céder à la facilité...


Porter de l’Art au quotidien est parfois lourd et il m’arrive d’avoir envie de dire « un peu de légèreté s’il vous plait ! » tant le royaume de la niche peut se prendre au sérieux. Chez Malle, intellectuellement, on édite et chez Lutens, on sent bien qu’il faudrait faire une révérence, voire une génuflexion, devant chaque Création du Maître : les prêtresses du Palais Royal ont l’art de vous faire sentir les majuscules et me donnent personnellement envie de fuir la boutique. Parfois, j’ai juste envie d’un parfum facile et joli, d’un mainstream sans prise de tête, d’un parfum qu’on enfile comme un T-shirt ou une petite robe noire, un peu anonyme, pas forcément très original, mais juste joli et bien fait . Le mainstream étant devenu infréquentable, il m’arrive alors de me tourner vers Jo Malone.

Jo Malone, ce sont des boutiques à la décoration soignée, ou on vous vend des parfums qui vous plaisent, sans vous prendre la tête en vous faisant remarquer la beauté des matières, l’originalité de l’accord, etc. Comme dans une boutique de prêt-à-porter, le curieux regarde, essaye et emporte s’il se trouve bien. D’ailleurs, comme les vêtements, les parfums sont conçus pour être mélangés, portés ensemble.

Pomegranate Noir est celui qui me tente le plus en ce moment : il mêle les fruits noirs,  en transparence, à des notes boisées musquée qui prennent des nuances fumées, parfois camphrées. Assez tactile, il évoque une sombre panne de velours dévorée, douce, mais qui accroche par moment. Il ressemble à pas mal de mainstreams mais il est bien plus réussi, il n’est pas aussi lisse, aussi monolithique. Jo Malone a réussi à capter l’air du temps et à le rendre d’une façon élégante même si elle est sans prétention... Il ressemble un peu à une version adulte de Mure et Musc (l’Artisan Parfumeur) qui a si mal vieillit, les reformulations l’ayant affaibli avant de le faire sombrer du côté sucre de la force. Dans le fond, c’est peut-être lui et non l’infâme soupe de Guerlain, la vraie petite robe noire : passe partout, banale, mais toujours flatteuse.

Pomegranate Noir, Jo Malone, 2005.

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