victoria, voilà toute la Boucheron attitude! C'est assez séduisant, mais ça peut-être glaçant, comme un premier dîner chez une duchesse. Dans le fond, son flacon bague qui fait le lien avec son origine bijoutière lui va assez bien, d'un bijou, il a la perfection froide.

Je suis assez sensible, aussi, à sa belle maturité. Il date d’un temps que les moins de vingts ans ne peuvent pas connaître, un temps où on ne s’intéressait pas à eux. Un temps ou la parfumerie de luxe s’adressait à une clientèle bourgeoise et mure, ou les jeunes filles rêvaient des parfums de leurs mères. Tout a bien changé. Les parfums se doivent d’être lisibles, et joue la carte de la grenadine même pour les cartes vermeilles… 25 ans après, je goûte plus Boucheron qu’à sa sortie sans doute parce qu’il est un survivant qui fait perdurer une époque passée. 

Boucheron, Francis Deléamont et Jean-Pierre Béthouart pour Boucheron, 1988.

Commentaires

  1. ah... je vais aller humer cela cette semaine !!!

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  2. Proust vous va très bien Dau....Je n'ai fait aucun commentaire sur votre sujet précédant mais sachez que le plaisir de vous lire allié au plaisir de votre collection parfumée mis en image est "formidable" :)
    J'ai voyagé avec Boucheron très longtemps et eu une vraie histoire d'amour olfactive avec Jaïpur...Nostagie heureuse aurait dit Amélie N. :)
    AdRem

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    1. Merci beaucoup...
      Pour moi, effectivement Boucheron fait partie de ces parfums qui se vivent dans la durée. Que les amateurs du genre "parfum signature" devraient beaucoup aimé, parce qu'il est à la fois "toutes circonstances" (plutôt chic quand même) et original avec une vraie signature et une vraie personnalité à part qui le rends clairement identifiable. Vraiment une bonne redécouverte pour moi!

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  3. Bonjour,
    Moi, j'aime beaucoup cette marque à la francaise, bien classe.
    Tout en bleu. Je suis fan absolu du masculin en EDP, si sobre et parfaitement "gentleman" .
    Ce boucheron féminin est un vrai parfum de diva et de "cocotte". Il me rappelle un peu l'opulence de certains parfums d'Ungaro et Montana, à leurs heures glorieuses...
    Et vous avez raison, on n'en fait plus des comme ca. Ils font partie d'une espèce en voie d'extinction: trop riche, trop complexe, trop fourrure et gros bijoux.
    Il font peur à la nouvelle génération des shampoo tutti frutti.

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    1. Mais nous aimons bien faire peur, non?

      Oui, la version pour homme, avec le flacon assorti, je l'ai beaucoup portée et aimée, c'est quelque chose de tout à fait différent, tout en délicatesse et transparence, très raffiné et gentleman! Lui, il ne fait peur à personne, mais qu'il est beau!

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  4. Boucheron est mon compagnon du moment. Outre sa beauté, je l'ai choisi pour marquer ma différence, mon indépendance, comme cette "dame qui bat la mesure à contretemps avec son éventail", dans un environnement - travail et cadre de vie - pas très "glamour". Je n'ai pas les moyens de m'offrir de beaux vêtements griffés et bien coupés ni d'avoir de beaux bijoux, mais je me permets d'avoir de l'élégance grâce à mon parfum. Il me permet de me dire que l'on peut exister sans être obligé de parler fort et de vociférer dans son portable, en ignorant et méprisant totalement la personne qui est en train de vous servir, sans bousculer son voisin pour lui passer devant et pourquoi faire, je vous le demande, sans porter de vulgaires contrefaçons pour se transformer en homme ou en femme sandwich pour de marques bling-bling. C'est un peu ma colonne vertébrale, mon rappel à l'ordre du style "reprends-toi, tu ne sens pas n'importe quoi". Quelques effluves de grâce dans un monde de brutes... Quand j'ai un coup de nostalgie de cette époque que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître, je reviens à trois parfums, qui n'ont pas été trop dénaturés par les reformulations intempestives : Diva d'Emmanuel Ungaro, Coco de Chanel et Boucheron... Et pour mon plus grand bonheur, je retrouve le flacon des débuts !

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    1. Comme, je vous comprends! Moi aussi le parfum me sert parfois de rappel pour me dire que dans ce monde de brute, je suis une personne élégante et bien élevée, capables de sourire poliment aux aléa de la vie et aux malotrus. ça me fait penser à la morale de Princesses Sarah, ce livre pour enfant "j'ai toujours été une princesse, même avant d'en avoir les vêtements et la fortune, parce que je me suis toujours comporté comme une princesse" Un message urgent qu'il est bon de se rappeler parfois et le parfum nous y aide...

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