nostalgies



Soir de Paris est bien oublié et ne semble susciter aucune nostalgie chez les amateurs. Probablement parce que pas assez cher, trop vendu et avec trop de coffrets et de gadgets. Oui, son image n’était plus très glamour. Pourtant, l’acte de naissance est prestigieux : le papa est Ernest Beaux, l’année 1928. Et le jus est très signé, et cette signature, je l’aime… Comme les meilleurs Chanel, ceux des débuts, il y a l’attaque d’aldéhydes et le cœur de fleurs, abstrait, qui dure longtemps sur un fond de bois.

Soir de Paris, Vintage Bien Sûr, mène les aldéhydes vers le savonneux, le crémeux poudré avec beaucoup de chic : son bouquet ignore les fleurs blanche et mise sur la rose, la violette et le lilas pour la douceur et relève le tout d’œillet qui le fait basculer vers l’épicé. J’ai un peu l’impression d’un Bellodgia de Caron (sorti la même année d’ailleurs) déluré, bien décidé à vivre la vie du siècle. Un peu moins de luxe et plus de paillettes, la vie de la ville qui court sans cesse et brille constamment grâce aux lumières électriques… Le romantisme est bien présent, mais la mièvrerie est épargnée : Soir de Paris donne envie de courir au cinéma voir un vieux film de Garbo.

Ce qui est véritablement magique avec ce parfum, c’est le retour qu’il génère. Jamais je n’ai eu autant de compliment, jamais on ne m’a autant demandé si c’était moi qui sentait si bon, quel était ce parfum… Mais ce n’était pas l’habituel regard brillant de convoitise « dis-moi ce que c’est que je file l’acheter… » Ce sont des regards nostalgiques et rêveurs. Et souvent quand je dis « Soir de Paris, » on me répond « Ma maman le portait » sur un ton plein d’émotion. Il faut voir comme les gens sont touchés, ramenés en arrière. C’est vraiment énorme, c’est quelque chose de lointain, de profond, qu’ils partagent presque malgré eux. C’est terriblement étrange de voir ces gens, plus âgés que moi d’ailleurs, renvoyés comme ça à leur enfance, pensant à leur mère, mais y pensant vraiment comme des gosses, en revivant les choses. J’ai d’autres vintages, mais aucun n’a cet effet et c’est magnifique, je me dis que je n’ai pas perdu ma journée si par ce choix innocent d’un parfum, j’ai pu être la madeleine de Proust de certains, leur donner un peu de nostalgie heureuse.

Et là, chic, pas chic, à la mode ou pas, tout ça, on s’en fout un peu...

Soir de Paris, Ernest Beaux pour Bourjois, 1928.

Commentaires

  1. Quand je pense qu'on le trouvait encore (certainement reformulé, mais bon)dans les Marionnaud il y a une dizaine d'années et que je ne l'ai pas acheté...franchement, je regrette.

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    1. Il a été reformulé en 1992 et c'est vraiment un massacre: ça n'a plus rien à voir. Je ne dirais pas que c'est une horreur, c'est juste devenu un parfum sans intérêt. (François Demachy et Jacques Polge)
      Un scandale de plus dans une époque qui n'en manque pas...
      Vous n'avez donc rien perdu!

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