état des lieux

Je suis né et j’ai grandi avant le world wide web. J’ai grandi dans un monde ou on communiquait moins. Sans forums, sans média sociaux. Pour le perfumista que j’étais, ça signifiant un grand isolement. Je ne connaissais personne qui s’intéresse à la chose. Et je n’avais accès à aucune information en dehors de quelques livre à la bibliothèque. Une bibliothèque qui possédait une exemplaire de la bible : le que sais-je ? d’Edmond Roudnitska. Il y avait aussi quelques « information » dans les magazines ou les journalistes faisaient du remplissage entre les pub pour faire plaisir à l’annonceur. (Non, je n’exagère pas, lisez les articles parfum de n’importe quel magazine et osez me dire que j’ai tort ! °

Internet a tout changé. Soudain, j’ai pu parler avec des gens qui s’intéressaient au même chose que moi, je n’étais plus seul. C’était quelque chose de merveilleux. Il y avait tout d’un coup une vraie joie à partager, à dire ce qu’on portait aujourd’hui, à gloser des heures durant sur les mérites de nos parfums chéris. Tout d’un coup, il y avait quelqu’un qui me comprenait et qui même à l’autre bout du monde savait que je sentais merveilleusement bon et qui à distance partageait ma félicité. Honnêtement, je peux dire qu’en me faisant trouver une communauté, internet a changé ma vie de perfumista. C’était fun, spontané et ruineux, mais ça faisait tellement de bien d’être entre nous et de pouvoir se moquer des gens qui nous trouvaient… Bon, disons que ça va de bizarres à déviants.

Et puis ça s’est mis à changer. Je crois que les réseaux sociaux y sont pour quelque chose. Ou peut-être les marques qui nous ont repérés ? Tout d’un coup, les choses ont changé. Tout est devenu (devient ?) moi authentique, il y a de la compétition. On n’est passé de « partager notre parfum du jour, notre dernier coup de cœur en esthétisant un peu les choses » à une compétition, des rivalités, une course à la nouveauté, à la rareté. Nous sommes devenus des snobs amateur de raretés précieuses, courant après la niche… Bref, nous sommes devenus snobs. En oubliant ce que c’était que « sentir bon » et le plaisir que ça peut donner. Prenons-nous encore du plaisir à porter le même sent-bon que notre voisin de compte Instagram ou est-ce que ça nous énerve ? Est-ce qu’on prend encore du plaisir à porter trois jours de suite une vieillerie à trois francs six sous qui nous fait du bien ou est-ce qu’on se dit qu’il faut se reprendre parce que bon… Est-ce qu’on ose encore porter le jus de cette bouteille pas photogénique ou est-ce qu’on se dit que non, celle-ci sera plus jolie quand même, quand je twitterai mon parfum du jour.


Les influenceurs (ces saletés d’influenceurs, vous m’avez probablement entendu le penser) ont faussé le jeu en gagnant leur vie sur notre dos. Tout d’un coup, leur critères se sont imposés à nous, nous voulons faire aussi bien. Mais non, je n’ai pas envie de jouer le même jeu. C’est pour ça que j’ai écrit « ni en partenariat, ni en collaboration » dans ma bio Instagram. Pas pour rester authentique et sincère, je me soucie comme de ma première culotte abandonnée dans un lit inconnu d’être un être de synthèse parfaitement synthétique, mais parce que je veux continuer à m’amuser, à me faire plaisir. Ne pas avoir de stratégie. Pour certain, je perds. Au moins mon temps. Et alors ? C’est grave docteur ? Est-ce que je veux devenir Jeremy fragrance ? S’il vous plait, le jour où je dresserai une liste des cinq parfums les plus sexy ou des dix parfums qui vous vaudront le plus de compliments, par pitié faite moi bouffer mon iPad. Vous savez, dans le fond, je suis resté une girl who just wanna have fun ’80 qui veut s’amuser en hurlant à tue-tête avec Cindy Lauper…

Et les endroits ou je me sens le mieux sont ceux ou il y a finalement fort peu de monde. Pas vous ?


Commentaires

  1. Continuer à s'amuser, prendre du plaisir à échanger avec des personnes qui ne sont pas dans le jugement ni dans la compétition, faire fi des influenceurs qui ne savent même plus apprécier un beau parfum à force de courir derrière la niche la plus hype et qui sont capables d'encenser un jus qui coûte un salaire annuel et qui pue la bouse de vache ... bref, rester authentiques, rester nous-mêmes. Porter ce qui nous plaît et fuck the reste.

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  2. T'inquiète si je vois le début d'une mèche pleine de gel ou de Ferrari j'arrive te faire manger ton ipad (je prendrai une gaufre en passant).

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    1. Vous pouvez z'avoir toutes les gauffres qyue vous voulez. Enfin, prenez des gauffres de Liège, elle sont bien meilleurs que les gauffres de Bruxelles. Et aujourd'hui, je suis en Vanderbilt, payé 12€ je crois, mais que j'aime beaucoup beaucoup. (Et non je n'ai même pas un petit sentiment de gène en l'annonçant.)

