70's

 


Il y a quelque temps, en regardant Stranger Things, j’avais eu des bouffées d’Anaïs-Anaïs qu’on sentait partout dans les couloirs de mon collège tant était bien rendu l’atmosphère de l’époque. En regardant Love Rain, un k-drama, qui se déroule sur deux époque, impossible de manquer que la première partie se passait dans les années ’70, pas très bien restituées, mais les coiffures et costumes suffisaient à mettre dans l’ambiance sans exploser le budget. À vrai dire, je n’ai peut-être pas reconnu l’époque parce que cela se passait avant la mondialisation et l’uniformisation totale, peut-être que la restitution de la Corée du Sud en ce temps-là était parfaite, je suis assez mal placé pour juger, mais tout cela m’a amené à m’interroger sur ce que sentaient ces années là.


La réponse est un peu décevante car je dirais : RIEN. Enfin, pas le parfum. Je sais qu’on associe l’époque au patchouli mais il ne se portait guère que dans certains cercles en dehors desquels il était regardé comme vulgaire. Longtemps, « ça sent le patchouli » suffisait à disqualifier un parfum, dans la bouche même de ceux qui adoraient Aromatics Elixir, ce qui prouve bien qu’il suffit de ne pas dire qu’on bourre un jus d’une substance qui n’a pas la cote pour le vendre bien parce que les gens adorent ça même s’ils vous disent que non. J’adorerais vous dire que les rues embaumaient le N°19 ou Rive Gauche, voir vous parler des baisers de ma mère qui sentaient bon le N°5, mais ce serait mentir et vous raconter l’époque telle que je la recrée. La reconstitution, si vous voulez mon avis, est comme souvent bien plus belle que l’original.


En réalité, si je réfléchis, je pense que c’était seulement le début de ce qu’on appelait la démocratisation du luxe et que les habitudes qui allaient s’installer dans les merveilleuses années ’80 n’étaient pas encore en place. On ne se parfumait tout simplement pas au quotidien, le parfum était encore quelque chose de rare, de précieux, qu’on portait pour les occasions, pour sortir, un flacon qui dignifiait la coiffeuse. Sentir des bois ambrés à 6 AM dans les transports en commun peut laisser songer qu’après tout ce n’était pas si mal. Peut-être les cocottes et les grandes bourgeoises embaumaient-elles dès potron-minet mais c’était un temps ou je ne fréquentais ni l’une ni l’autre. (Non, pas de dame en rose chez mes oncles, ce que je regrette peut-être plus pour eux que pour moi.)


Si je réfléchis, ces moments parfumés, si rares, ce qui ne les rendaient pas plus précieux, juste surprenants, sentaient surtout quelques parfums, présents à l’occasion, comme des ponctuations, qui me rappellent toujours ces années-là et ce n’étaient pas de grands classiques, ils le sont devenus par la suite. Il y avait les eaux chyprées : l’Eau de Rochas et surtout l’Ô de Lancôme (pour laquelle j’ai toujours beaucoup d’affection) et l’increvable, l’insubmersible Fidji qui parlait de vacances, d’exotisme tout en étant très parisien et dont je ne peux m’empêcher qu’il ait ravi la place du bien plus chic Air du temps dont il s’inspirait. Dans le fond, les années ’70, comme je m’en souviens étaient sages et propres sur elles, l’enfant que j’étais devant probablement être tenu éloigné du brûlant souffle bohême du patchouli. Enfin, du moins de mon côté, peut-être chez vous en allait-il autrement ? (Si vous me dites que votre mère a baigné votre enfance de First de Van Cleef, je vous préviens, je vais être terriblement jaloux.)


Mais tout cela, c’était avant l’arrivée du sulfureux Opium qui a bien changé la donne et ouvert la voie aux tonitruantes années ’80…



NB : à propos de Love Rain : l’histoire n’est pas sans intérêt, quoi qu’un peu longue, un peu gâchée par des rôles principaux assez exaspérants (pour les jeunes, les versions adultes sont très bien.) Heureusement qu’il y a les rôles secondaires, mieux joués et peut-être plus attachants car moins imprégnés d’un romantisme dont je ne sais s’il est plus énervant parce qu’il est masochiste ou mièvre. (Il y a des références constantes à Love Story et au Petit Prince, l’aurais-je su que jamais je n’eus regardé, le petit prince et sa rose me donnant juste envie de sortir le désherbant.)


