oud, guerlain

 

Si, comme moi, vous vous demandez « mais qui sont ces gens qui portent du oud ? » j’ai peut-être un élément de réponse : la seule personne sur qui j’ai pu sentir du oud était un vendeur de sex-shop. C’est une niche, et je n’ai pas investiguer plus loin, mais c’est peut-être le public nouveau que cherche à conquérir Guerlain qui nous a sorti non pas un mais trois ouds. Après tout il faut bien vendre et tant qu’on me laisse acheter mon Heure Bleue, je ne juge pas. Même si je ne peux m’empêcher de penser que trois d’un coup, c’est peut-être exagéré, j’en suis presqu’à regretter l’époque ou la niche selon Guerlain, c’étain de grosses vanilles bien plus accessibles que le mainstream. (On entre facilement dans un Cuir Beluga alors que la complexité d’un Mitsouko demande une certaine culture. Oui, je sais, le discours de la niche et de l’exclusif, c’est tout l’inverse…)

 

Parlons donc de oud et dans un ordre… (Sans ordre ou presque.)

 

Cherry Oud 

Personnellement, rien qu’à l’idée, j’ai fait la grimace. Cette idée de foutre une note fruitée que je supposais écœurante dans le oud pour le rendre encore un peu plus dégueulasse, vraiment, je ne comprenais pas. J’ai senti et je dois admettre que ma grimace était un peu prématurée et exagérée. Oud Cherry est effectivement une note sucrée fort peu jolie apportée au oud, mais l’accord fruité floral, noyé dans le bois est moins écœurant que ce à quoi je m’attendais. Même si c’est loin de la petite robe noire-oud que j’imaginais cherry oud reste très laid.

 

Oud nude

La première impression est une note cosmétique amandée-vanillée qui n’est pas sans rappeler un univers que j’affectionne. C’est du déjà senti, entre l’Amande Persane de Roger et Galet et l’Ombre Rose de Jean-Charles Brosseau, c’est enveloppant et nu même si crémé et poudré parce que la nudité, c’est toujours un peu plus joli avec filtres. Le oud apparaît, boisé, sentant toujours un peu le berger mal lavé et je me dis que le résultat aurait vraiment pu être intéressant, comme une revisite du jeu classique sur le propre et le sale qui mariait les notes propres et savonneuses des fleurs et des aldéhydes sur un fond subtilement animal. Hélas, le collage de Delphine Jelk (qui signait déjà le Cherry Oud) est maladroit. Ça ne prend pas vraiment, les deux notes sont juxtaposées, ce n’est pas très subtil, mal exécuté, maladroit. J’admets que faire dans la subtilité aurait trahi l’intention qui était probablement « vendons du oud » (aux vendeurs de sex shop ?) que ce n’est pas très moderne et que tant qu’à vendre du oud il faut que ça sente le oud, etc., mais j’aurais préféré. (Je suis très moderne, pourtant, modern style.)

 

Oud Khôl

Le plus radical de la bande des trois est aussi le plus intéressant. Un peu d’aldéhydes pour faire scintiller au départ et puis le oud assombri par des notes fumées qui paradoxalement le rendent moins sale. Il est juste sombre, ténébreux. Discrètement une note cuirée apporte un soupçon de confort, mais pas trop, à ce parfum de bois très secs qui piquent un peu, qui n’aurait sans cela rien d’humain ou d’animal. Même moi, qu’on ne peut soupçonner d’aimer le oud, le peut voir l’intérêt, trouver une certaine beauté au parfum, pas vraiment comme parfum de peau, plutôt comme parfum d’ambiance, une ambiance qu’on aurait voulue plus impressionnante que confortable, un peu malaisante parce que ça rend les choses excitantes, une ambiance de dark room ? Je serais presque tenté. Peut-être que si Guerlain voulait bien nous sortir une version bougie ? (L’odeur irait magnifiquement bien à l’actuel contenant noir et massif.)

 

Oui, oui, vous avez bien lu, j’ai écrit que j’étais presque tenté par un oud. Avez-vous jamais été tenté ?

 

Cherry oud, oud nude, Delphine Jelk pour Guerlain, 2022.

Oud khôl, Thierry Wasser pour Guerlain, 2022.