« Jusque-là, parce que je n’avais pas compris, je n’avais pas vu. »
Marcel Proust,
à la recherche du temps perdu, Sodome et Gomorrhe, 1921.
La
civilisation adore les codes. On se souviendra des belles marquises du temps
jadis qui d’un coup d’éventail savaient indiquer aux abbés de cour qu’elles
étaient prêtes à leur céder. Plus récemment, on se souviendra du code du
bandana des années ’70 qui permettait aux homosexuels de se reconnaitre entre
eux et ce que l’autre recherchait précisément, selon la couleur du foulard et
le fait qu’il soit porté à tel ou tel endroit. C’était d’autant plus byzantin
que c’était précis et les méprises devaient être nombreuses. D’autant qu’on peu
porter un foulard sans nécessairement être à la recherche de sexe, là,
maintenant, tout de suite, avec le premier qui voudra.
Personnellement, frileux
et souvent malade (Mon record fut en secondaire une année ou je fis huit
angines qui se traduisirent par autant de semaines d’absence.), j’adore m’envelopper
d’écharpes et de foulards. Il est donc probable qu’en vertu de ce code j’ai
hurlé à la face du monde, ou du moins de quelques initiés, que j’étais un
prostitué qui acceptait tout pour trois francs six sous ou un maître prêt à distribuer
allègrement quelques coups de fouet. Dieu merci, les applications mobiles nous
permettent aujourd’hui de savoir exactement qui veut quoi dans les parages et nous
n’avons plus besoin de ce genre de byzantinismes que certains considèrent
peut-être avec nostalgie.
Cependant,
je me pose une question : y a-t-il un perfumista code ? Le
maîtrisons-nous tous ? sommes-nous tous d’accord ?
Du temps de
Balzac, le musc tonkin et le patchouli étaient l’apanage des gens de mauvaise
vie. Depuis, les années ’70 nous ont appris que le patchouli n’était pas vénal…
Ma foi, c’est assez simple en apparence. Mais si nous parlions plutôt des
fleurs ? Ou plutôt, si nous les écoutions ? Elles appellent à l’amour,
mais si la rose est sentimentale, parfois passionnément, les fleurs blanches,
plus elles sont chargées d’indole, nous parlent très nettement … cul. Je suis
désolé, mais c’est le mot à employer, impossible de l’éviter. Avec ses
connotations religieuses de pureté, le lys semble vouer la vierge au satyre, le
jasmin est un libertin plus ou moins dépravé… (à quand un parfum nommé Jasmin
Libertin ?) Seule la tubéreuse n’est pas indolique mais, pour elle, la
situation est probablement pire, elle évoque immanquablement une séduction
hystérique privée de jouissance. Les femmes bien ne devraient porter sur les
conseils de la baronne staffe dans son usages du monde, paris, 1889, que de la
violette et de l’iris. Deux fleurs, tout au plus sentimentales et assez froides.
Sauf que la Baronne n’avait pas vu venir l’impérieux N°19 de Chanel. À moins
que ?
Les cuirs
seraient fétichistes, les chypres de façons générale compliqué. Mais…
À quel
point est-ce qu’on se raconte des histoires ? Tous*. Peut-être qu’on
devrait un peu plus compter sur la géolocalisation et les applications de
drague. Ou porter juste du parfum pour se faire plaisir à soi parce qu'on aime l'odeur. Ne pas penser
que ça fait partie d’une panoplie de séduction. Laisser le discours « élégant
et sensuel » aux gens du marketing et rire un bon coup de ce genre de
conneries qu’on essaye de nous refourguer en permanence…
*Les plus
dérangés mentalement étant les porteurs de Sauvage by Dior pensant sincèrement porter un parfum de
séducteurs.
J'adore ta façon d'écrire !!! 😍😍
RépondreSupprimerOh un grand merci!
SupprimerJ'aime beaucoup ton écriture
RépondreSupprimerBeaucoup merci!
SupprimerTrès beau texte... qui fait réfléchir... moi aussi j'adore m'entourer d'étoffe et d'odeurs. Le plus grand plaisir est de porter une écharpe légèrement parfumée d'un parfum oublié.
RépondreSupprimerOh oui, les foulards et les écharpe qui sentent encore bon alors qu'on avait oublié, c'est tellement un plaisir... Comment vivre sans?
SupprimerOn en apprend tous les jours ! Et pour moi, aujourd'hui, c'est l'utilisation du bandana ! Je connaissais le bandana rouge de Renaud, Titi parisien, gavroche, Poulbot... mais pour le reste je n'étais pas au courant ! Merci d'avoir complété mon instruction ! :-)
RépondreSupprimerLes parfums verts ! Mes préférés, avec les chyprés ! Quant aux fleurs blanches, très peu pour moi, si elles sont belles à voir, leurs parfums m'entêtent...
Je ne me suis toujours parfumée que pour moi, pour me faire plaisir à moi, égoïstement peut-être :), mais ce que les autres percevaient de moi n'a jamais été mon problème. Trop compliqué de s'occuper du monde...
Merci pour cet article très intéressant et bien écrit !
Moi, je dis: VIVE L'EGOISME!
SupprimerEn même temps, ne pas faire attention, oui et non, je ne tiens pas à incommoder les gens avec lesquels je vis. (Enfin, sauf si je fais la gueule et que j’ai envie de faire enrager le monde, bien sûr !)
Le parfum c'est pour soi d'abord, et les autres un peu. Mais il doit nous plaire, on doit se reconnaître, il nous parle, nous réconforte, nous réveille, nous accompagne, nous stimule ou nous apaise (et la liste est encore longue)
RépondreSupprimerAh non, je n'ai pas besoin de m'y reconnaître, au contraire, j'aime parfois qu'il ne me ressemble pas et l'enfiler comme un rôle que je joue. Bon, certes, je ne peut pas tout jouer, mais je n'ai pas peur des déguisements!
SupprimerBonjour, j'ai découvert ce blog par hasard aujourd'hui et je lis tous les articles, c'est pour cela que je réponds tard... J'aime beaucoup votre façon de parler des parfums.
RépondreSupprimerMoi qui suis assez timide j'adore pourtant le jasmin qui ne m'évoque pas du tout les courtisanes mais les nuits d'été dans le jardin de mes grands parents...Donc oui, les connotations des odeurs sont bien moins codées que ce qu'on veut en dire! Bonne journée.
Oui, c'est bien moins codé et il y a aussi une notion de culture qui compte beaucoup! Les anglo-saxon, sont beaucoup plus sensible aux notes sales comme l’indole du jasmin, plus choqué.C'est lié à une certaine pruderie protestante, à l'hygiènisme mais aussi à d'autres habitudes alimentaires... Quand on consomme du fromage puant et qu'on aime ça, on sait que les notes sales sont indispensable pour donner du relief et que le tout est supérieur à la simple somme des parties...
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