« C’est démodé ? Dit la princesse de Parme avec le léger saisissement que lui causait cette vague nouvelle à laquelle elle ne s’attendait pas, bien qu’elle sût que la conversation de la duchesse de Guermantes lui réservât toujours ces chocs successifs… »
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le côté de Guermantes, 1921.
lumière, Rochas, 1984 |
En 1984, Rochas était encore dans la course. Certes, Mystère n’avait pas été le succès escompté et Madame Rochas prenait la poussière sur des coiffeuses un peu démodées, mais Femme était un grand classique, catégorie toujours très respectée à l’époque, et l’Eau de Rochas était encore et toujours un carton qui s’écoulait facilement dès les premiers beaux jours. Lumière, le nouveau parfum proposait un grand floral blanc très en vogue à cette époque. (Nés dans le sillage du monstre Giorgio.)
Lumière était très classique, très dame, en un temps où la jeunesse n’était pas la clef du succès, mais s’il ne visait pas la jeune fille, il tentait de toucher un public de jeune femme. Ce qui fait que je l’ai toujours imaginé sur des jeunes mariées, pas trop « ingénue tout juste sortie du couvent. » Quelques aldéhydes, un peu de bergamote, quelques notes vertes et de la fleur d’oranger, surtout, nous plongent directement dans une ambiance florale. Le bouquet tubéreuse-jasmin, tirant un peu sur le gardénia par instant, est soutenu par des roses, de la jacinthe et un fond de bois et mousses très en retrait. Le résultat est assez surprenant pour l’époque car il n’est pas monstrueusement lourd et envahissant, absolument pas strident. Lumière montre de belles rondeurs, transparentes et crémeuses, effectivement lumineuses. Pris entre les Jardins de Bagatelle de Guerlain et le Beautiful d’Estée Lauder, le parfum Rochas semble presque timide, écrasé. Les autres lui ont volé la vedette, mais avec le recul, l’interprétation de Rochas semble bien plus élégante, plus intemporelle.Un peu moins démodée, que ceux qui lui ont fait de l'ombre et qui sont, aujourd'hui, beaucoup plus datés, épaulé.
Porter Lumière en vintage aujourd’hui est somme toute assez facile : ce pourrait être un Artisan Parfumeur ou un Ophélia de Heeley, voire un Diptyque. Certes, ce n’est pas un monument à revisiter absolument, un indispensable de la culture parfumée, mais un bien joli parfum sur lequel mettre la main pour l’amateur de floraux, un parfum dont on sait qu’on le portera pour le plaisir de baigner dans une ambiance sage, très bourgeoise, qui n’a pas besoin d’exhiber vulgairement richesse et sensualité.
Lumière, Nicolas Mamounas pour Rochas, 1984.
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