Galatée


Iris Silver Mist est un incontournable. Une odeur d’iris, mais tellement complexe, complète qu’elle est bien plus que cela. C’est un tourbillon qui vous entraîne et donne le vertige, un parfum dans lequel on peut se perdre comme Narcisse s’est perdu dans son reflet. Tour à tour, Iris Silver Mist est poudreux, beurré, transparent, opaque, brillant et brumeux. Il a un instant la clarté pure et légère de la neige et vous fait ensuite sentir une profondeur terrienne à laquelle succèdent des ombres de violette et des douceurs innocentes de carotte. C’est une vapeur sur un lac, puis un fard de ballerine, une paillette de métal qui scintille et la caresse d’une plume de cygne sur la peau, un parfum a surprises qui se révèle autre à chaque instant.

Déclinant toute les nuances de blanc, Iris Silver Mist est majestueuse solitude, froideur et grandeur de la mélancolie, une solitude superbe et souveraine qui se laisse admirer pendant des heures dans un éblouissement permanent. 

C’est le visage de Garbo à la fin de la Reine Christine, un masque vide et impavide, inspirant toutes les dévotions. S’il est un parfum qui est de l’ordre de la révélation, c’est bien celui-là, évident et transcendant, refusant toute explication de son mystère, se contentant d’être.

Il a été mon compagnon, mon amour des années durant, je l’avais adopté, adoré, à sa sortie, mais aujourd’hui, je ne le porte plus, il me semble trop loin de moi, perdu dans son splendide isolement. Ce n’est pas un parfum qui me raconte une histoire, il se laisse admirer, mais ne se donne jamais, perdu en lui-même. J’en suis à me demander comment j’ai pu le porter aussi longtemps. Étais-je moi-même si différent ? M’étais-je moi aussi bâti mon propre piédestal ? Et par quel mystère en suis-je descendu ? Suis-je une Galatée enfin devenue humaine ? Étonnant comme le parfum nous interroge parfois sur nous-même.

Cette année, Lutens a la bonne idée de faire sortir son Iris des Salons du Palais Royal. Pas de flacon export mais le vapo noir. Je le regrette un peu. La vaporisation accélérant l’évaporation n’est pas vraiment ce qui convient le mieux à ce parfum qui gagne à être posé précieusement pour pouvoir profiter de ses différentes étapes.

Iris Silver Mist, Maurice Roucel pour Serge Lutens, 1994.

Commentaires

  1. Je n'ai pas compris comment s'utilise la collection du palais royal?
    on en verse un peu dans la main pour se parfumer? pas très pratique!

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    1. On en dépose sur le bouchon ou sur le doigt et on applique.
      On transvase dans un vapo de sac.

      Ou on est maniaque comme moi et on se sert d'une petite poire (trouvée chez MUJI, elle accompagne les vapos de sac en aluminium)pour éviter les contacts peau-parfum qui ne valent rien au parfum.

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  2. Vu la manière dont tous les perfumista parlent de ce parfum, ça attise de plus en plus ma curiosité. Mais vu que ma peau chauffe énormément les parfums et acidifie tout très facilement, je ne peux pas me permettre de l'acheter à l'aveugle au risque d'avoir de mauvaises surprises (et vu le prix du flacon...). Cela fera une étape en plus pour un futur voyage parisien.

    Et bonne question à propos de l'utilisation de la bouteille. Est-ce un "bouchon-applicateur"?

    Très joli billet en tout cas!

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    1. Il sera chez Senteurs d'Ailleurs le temps d'un édition limitée sans doute.

      Mais il faut quand même aller à Paris car l'écrin Palais Royal fait partie de l'expérience.

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  3. Je préfère le flacon de table moi aussi ( je n'ai que Rose de Nuit désormais vintage^^ et oui il a 10 ans à peu près ), donc le vapo non ! D'ailleurs un tel parfum ne devrait pas sortir de son temple selon moi. " Il ne se donne jamais " c'est bien ce qui me plaît énormément dans ce parfum altier et lointain. Enfin un parfum que l'on ne peut pas vraiment approcher, c'est si rare que cela mérite d'être souligné. " ISM " comme vous le nommez souvent se trouve tout en haut, je pense que faire plus beau n'est tout simplement pas possible.

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    1. Plus beau? ça dépend de ce qu'on cherche dans le parfum. Un iris comme l'Heure Exquise est différent mais bien plus émouvant pour moi. C'est un de ces parfums qui me brisent le coeur lorsque je les sens. ISM... non. Sa beauté ne laisse pas de place à l'émotion. Ou si peu.

