Balenciaga (2025)

 


Il m’est absolument impossible de laisser passer une occasion de filer au musée Balenciaga pour me recueillir, m’émerveiller et me rappeler ce que c’est que l’élégance qui est si souvent absente des propositions contemporaines. L’exposition de cette année était particulièrement réussie parce qu’elle mettait en avant à la fois la technique et l’évolution des formes, ce qui soulignait bien à quel point Cristobal Balenciaga pouvait répondre à bien des préoccupations qui sont encore, et parfois plus que jamais les nôtres.




Il y avait notamment une modélisation d’une robe et d’un manteau à couture unique absolument impressionnante. Impossible de deviner que tout le vêtement était constitué d’un seul pan d’étoffe et non d’un assemblage de panneaux. Ce qui était encore plus impressionnant, c’est que la robe était coupée en biais. (Et bien sur que ce n’était pas un simple tube de Lycra, qui n’existait pas encore et que Balenciaga aurait détesté de toute son âme, c’était une vraie robe !)




Balenciaga ne faisait pas vraiment de la mode mais des vêtements. Les formes évoluaient peu, lentement, doucement et toujours dans le même sens, celui de l’épure, de la simplicité. C’est l’opposé de la mode de Dior qui imposait des lignes changeantes, des motifs marquants qui faisait de ses vêtements des vêtements d’une saison et puis c’est tout. Bien sûr Dior vendait plus que Balenciaga, forcément, mais moins cher. (Et ma grand-mère vous l’aurait bien dit : le bon marché, c’est le cher !) Cristobal Balenciaga aimait voir ses manteaux portés dix ou 15 ans par les clientes, n’hésitait pas à retoucher si besoin était.  Et ça c’est durable et donc extrêmement moderne. (Et pas dans nos moyens ? Oui, aussi. Mais enfin, nous pouvons quand même nous inspirer de la démarche et investir dans une belle pièce plutôt que dans 15 petites horreurs mal coupées dans de vilains tissus et dans des conditions de travail dont nous devrions avoir honte à condition d’y penser. Je dis ça mais j’ai un comportement qui est loin d’être exemplaire, hélas.)




Ce qui est fascinant, c’est qu’on peut se projeter dans un vêtement Balenciaga. Quand on va voir une exposition de vêtement de haute couture du XXème siècle, ou quand on regarde les défilés, on se dit souvent que tout cela est bien beau sur les mannequins mais que ça le serait beaucoup moins sur nous. Les vêtements de Balenciaga donnent l’impression d’être fait pour toutes les morphologies. Les femmes pouvaient y loger leur absence de taille, une culotte de cheval ou des jambes un peu trop courte aux genoux cagneux et, pourtant, être sublime d’élégance. Pas sexy, non, mais terriblement élégante avec de l’allure, de la grâce, un port de tête altier, sans esbrouffe, sans prétention parce que les vêtements ne « montrent pas. » Et ce n’est pas pour autant une mode « modeste » pour les prudes. Il y a des la sensualité dans ces dos qui se dévoilent, ces encolures qui allongent le cou, soulignent la nuque… 




Les femmes ne sont pas des objets sexuels dans le monde de Balenciaga. Il n’y a pas de fétichisation, d’érotisation, de corps souligné, montré, exhibé. Et même si la mode actuelle pratique beaucoup ça, je trouve Balenciaga plus respectueux de ses clientes. (Dans un genre très bourgeois, nous sommes d’accord, n’en faisons pas un chantre du féminisme.) Oui, c’est bien de se libérer, de s’assumer, mais pas de se voir imposer d’être désirable et d’afficher en permanence qu’on est sexuellement disponible et en demande. (Oui, je déteste le « sexy » qu’on nous impose en permanence comme le standard à atteindre.)




L’une des préoccupations constantes de Balenciaga, qui n’est pas évidente quand un regarde des gravures de mode, très chic mais pas très réalistes, mais qu’on comprend mieux en approchant le vêtement, c’est le confort. Derrière la raideur des tissus, il y a de plus en plus de place pour un corps qui peux bouger, respirer, vivre. Nous sommes bien loin des modèles à taille étranglée qui requièrent la gaine ou le corset. C’est toujours un bonheur de voir les parisiens choqué par la robe sac de 1958 lorsqu’elle est portée en rue. Ils trouvent ça affreux, ridicule, indécent… Parce que c’est une robe loin du corps, pour une femme qui peux bouger, marcher, vivre, pas pour une potiche sur un piédestal.




Bref, depuis, je n’ai plus envie que de robes tuniques (J’ai passé l’âge de la baby doll) et surtout de m’envelopper dans d’amples manteaux du soir. Je me demande juste avec quel parfum je porterais ça. (Non, pas le dix, ce serait un peu trop cliché.)



Commentaires

  1. Merci pour ce bel article. Belette.

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    1. Je me souviendrai encore longtemps de la magnifique exposition Balenciaga au Musée Bourdelle à Paris avant transformation, de sa scénographie parfaite et du très beau catalogue édité à cette occasion.

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    2. Le problème avec Balenciaga étant que ce n'est pas nécessairement flamboyant (comme ses tailleurs semi ajustés qui sont juste beaux et portable mais moins extravagants et marquants que les pièce New Look de Christian Dior) si on n'a pas un minimum de connaissance de la technique parce que c'est totalement incroyable de voir la construction du vêtement par rapport au corps, et dans l'absolu puisqu'on dit souvent que certaines robes peuvent se tenir droites toutes seules. Et tout est fait au service de la cliente, de l'élégance, pas pour nourir l'égo d'un couturier mégalomaniaque qui pense qu'il a un message à faire passer... (Oui, les divas de la couture m'épuisent et je crois que j'apprécie aussi le mystère de Cristobal Balenciaga qui ne parlait pas. Oui, je sais, pour un grand bavard comme moi c'est paradoxal, mais on va dire que je parle souvent pour ne rien dire...)

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