“Aussi était-elle entrée pour toujours semblait-il, dans la période de la chasteté finale, et elle n’avait jamais été aussi élégante.”
Marcel Proust, à la recherche du temps perdu, le temps retrouvé, 1927.
Le premier parfum d’Yves Saint Laurent est une composition classique merveilleusement dépouillée de tous les éléments pouvant faire cocotte. Y est un chypre vert et fruité, pourtant, il n’a rien de potelé, rien de sensuel, contrairement à ses illustres ancêtres. Y est vert feuillage, aldéhydé, et dévoile doucement sa note fruitée qui lui donne un peu de chair. Les fleurs, si elles sont bien présentes, sont très retenues et les aldéhydes font discrètement scintiller avant d’apporter un sillage poudré propre.
Pas question d’exubérance, pas question d’être sexy ou aguicheuse, cela aurait fait « mauvais genre. » Quant aux mousses du fond, si elles évoquent la nature, c’est celle d’un jardin à la française, taillé au cordeau, maîtrisé jusqu’au plus petit bourgeon. Des anciens, il a pris la structure, l’abstraction et la grâce. À ceux qui le suivront, il lèguera une structure affinée, plus mince et plus verte. Mais ses successeurs des années ’70 qui lui devront beaucoup, seront beaucoup plus autoritaire, plus raides que lui. Ils auront un peu oublié ses bonnes manières.
Le parfum est « couture » comme aucun autre. Ajusté, coupé étroit, flatteur. Aucune surenchère en lui, pas de décorations inutiles, de falbalas, d’accessoires surchargés. Il a une élégance sèche, un peu hautaine. Dans Y, on doute un peu de la signature Saint Laurent, plutôt exubérante si c’est Opium ou la collection ballets russes qui viennent à l’esprit. Y, c’est l’épure, l’absence de poitrine, les longues jambes dans une robe smoking. Y est un chypre sec, altier. Il paraît bien étrange aujourd’hui qu’on nous vend la féminité à grand renfort de nichons exhibés et de cuisses haut montrées. Le parfum pop pour minette sexy ne me dérange pas par principe, je trouve juste qu’il est bon d’avoir une alternative. Sentir Y en version ancienne dans une parfumerie contemporaine est un antidote au cliché unique et monomaniaque.
Austère, mais l’austérité est beaucoup plus mon genre dans une robe Saint Laurent que dans une robe de bure, c’est quand même beaucoup plus confortable. Je l’adore pour les jours de sublimité absolue, mais sans les diamants.
Y, Jean Amic pour Yves Saint Laurent, 1964.
Bonsoir Dau,
RépondreSupprimerVoilà un parfum que j'aime à la folie, pas pour le porter toujours mais pour certaines semaines printanières où je le perds et tout d'un coup, il me revient, il m'enveloppe de ses effluves. Ce n'est pas le préféré de mon mari (qui en ce moment meurt pour Mandragore Pourpre) mais je l'aime, à la folie, si bien que je le dose, mais pour ne pas cesser de l'aimer.
A bientôt!
Sara
Bonjour Sara,
RépondreSupprimerMoi aussi j'ai des parfums que j'aime, que j'adore, mais pas pour les porter et pas tout le temps.C'est étrange et compliqué ce genre de relation. JE suppose que le client lambda de parfumerie n'y comprendrait riene et nous regarderait comme des extra-terrestres. Il ne sait pas ce qu'il rate. J'ai un peu ce genre de relation avec HEure Exquise que j'aime mais porte très peu, tout en étant absolument désespéré à l'idée d'en manquer un jour...
On se comprend.
Dau
Bonjour tous les deux ! Vous avez tout dit ! Je n'ai rien à rajouter ! Encore un flacon d'origine au fond de mon placard....
RépondreSupprimerHeure Exquise ? Je ne connais pas, je vais chercher. Je ne connais que L'heure exquise qui nous grise lentement, la caresse la tendresse du moment... :D On a tous un côté "veuve joyeuse", non ?
Gabrielle Dlr