      De toute façon, je ne crois pas trop à ces histoire de hiérarchie dans la beauté parce que si j'essayais de faire un classement, je le changerais à peu près tous les 15 jours. En plus, j'aime à croire que demain (ou après-demain) sortiront des merveilles qui viendront chambouler tous nos repères et que nous devrons revoir nos notions de beauté fissa!

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    2. Je trouve qu'Iris Silver Mist est.. la perfection. Mon premier sentiment extatique pour un parfum fut sans doute Vol de Nuit, honnêtement je suis rarement transportée par un parfum, charmée, envoûtée, amoureuse oui bien sûr, seulement là avec Iris Silver Mist j'ai marqué un temps d'arrêt. J'ai dû m'asseoir tellement il m'a stupéfaite. Pour moi sa beauté est froide certes, " comme un rêve de pierre " en quelque sorte. Le sentir c'est traverser une dimension, du moins c'est mon vécu. Ce n'est plus une question d'émotion ou non, c'est une impression de transcendance. Voilà, je ne sais pas l'exprimer autrement. Et puis la beauté ne véhicule pas d'émotions selon moi, elle est.
      Bonne soirée.

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  4. salut,
    moi je le porte depuis...?presque 20ans? déjà? et effectivement il y a un moment ou je ne pouvais plus le porter pur, soit je passais un moment à autre chose soit je le modifiais selon mes goûts.
    J'ai commencer à répartir le contenu dans différent flacons pour tester des mélanges. Je le porte encore pur en été avec la chaleur mais si il fait caniculaire j'aime y ajouter du n°22 de Chanel ou du Calèche d'Hermes pour accentuer les aldéhydes, si le temps refroidit trop j'aime le réchauffer avec Hiris d'Hermes ou Unicorn Spell de Les Nez (+violette).
    Il est bon de parfois désacraliser la bête...Mon plaisir avant tout :).

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    1. Le plaisir avant tout!
      je ne saurais mieux dire.

      Et oui, je trouve aussi, que celui-là, à force d'être mis sur un piédestal, peut faire peur, être traité comme un objet sacré, qu'il n'est pas et que ça peut lui nuire. Mais ça doit être vrai avec tous!

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  5. Quelle magnifique description. C'est exactement ça.

    J'ai commencé par ne pas comprendre ce parfum. "Trop triste"
    Maintenant je l'adore. Il traîne sur une de mes écharpes en soie.

    Son odeur "en vitesse de croisière" sent très bon l'iris. Fraicheur de rose, parfumerie classique, rien de terreux ou de triste, totalement aérien. (Pour un parfum, "aériez", vous me direz...)
    J'utilise volontiers le mot "otherwordly" pour décrire l'iris : une présence qui semble venir d'un autre monde. Je ne sais pas si on projette son ego avec de l'iris, il tiens plutôt des parfums qui attire les gens autour de vous dans votre univers.
    L'iris est ce que j'aime dans bon nombre de Guerlain classique : chamade, l'heure bleue, après l'ondée, etc.
    La qualité de l'iris est vraiment génialissime dans iris silver mist.

    Plus je joue avec mon vapo tout noir de féminité du bois, plus je tombe profondément amoureux de l'objet. Chiche! je rachèterai iris silver mist.

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    1. Ma sensation était de tenir l'autre à l'écart. Comme une barrière invisible. Mais c'est LE parfum que j'utiliserais pour faire communiquer des mondes parallèles entre eux pour aller dans le sens "otherworldly"

      L'iris: c'est beau. Chez Guerlain et ailleurs, je suis un amoureux de l'iris. Et quand on aime l'iris, il FAUT avec senti et porter ISM. C'est juste indispensable, presqu'un rite initiatique.

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  6. Oui, si on n'aime pas l'iris on n'est pas une perfumista :p

    Avec ISM, on plane. On est au-dessus des choses. Barrière de frou-frou.

    Cela me rappelle un effet des exercices de méditations et respiration, qui est de mettre du papier de bulle entre soi et le monde. On est mieux ancrer dans le présent, tout en gardant un recul et un confort dans nos relations quotidiennes.

    As-tu senti le "mon numéro 8" chez l'artisan parfumeur?
    Il était/est en solde à 60€ (avant 145€), et contient de l'iris, (un peu de jasmin de narcisse et de mimosa, mais on reste dans l'iris-crinière), et un musc qui fait "belle dame qui vient de se poudrer le visage dans sa sale de bain en marbre".

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    1. Pas senti les N°, non.

      Perfumista sans iris? Je ne me suis jamais posé la question...Je crois que le vrai critère, c'est de se fermer à quelque chose: une famille, une matière...

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