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  3. Étonnant parcours, je dirais différent du miens, qui ai toujours été suivie ou précédée de sillages parfumés, avant que je ne les suive...
    Il y avait le parfum de Papa et de Maman, les parfums de mes tantes, de mes cousines, des voisines,les parfums des hommes de la famille, et puis les parfums des professeurs, ceux qu'on croise dans la rue ou dans les magasins, pour arriver au premier parfum, je devrais dire à la première eau de toilette offerte pour mes 20 ans "Cristalle"...
    Et ensuite ceux que je me suis offert, ceux des amies, des collègues de travail -dont une dame qui jouait au tiercé en mettant du Givenchy III car il lui portait bonheur- Donc, les histoires de chacunes avec leurs parfums, les parfums que l'on offre, les livres qui en parlent, entre littérature et livres spécialisés, remplis de belles illustrations...
    Je n'ai jamais été seule, étais-ce une chance d'être née à une époque antérieure, au milieu des années 50 ?
    Et maintenant que je suis seule, c'est sur Internet que je lis ce qu'on dit des parfums, et je suis toujours entourée d'histoire de parfums, et ça me rend heureuse...
    Merci à vous.

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    1. La tradition familiale n'étais pas eu parfum. J'imagine qu'en dehors d'un peu d'eau de cologne 4711, c'était un article de luxe destiné aux femmes de mauvaise vie ou quelque chose comme ça, mais c'était une frivolité qu'on avait pas. Le savon et puis c'est tout. ça n'aide pas comme départ dans la vie... Je n'étais pas destiné à avoir un blog parfum ;)

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  4. Bon moi j'avoue j'aime sentir bon mais en bonne migraineuse je fais très attention aux parfums car ils sont un déclencheur puissant. Mais j'aime sentir bon, et les gens qui sentent bon. J'aime ton compte pour son esthétisme et sa poésie, et la façon dont tu nous partages tes parfums. On y sent ton cœur, ton âme ? En tout cas on y sent bon

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    1. Migraineux aussi, les odeurs ne déclanchent pas chez moi, mais elles n'aident pas. Disons que c'est moins un facteur pour moi que la lumière. Ah oui, c'est bon de sentir beau...

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  5. je revendique le droit à porter des sents-bons à 3 frcs 6 six sous qui me font plaisir ; du coup, j'ai l'impression d'être une rebelle et de porter des "parfums de niche", vu que la "norme" sur les réseaux sociaux sont les parfums confidentiels qui coûtent un bras, ceux promus via PR aux zinfluenceuses et zinfluenceurs ou Jo Malone et Atelier Cologne.
    Et tu n'as ni la mèche, ni la prétention, ni le complet-veston de Jeremy Fragrances. Tes Doc Martens sont nettement mieux et, pour citer Boris Vian, tu es tellement snob que "Et quand je serai mort j'veux un suaire de chez Dior!" ;)

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    1. Ah mais le prix, on s'en fiche, oui! Moi, mes meilleurs ont souvent été des affaires sur eBay ou un brocante, un Y ancien à 15€, etc. Ou mon Vanderbilt du jour à trois francs six sous tellement délicieux!

      Ah Jeremy, vraiment, je ne peux pas et je crois bien que je ne pourrai jamais. PEut-être après lobotomie? Mon snobisme serait plutôt à la Sarah Bernardt: dormir dans un cercueil parce ;) que "c'est la seule chose qui ne sera jamais qu'à moi."

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    2. Mes parents aussi étaient plutôt eau de Cologne, si ma mère en usait mon père en abusait, il s'en frictionnait deux fois par jour ! Je lui avais offert Eau Sauvage, mais il n'a jamais fini le flacon, que je possède toujours...
      Est-ce indiscret de demander quelle fut donc ta première émotion olfactive, pour en arriver là ?

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    3. JE crois que ce fut un échantillon d'Eau Sauvage. (Le soin était permis, ce qui explique qu'un échantillon etterrisse chez moi...)

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    4. Merci pour cette réponse ! Je vous tutoie ou je te voussoie ? Je ne sais plus ! Bonne fin de semaine parfumée !

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    5. Je crois que l'étiquette internet est au tu. (Mais j'ai peut-être que ça a changé? Bon, on va dire tu.)

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  6. Bonjour Dau,

    merci pour ce beau billet de blogue. Moi aussi je suis "âgée", née au début des années soixante-dix... Je suis aussi perdue dans ce monde d'instragrameurs, de youtubeurs et d'influenceurs...Merci de parler de parfums simplement mais avec style et classe. vous êtes un incontournable. Je vous lis depuis des années et continuerai de le faire avec une grande joie! J'ai beaucoup appris de vos idées! Bonne continuation!

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    1. Oh, merci, c'est très très gentil ce petit mot et il me fait bien plaisir! On a le même âge, plus ou moins et il doit y avoir un effet générationnel. J'avoue que contrairement à beaucoup d'influenceur, j'aime bien les mots qui m'arrivent assez facilement et que j'écris souvent des pavés çà la va-vite, sans trop me relire et corriger avant de publier. Parce que je n'ai pas le temps, aussi, mais surtout parce que mon premier jet est souvent le meilleur, le plus efficace. Et les billets que je trouve bâclés, ceux qui sont écrits dans la précipitation et le manque de temps, sont souvent ceux qui ont le meilleur accueil...

      (Mais ça ne m’empêche pas d’être très visuel, de faire attention aux images et d’adorer regarder celles des autres !)

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