Commentaires

  1. Mes camarades de classe aux Arts Décoratifs à la fin des années 70 ne se parfumaient effectivement pas tous les jours, à de rares exceptions. Mais lorsque nous sortions le week-end je me souviens que les filles portaient le "19" de Chanel et "Calandre" de Paco Rabanne et les garçons "Brut" de Fabergé (il était à l'époque aussi indélébile" que "Youth Dew" d'Estée Lauder par exemple) ou "Equipage" d'Hermès. Je me souviens que j'étais fasciné par la rose "métallique" de "Calandre" (même si à l'époque j'aurais été incapable de la nommer).

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    1. Ce n'était donc pas quotidien et on ne sentait pas un ou deux parfums qui régnaient dans tous les couloirs... La note métallique de Calandre me semble toujours aussi fascinante, plus nette, moins enrobée que celle de Rive Gauche et entre les deux, je dois bien dire que depuis que je les connais, je n'ai toujours pas réussi à trancher. Rive Gauche en automne et Calandre en hiver peut-être? (Le froid seyant particulièrement bien à cette note...)

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  2. Ma maman se parfumait (pour les occasions) à cette époque avec Eau de Rochas, et ce parfum me rendait malade en voiture - pas un bon souvenir donc. Je crois qu'elle a aussi eu Ô de Lancôme. Et mon premier parfum à moi a été Anaïs-Anaïs, que j'ai très vite détesté parce que tout le monde le portait. C'est sans doute ma maman qui a vidé le flacon.

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    1. Pour moi, Eau de Rochas, c'est la vraie star de l'époque. C'est dingue de voir à quel point il peut être oublié aujourd'hui alors qu'il était vraiment TRES porté, bien plus que certain qu'on met aujourd'hui sur un piédestal. Vraiment, on choisit et on recompose... Quelques années plus tard, des dizaines d'enfants ont suffoquer avec le Poison de leur mère. Être malade avec l'Eau de Rochas, finalement, c'est pas si mal comparativement. Anaïs, oui, tous le monde le portait, c'était un vrai grand succès, celui de toutes celles qui ne rentrait pas dans la team Opium et ses potes capiteux... Le successeur naturel des Eaux et de l'Air du temps.

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  3. Alors j'ai conscience que j'ai vécu une enfance (et la fin des années 70) à part olfactivement parlant. Mes premiers souvenirs remontent à mes 6-7 ans : ma mère portait Cinnabar et m'en avait offert une concrete en forme de médaillon. Mon premier parfum, donc. Et puis, elle m'a également offert deux parfums que je serais la seule à porter : Vanille Bourbon et Pomme-Cannelle d'une toute jeune marque nommée l'Artisan Parfumeur. Il y avait également plusieurs Boules d'ambre à la maison.
    Et je terminerai par mon père, qui lui portait ce fameux Aromatics Elixir dont tu parles : il l'avait piqué à ma mère et ne l'a plus quitté jusqu'à la fin de sa vie. Et quand il se sont connus, il portait Cabochard.
    Tant pour lui que pour elle, ces parfums étaient portés au quotidien. Là aussi ce n'était pas courant, et tu as raison : le parfum n'était pas encore un produit du quotidien... Sauf à la maison ! D'où sans doute mon attachement à la chose aujourd'hui !
    Merci pour ce revival... 😘

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    1. Cannabar et Opium, c'est déjà la fin de l'époque et pour moi, ça sent plus les années '80 auxquelle Opium à vraiment ouvert la voie en donnant la direction de ce qu'il fallait faire. C'était tellement ENORME comme lancement et succès, on vrai raz-de-marée qui a changé la donne pour la décennie suivante. En même temps que c'est deux-là, à la toute fin de la décennie, j'ai aussi quelques souvenirs de Magie Noire qui était si élégant dans ce genre oriental-sorcier.

