eau de bonpoint

 parfum de chevet


Certaines collaborations sont plus évidentes que d’autres. L’eau de Bonpoint par Annick Goutal était une évidence évidente, une collaboration entre sœurs, deux univers à la poésie BCBG et rétro. Depuis sa création, le parfum à un peu changé mais pas tant que ça et il continue d’enchanter les adultes qui aiment que les enfants lisent des contes de fées plutôt que de jouer sur console et peut-être aussi leurs enfants. Je considère qu'avoir des enfants pour porter l’eau de Bonpoint est parfaitement optionnel, faites-vous plaisir et n’ayez pas de ces scrupules mal placés.


C’est assez fascinant de se dire que le parfum a été créé en 1986. En le sentant, on dirait qu’il n’a qu’une dizaine d’année tant ce genre de notes a été à la mode à ce moment. Cette eau à été plus originale qu’elle ne l’est aujourd’hui, réinventant discrètement le genre cologne, parce que comme les eaux chyprées avant elle, elle réinventait ce classique de la parfumerie. Sa fleur d’oranger musquée (elle était un peu plus mousse que muscs blancs à l’origine) mise beaucoup sur le petitgrain et le néroli et l’accompagne d’un départ agrumes et aromates qui donne la sensation d’une cologne, un peu plus intense, très douce, qui dure longtemps sur une jolie note propre et douce. Elle s’est réincarnée chez Annick Goutal en Néroli, discontinué aujourd’hui, mais peu importe puisque l’original est là. On parle beaucoup des cologne Hermès de Jean-Claude Ellena comme ayant renouvelé le genre mais c’est faire l’impasse sur l’eau de Bonpoint qui avait déjà, avec certes moins de succès, ou plus de confidentialité ?, ouvert la voie.

C’est très élégant et très chic. Les notes de cologne, c’est toujours très beau, très séduisant, un peu passe-partout peut-être, mais leur universalité ne doit pas être forcément confondue avec la banalité ou le manque d’imagination. L’eau de Bonpoint sent le propre, un peu lessiviel, le doudou réconfortant mais avec un petit quelque chose en plus. Lumineuse, trop lisse, trop polie, un peu froide avec malgré tout une petite touche de nectar, elle semble capable de dureté, comme un rappel d’une certaine perversité des contes de fées qui ont besoin d’une marâtre ou d’une sorcière. Elle est un peu plus complexe qu’il n’y paraît. (Le sadisme chez la comtesse de Ségur, vous avez une heure.)

Portée avec de la broderie anglaise, à plus de huit ans, ce serait un peu ridicule, avec un smoking ou une robe de bal encore plus, mais c’est parfait avec une marinière ou une chemise de popeline. Et puis surtout, c’est un parfum à avoir à son chevet pour éloigner les cauchemars, les angoisses nocturnes même si c’est un peu Sainte Nitouche pour une nuit torride, mais pourquoi pas, merci de ne pas me raconter, je ne veux pas savoir. La marque a par ailleurs sorti une version maison -je pensais ne craquer que pour elle avant d’embarquer les deux- qui semble faite tout exprès pour parfumer la courtepointe et les rideaux fleuris d’une chambre un peu « Marie-Antoinette à Trianon. » 

S’il faut choisir… Je vous avoue que les deux sont interchangeables. (La législation pour les parfums de maison est moins stricte en termes d’allergènes, mais ne vous retenez pas de les vaporiser sur les vêtements si ça vous amuse, ils sont parfois tout aussi joli que les parfums de peau et souvent moins dispendieux.)


Quoi qu’il en soit, l’eau de Bonpoint est au sens premier un parfum « pour soi » très égoïste qui se fiche un peu des modes, de ce que peuvent penser les autres. Elle ne se porte pas pour impressionner ou séduire, juste pour se faire plaisir, un plaisir régressif et très joyeux.


Eau de Bonpoint, Annick Goutal pour Bonpoint, 1986.

NB : je suis ravi de retrouver un peu de l’esprit d’Annick Goutal qui me manque tant : ce qu’est devenue sa si jolie marque après le rachat par Amorepacific étant un peu n’importe quoi. Oui, oui, je suis bien en train du mal du groupe coréen dont je suis pourtant très bon client. Non, je ne suis pas totalement objectif.

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