...moiselle! mademoiselle!

 

Après m’être vautré dans les aldéhydes modernes de Calandre et Rive Gauche, je me suis senti d’humeur plus New Look et ai arboré fièrement du chypre vert aldéhydé avec Ma Griffe de Carven et Miss Dior. L’original en version ancienne, pas le truc improbable vendu sous ce nom aujourd’hui qui n’a rien de classique et pas grand-chose de joli… Je me suis trouvé absolument adorable. En Miss Dior.

 

Ma Griffe, je dois bien admettre que c’est extrêmement raide dans les aldéhydes et que ce vert exotique qui dévoile un gardénia capiteux évoque le jardin d’hiver d’une bourgeoise provinciale pas aussi riche qu’elle voudrait l’être mais qui porte beau. J’admets que ce n’est pas le parfum le plus sympathique de l’univers. Mais curieusement, ça fonctionne très bien dans l’univers du travail cette senteur de patronne qui fait chier sa bonne (et probablement son mari) après avoir passé son après-midi à se faire laquer le brushing chez Monsieur Antoine.

 

Miss Dior est beaucoup plus aimable, en rondeurs, avec une évidente volonté de plaire. Son vert était jeune et frais, ses fleurs ravissantes et son fond de chypre affichait des formes généreuses et accueillantes sous la fourrure. Il a certes un peu vieilli, mais quand on le sent, il évoque toujours un monde élégant de jeunes gens sages (?) en tenues de bal qui semblent vouloir reconstituer l’un ou l’autre compte de fée le temps d’une fantaisie. Mais j’admets pourtant que ce n’est pas le parfum le plus accessible de l’univers.

 

J’ai eu de la chance, je l’ai rencontré dans ma jeunesse (pour une datation aproximative: tentez de déterminer l'âge de mon flacon), une époque ou la plupart des parfums fonctionnait encore sur le registre classique de l’évolution et ne présentaient pas les notes les plus aimables pour commencer. Au contraire, les chypres classiques, ont toujours vaguement l’air de nous prendre à rebrousse-poil, de présenter en premier un visage antipathique avant de dévoiler un bon fond. Nous savions que c’était la règle, nous étions patients, nous attendions. On jugeait le parfum sur la durée, habitude qui n’a plus guère court aujourd’hui. Et je comprends donc que Miss Dior, l’original, le seul, rebute les jeunes générations, qu’on le trouve revêche et vieillit.

 

D’autant qu’il préférait avoir du charme, voire de l’esprit, à être sexy » qui est le mantra du jour dans les bureaux de marketing. C’est peut-être ce qui le démode le plus. Loin de moi l’idée que l’on puisse s’arrêter à un détail aussi futile que « être à la mode » d’autant que je suis à la pointe de la modernité en commandant sur internet dans un magasin physique parce que je n’aime pas le ton des vendeurs – « le personnel, de nos jours… » ton exaspéré- en leur disant que « très bien, je ne vais pas le prendre chez vous. » (Sérieusement, avant de me trouver démodé, adaptez-vous au XXIème siècle les gens…)

 

Dans le fond, je suis moderne parce que je n’aime pas perdre mon temps. Le parfum, forcément, ce n’est pas moderne, c’est prendre son temps. C’est important de prendre son temps, prendre du temps pour contempler. Tout ne doit pas toujours aller vite, être immédiat. (Point philosophie de comptoir mais avec une coupette de champagne et une merveilleuse robe de cocktail, ça passe beaucoup mieux.) Non, mon parfum du jour n’est pas poussiéreux, il est poudré et vous êtes des béotiens. Mais continuez à dire que « ça sent la vieille » qui un bon repère pour moi, dans un réflexe très pavlovien, je tends les bras en disant « je le veux » et je ne suis jamais déçu.