      Ma première niche a aussi été l'artisan, mais avec Mure et Musc acheté lors d'un voyage scolaire à Paris (vite suivi par l'eau d'Hadrien), difficile pour les vieux comme nous (enfin, vieux, jeunes depuis longtemps plutôt) de ne pas rester attachés à cette maison qui avait tout bon: l'originalité, la créativité tout en faisant des choses faciles à porter qui semblaient évidentes...

      Aromatics, je crois que c'est l'un des premier mixte malgré lui, après les eaux que les filles ont piqués aux garçons, celui qui a traversé la barrière des genre grâce à son flacon pas chichi-pompon et son discours de l'époque qui le présentait comme un mood elevator bien plus que comme un parfum. Et pourtant, c'était un sacré parfum, absolument merveilleux et totalement envahissant si ceux qui le portait n'y prenait garde.

      Dans un sens, je ne regrette pas vraiment que ma famille ne se soit pas parfumée, même si ça me prive de souvenir, j'ai pu explorer, découvrir, me sentir parfaitement libre parce que je n'avait pas de référence. (Ce sont mes parents qui m'ont piqués mes parfums!) Dans le fond, olfactivement parlant, j'étais "l'orpheline de Lutens" qui avait la permission de sortir du cadre puisqu'il n'y avait pas de cadre. (Mais je suis quand même un peu jaloux.)

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  4. Oh, mon pauvre, tu as raté les meilleures sorties des Seventies
    Moi, que je suis bien plus vieille que toi (74), j'ai eu la chance d'acheter le Diorella en parfum à sa sortie, ils n'étaient pas hors de prix, l'Eau libre YSL, Givenchy III, le Roberta di Camerino, le vert, Rive Gauche, et le magnifique Vent Vert Cellier
    Le Fidji remonte aux Sixties, je le portais à 16 ans, le vrai, pas la bibine reformulé.
    On avait de la chance, oui!

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    1. Ah vous avez connu l'"Eau libre" YSL! Personne n'a l'air de se souvenir de cette très jolie cologne...

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    2. J'ai découvert avec un peu de retard, c'est tout et j'ai pu tout m'approprié sans références, c'est bien aussi. D'autant que les années '80 respectaient encore les classiques et ne les défigurait pas. Fidji est un bon exemple, lui qui a connu les succès pendant un quart de siècle sans discontinuer. Il est vrai que la marque investissait sur lui et ne faiblissait pas: on le voyait dans tout les magazine et sur toutes les chaines de télé, d'ailleurs son slogan "la femme est une île" a peut-être plus marqué que son odeur.

      J'ai de la chance, j'ai pu connaître Vent Vert avant le massacre (en 89?) dont je ne me suis jamais remis. Ils le ressortent aujourd'hui mais à un prix exorbitant et avec une formule qui n'a plus rien à voir. Bref, Balmain réutilisent juste le nom et méritent à mes yeux de faire faillite et qu'on ne parle plus deux, ce serait bien moins douloureux. (Enfin, jusqu'à ce que je termine les dernières gouttes du flacon géant d'eau de toilette qu'il me reste.)

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    3. Que Balmain nous rende le tout premier "Monsieur" (Germaine Cellier), merveille absolue que j'ai tout juste eu le temps de connaître avant sa disparition. (Il a été relancé début 90. Sans être vilain il n'avait plus rien à voir avec l'original et a disparu à son tour.)

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    4. Mais l'affreux flacon plastique, c'est pas vraiment la peine... (J'adorais Monsieur Balmain, mais le flacon était HIDEUX et détestable à toucher dans sa capote en caoutchouc ! )

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    5. Le plus drôle c'est que c'était un flacon en verre! Mais recouvert d'une gaine de plastique jaune. Je suppose que le marketing de l'époque a du se dire que l'idée du flacon incassable était géniale...

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    6. "Le plastique, c'était fantastique" croyait-on à l'époque...
      (Je ne suis pas objectif: je DETESTE la couleur jaune.)

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