Armide me dit que…

 

Ce furent des moments d’immobilité et d’inactivité. Une cheville foulée me retient chez moi, et je ne la mets vraiment pas à profit pour faire des choses intéressantes (ou pas intéressantes), ces choses qu’on projète et dont on se dit qu’elles sont « pour quand j’aurai le temps. » Ma vieille dame intérieure s’est épanouie dans ce rythme qui lui convenait, a pris sa camomille à 16 h, regardé la pluie tomber depuis son fauteuil et fuit l’actualité. Ma vieille dame intérieure a aussi beaucoup porté les Jardins d’Armide, de mon cher Oriza Legrand, qui lui va si bien.

Cette rose humide, un peu verte, passée, presque fanée, sur un cœur oudré et savonneux, avec juste une petite touche de douceur mièllée-musquée dans un fond lointain, c’est très exactement son parfum préféré, celui qui lui va le mieux au teint et qui lui rappelle sa grand-mère lorsqu’elle était petite fille, il y a très longtemps. C’est un parfum que j’aime beaucoup, tellement ancien, mais pas en ruines, que je ne pouvais pas croiser sans l’acheter, mais que j’ai parfois du mal à porter : je le trouve un peu trop difficile à porter sur le théâtre du monde, pas qu’il soit « trop vieux » (voilà bien une chose que je pourrais assumer mais parce qu’il requiert la paix, le calme pour être goûté. Le décalage avec notre époque rapide et connectée est trop grand. 

Pour lui, pour sa si belle rose ancienne, je pourrais envisager de me retirer à la campagne pour mener une vie simple dans un manoir à pignons et recoins, mais je crois que je ne suis pas prêt pour ça. Armide me dit que j’ai tort, que je passe à côté de choses essentielles et elle a probablement raison.

Jardins d’Armide, Oriza L.Legrand, 2013.